Institut de beauté : comment évaluer le prix d'un soin en cabine pour être rentable

«À moins de 70 euros l’heure, un soin cabine n’est pas rentable» avance Marie-Paule Leblanc-Peru, Consultante et Spas & Export Director pour Pure Altitude. En France, de nombreux instituts sont loin du compte. En cause : les réticences des esthéticiennes qui misent sur l’aspect affectif de leur fonction en négligeant la dimension financière. Or, les principales sources de revenu d’un institut de beauté se répartissent entre les soins, la vente de produits et les abonnements. Pour développer son chiffre d’affaires, l’esthéticienne a tout intérêt à optimiser les périodes de haute activité, assurer des ventes complémentaires et dynamiser les périodes de basse activité. Toute une stratégie doit ainsi être établie pour rentabiliser l’activité phare de l’institut, en l’occurrence le soin. C'est pourquoi vous devez savoir comment évaluer le coût d'un soin en cabine pour être rentable.

Sachez distinguer le coût de revient et le prix d'un soin

Souvent, «les esthéticiennes ont tendance à confondre chiffre d’affaires et résultats. Elles ne prennent pas en compte les coûts cachés de leurs activités» regrette Marie-Paule Leblanc-Peru. Après l’étude de marché, il est indispensable de déterminer les indicateurs clés qui permettront d’optimiser le personnel, l’offre produits, les produits vente pour évaluer les marges. Cela suppose de distinguer le coût de revient du soin de son prix. Le coût de revient d'un soin en cabine comprend la somme des charges engagées pour produire un service. La différence entre ce coût et le chiffre d’affaires dégagé par ce soin permet ainsi de mesurer la rentabilité de ce dernier.

Pour calculer le coût de revient d’un soin, il faut intégrer à la fois les charges directes (qui concernent directement le soin) et les charges indirectes (loyer, salaire du responsable, des esthéticiennes, coûts de fonctionnement de l’institut...). Ce coût permet ainsi de définir le prix du soin en cabine afin que celui-ci puisse être rentable. Il faut cependant y ajouter un autre paramètre, celui du marché, incluant l’environnement légal, la concurrence et la demande. Il y a donc une logique interne, qui correspond au coût de revient, et une logique externe, qui obéit aux lois du marché.

Ces deux logiques se complètent «Car un prix ne peut être établi sans avoir les informations concernant le cadre juridique, la concurrence et la demande», précise Pauline Menjoz, gérante d’un institut dans le Val-de-Marne. Il faut ensuite calculer sa marge pour afficher le prix de vente de son soin. Cette marge peut être un pourcentage (ou un taux) applicable à l’ensemble des produits et services proposés par votre institut. Ces calculs se font toujours sur des bases hors taxes. Ces notions sont importantes pour comprendre le chiffre d’affaires (CA) qui correspond à la somme de toutes les ventes évaluées au prix de cession, c’est-à-dire au prix payé par la cliente. Ce chiffre d’affaires ne doit pas être confondu avec le bénéfice qui est le résultat de la différence entre les recettes et les coûts de l’entreprise.

Ce qu'il faut prendre en compte pour évaluer le coût d'un soin en cabine

Les produits utilisés pour la prestation de soin

Pour tenir compte du prix d’un soin, il faut intégrer tous les coûts induits par ce soin. À commencer par les produits utilisés. «Le coût des produits utilisés varie de 5 à 15 % en moyenne, le massage à l’huile étant le moins cher et les soins visage plus sophistiqués, les plus chers» détaille Marie-Paule Leblanc-Peru. Concernant les produits, certaines marques imposent le prix de base des soins dispensés avec leurs produits, qu’il est possible de revoir à la hausse ou à la baisse au regard des réalités du marché. Ici, l’essentiel est d’utiliser les bonnes quantités de produit. En effet, de nombreuses esthéticiennes utilisent beaucoup de produit, mais ces multiples excès font perdre de l’argent. Il faut au contraire calculer au millilitre les doses à utiliser et déterminer à partir de quel dosage le soin sera rentable. Certaines marques proposent des mono-doses, jetables après utilisation. «J’ai choisi les produits de la gamme Phyt’s, car ils sont écologiques mais surtout proposés en unidose. C’est parfait pour éviter toute déperdition de produit» explique Pauline Munjoz.

