Esthéticienne : quel statut juridique choisir ?

Conférence présentée par Martine Berenguel, Présidente CNAIB SPA et Nadège Dekenuydt, Meilleur Ouvrier de France 2019, Vice-présidente CNAIB SPA lors du 53ème Congrès International Esthétique & Spa (Paris, avril 2024). 

L’envie ce n’est que le point de départ pour créer votre affaire et c’est là que votre vrai travail de l’entrepreneur commence….

Pour exercer votre activité d'esthéticienne, vous devez choisir un statut juridique, il va vous suivre pendant toute votre carrière et parfois vous êtes un petit peu déçue.

Le choix d'une forme juridique d'exercice dépend de plusieurs facteurs :

Ce choix est important car il conditionne notamment votre protection sociale.

Lorsque vous créez votre entreprise, le choix du statut juridique va déterminer à quel régime social le dirigeant est affilié. Il en existe de différents, avec chacun ses avantages et inconvénients. Quand vous créez votre entreprise, c’est important de savoir si vous allez un jour la céder, le vendre, choisissez le bon statut si vous avez cet objectif. L’idée est que vous ayez une bonne idée du paysage global afin pour positionner le vôtre et choisir celui qui pourrait vous correspondre.

L'entreprise individuelle (EI) en esthétique

L'EI en esthétique

C’est le choix retenu par une grande majorité les créateurs d’entreprise. C’est une forme juridique qui est plutôt souple, où il n’y a pas d’apport minimal et c’est souvent l’un des leviers qui fait qu’on s’y tourne facilement. Dans l’entreprise individuelle, il n’y a qu’une seule personne.

La responsabilité des associés

Martine : La responsabilité est civile et pénale, c’est la particularité de ce statut. L’autre particularité concerne les entreprises individuelles créées depuis le 15 mai 2022 qui peuvent bénéficier d’une responsabilité limitée au bien utile à l’activité professionnelle. C’est une vraie protection pour vous, chef d’entreprise. Si vous avez créé votre entreprise avant cette date, ne seront pris en compte en cas de problématiques que les biens qui ont été utilisés avant. Ça vous protège sur ce qui se passe aujourd’hui. C’est automatique, vous avez forcément cette protection. C’était une très grande avancée, parce qu’avant, votre maison personnelle pouvait couvrir les dettes de l’entreprise.

Le régime social

C’est le régime des travailleurs non-salariés obligatoirement, les fameux TNS que l’on voit dans les formulaires.

Les impôts

Vous avez des impôts des bénéfices : impôt sur le revenu, bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux.

Ce qu'il faut retenir sur l'entreprise individuelle

Cette forme d’entreprise reste la plus facile, la plus abordable pour vous, c’est celle que l’on vous recommande dès le début. Elle est facile à créer, plus protectrice depuis 2022 mais quand même prudence à bien sécuriser votre patrimoine.  