Les appareils 

Par ailleurs, les outils entrant dans la réalisation du soin représentent un coût non négligeable. Certains de ces appareils (le «Cellu M6», par exemple) ne sont utilisés que durant certaines périodes et sont «au repos» le reste de l’année. Pour ces outils ayant nécessité un fort investissement, il est nécessaire d’étudier en amont les délais sous lesquels l’appareil sera rentable pour ensuite calculer le coût d'un soin. «Il ne faut pas oublier de prendre en compte le nombre de cabines équipées de ces appareils, la durée de chaque soin, le nombre d’esthéticiennes pouvant travailler en même temps... Certains outils ne sont rentables qu’au bout de cinq ans, précise Pauline Munjoz. Il faut alors multiplier les offres pour utiliser au maximum ces technologies.» 

Le linge

Le coût du linge nécessaire à l’accompagnement du soin n’est pas à négliger, surtout en spa. L’entretien de celui-ci est évalué entre 5 et 10 euros par jour. Certaines esthéticiennes, par souci d’économie, font le choix de prendre des serviettes en papier tissé en institut, mais cela n’offre pas la même qualité de service. «Un soin est d’abord un rendez-vous avec soi-même qui doit se faire dans le maximum de confort. Lors de ce moment privilégié, la cliente doit sentir qu’elle est dans un espace accueillant, une ambiance cocooning», rappelle Marie-Paule Leblanc-Peru. Deux projets doivent alors être mis à l’étude : celui d’acquérir et d’entretenir le linge en interne, avec les investissements que cela représente, ou celui de laisser un prestataire externe entretenir le linge.

La qualité du linge est également essentielle : lavé régulièrement, il doit supporter de hautes températures de lavage et présenter un fini impeccable pour la cliente. Il n’est pas question de l’installer sur un linge élimé ou terni par les multiples allers-retours en machine. Face à ce coût, certains choisissent d’augmenter la durée de leur prestation pour limiter l’utilisation de ces consommables. C’est le cas du Spa Themae, qui rajoute des prestations courtes à ses soins classiques, amenant ainsi une durée de soin à 1 h 30 et non plus à 1 h. «Les coûts de ces consommables représentent 8 % du coût total d’un soin sur une durée d’une heure, explique Bertrand Thiery, co-fondateur de marque Themae. Si la durée de ce soin est allongée, la quantité de consommables est inchangée et le spa peut espérer accroître sa marge.» Bien souvent, les soins express, prévus sur une durée d’une demi-heure, sont effectués sur un laps de temps plus court (temps d’écoute et d’installation de la cliente, préparation de la cabine) et en spa, il est plus judicieux de les accoler à des soins plus longs.

Le loyer

À côté de ces coûts qu’il est possible de moduler, il en existe d’autres, fixes, élevés et incompressibles. Première charge, le loyer de l’institut. Selon la surface et la localisation, il varie. «Il est alors préférable de privilégier des petites surfaces mais qui ont un emplacement central dans une ville, explique Pauline Munjoz. Cela nécessite de savoir optimiser cet espace tout en le rendant accueillant, ce qui implique de ne pas surcharger inutilement le décor.» Les postes d’électricité et d’eau représentent un coût tout aussi important.

Le personnel

Autre charge importante, celle de la main-d’œuvre. «Il est important de savoir la maximiser en s’assurant de la bonne productivité de chaque esthéticienne» explique Marie-Paule Leblanc-Peru. «En ce sens, je fais souvent des opérations prix bas afin d’avoir le plus de clientes et assurer un taux d’occupation de mes cabines de 100 %. Je perds moins d’argent à faire des offres promotionnelles qu’à laisser des collaboratrices à la vente» complète Pauline Munjoz.

Esthéticienne : comment rentabiliser vos soins

Aussi, «entre le coût horaire de l’esthéticienne, le linge, les produits utilisés, le loyer et une fois la TVA enlevée, la marge est faible, démontre Marie-Paule Leblanc-Peru. Quant au prix payé par la cliente, en fonction du soin et du cadre, on assiste à une différence d’environ + 20 % s’il s’agit d’un spa d’hôtel. Pour permettre une réelle rentabilité à un soin de qualité, il faut compter au minimum un euro la minute de soin. Cela suppose de multiplier les stratégies de rentabilité. Répondre aux attentes est devenu la norme, c’est vraiment le minimum. Il s’agit désormais d’anticiper pour tendre vers l’excellence». Cela, en prenant en compte le facteur temps, la marge réelle se calculant par rapport à ce facteur.

Prévoyez un plan marketing

Il faut donc construire un plan marketing annuel. Ce plan doit comprendre des actions, événements, invitations tenant compte du calendrier local (fêtes, manifestations...) et toutes les opérations (animations soins, produits, la mise en place de packages) doivent s’inscrire dans une logique de «Pull and Push», où il s’agit de faire venir les clientes et de leur vendre davantage, tout en tenant compte de leurs attentes. Il est aussi conseillé de faire de la publicité autour de son institut (publi-rédactionnels en presse locale) et assurer sa présence dans les guides, les C.E., les entreprises locales...

Imprimez une carte de soins

Pour dynamiser votre offre, il est possible de faire une carte de soins, sorte de menu, qui, comme au restaurant, présente l’ensemble de vos offres et services. Expliquez la philosophie de votre institut, la nature des soins, les abonnements possibles... «Nul besoin d’offrir un catalogue exhaustif, prévient Bertrand Thiery, il faut au contraire montrer son expertise et miser sur la qualité des soins. Pour exemple, notre spa se limite à une vingtaine de soins que chacune de nos esthéticiennes effectue parfaitement. Il s’agit de faire du qualitatif sur mesure.» Sans compter qu’au niveau pratique, il est de loin préférable d’établir la liste des prix sur un encart à part (moins de documents à imprimer en cas d’augmentation des tarifs, non visibilité des prix dans le cas où vous offrez le soin).

Proposez des formules d’abonnement

Une solution efficace pour rentabiliser un soin consiste à proposer des formules d’abonnement (onze soins pour le prix de dix, six soins pour le prix de cinq, ces formules étant limitées dans le temps) ou des packages. C’est un bon moyen de fidéliser la cliente, de lui permettre aussi de dépenser en produits quand elle revient car elle a déjà payé son abonnement AVANT... Ces packages doivent néanmoins être ponctuels. Autre possibilité, proposez des «Happy Hours» pour créer du trafic à des moments calmes, développez des bons cadeaux... Vous pouvez être tentée de répondre à des offres types «Groupon», «Weeken-desk», mais il est impératif de vérifier l’adéquation entre l’image de votre institut et la rentabilité réelle de ces opérations.

Inspirez-vous des soins du monde

Il est également possible de vous inspirer des expériences étrangères. En Chine ou à New York, certaines prestations sont effectuées en 30 minutes contre 90 minutes en France pour un même niveau de qualité... Il est intéressant que vous vous inspiriez de ce savoir-faire tout en conservant la même qualité de service. Cela suppose beaucoup de training en amont afin d’offrir des gestes très précis, sûrs et justes. En France, cette pratique existe déjà dans les instituts d’ongles et certains instituts se sont orientés vers des soins visage courts. «Attention toutefois, tempère Marie-Paule Leblanc Peru, ce type de soins permet effectivement de gagner en clientèle mais les esthéticiennes perdent plus de temps entre deux clientes. C’est le même niveau de qualité mais dans un temps plus court, donc peut-être une détente moins importante. Cela reste néanmoins une bonne formule pour les femmes pressées entre midi et deux, par exemple.» Dans cette perspective, des instituts proposent des soins visage courts complétés par le produit cosmétique à appliquer chez soi pendant quinze jours, avant de faire revenir la cliente pour un soin rappel de 10 minutes. L’ensemble de la prestation est à moins de 80 euros.

Proposez des mini-soins

Il est également possible de découper au maximum les prestations proposées : cela, afin que votre cliente ait une impression de choix, et aussi pour qu’elle ne ressente pas les tarifs, qui eux aussi, seront «découpés». Lorsque vous «saucissonnez» et diversifiez ainsi vos prestations, vous rentabilisez mieux votre activité, et vous êtes en mesure de proposer des prestations de base dont les prix restent abordables. Il est plus facile pour une cliente de sortir des petites sommes tous les 10 jours qu’une somme plus importante tous les mois.

Proposez des soins plus longs

L’option inverse, qui consiste à allonger les temps de soins, est tout aussi rentable. «À ce titre, Themae propose un ADD-ON, c’est-à-dire une offre supplémentaire qui permet à la cliente d’apprécier les bénéfices d’un soin spécifique (hammam, bain japonais, réflexologie plantaire, massage de la nuque, soin éclat du visage, soin regard...) suite à un soin plus classique» explique Bertrand Thiery.

Cette opération est intéressante à plus d’un titre, le soin spécifique d’une demi-heure permet non seulement de rentabiliser les consommables (linge jetable et petits accessoires) mais offre également la possibilité à la cliente de découvrir des prestations exclusives à petit prix.

Au final, le panier moyen de la cliente augmente et le spa développe sa marge.

Utilisez des produits sans rinçage

Autre astuce : les produits sans rinçage, qui ne nécessitent pas de prendre une douche suite à leur application. Leur utilisation permet de réduire le taux de douche et génère une économie considérable en termes de linge, de cabine et d’eau. Ces produits ont déjà été adoptés par certains spas qui ont vu une baisse considérable de leur taux de douche, évalué à 80 % dans les spas.

Vendez des produits

Enfin, il est recommandé d’assurer la vente de produits durant le soin afin de le rentabiliser et de développer votre chiffre d’affaires. «Or, de nombreuses professionnelles, débutantes ou confirmées, négligent cet aspect pourtant fondamental. Il est impératif que l’esthéticienne se débarrasse de ses a priori (le coût de la prestation lui semble cher et elle a des scrupules à vendre des produits supplémentaires) et prendre en compte le fait que la cliente est dans son institut pour prendre soin d’elle, explique Marie-Paule Leblanc-Peru. L’esthéticienne doit prendre le temps de discuter avec sa cliente, de la mettre en confiance et de l’interroger sur ses besoins. Ensuite, elle lui propose les produits adéquats en expliquant pourquoi ils conviennent mieux qu’un autre et les résultats qu’elle peut en attendre.» Il est essentiel de lui montrer le bénéfice produit et de lui montrer comment elle pourra l’utiliser en lui donnant quelques astuces. Ce peut être de mettre ses produits au réfrigérateur, des conseils de maquillage, des couleurs à privilégier...

N’hésitez pas à rappeler à votre cliente que l’efficacité d’un soin se mesure dans la durée et insistez sur le fait que le soin peut (et doit) se poursuivre à domicile avec des produits adaptés. Cela suppose d’agir non plus comme une esthéticienne mais comme un véritable coach. Lorsque la cliente comprend que les soins proposés correspondent à ses besoins, elle ne s’attardera pas sur le prix et sera plus sensible à la qualité. «Cela fonctionne d’autant mieux si l’esthéticienne prend le temps d’inviter sa cliente à venir prendre une collation après le soin, à l’extérieur de la cabine, après avoir préparé les produits destinés à la vente, complète Marie-Paul Leblanc-Peru. Il faut en effet lui donner l’impression qu’elle a tout son temps, même si l’esthéticienne, elle, maximise le sien.» Toute cette stratégie fait disparaître l’aspect mercantile qui met mal à l’aise bien des professionnelles...

Motivez vos esthéticiennes

Enfin, en tant que responsable de l’institut, vous pouvez motiver votre personnel autour d’objectifs pour rentabiliser votre offre. En observant le taux d’occupation des cabines et le taux d’occupation du personnel, vérifiez le temps que vos esthéticiennes passent en cabine, comptabilisez les objectifs de vente par personne, par mois, par semaine. Vous pouvez alors motiver votre personnel financièrement : prime si occupation supérieure à 85 %, par exemple, pourcentage sur les ventes retail (2 à 10 %), attribution de produits non packagés en cas d’objectif atteint... les exemples ne manquent pas.

Rangez votre institut

Dernière règle pour maximiser votre offre, offrir un cadre propre et bien rangé, à la fois pour instaurer un état de bien-être et de confort, mais aussi pour ne pas perdre de temps dans les rangements. C’est au prix de ces multiples attentions que les offres deviennent rentables et qu’elles tendent vers l’excellence, tant au niveau du prix que de la qualité, l’essentiel étant bien sûr de savoir anticiper la demande pour valoriser les services de votre institut.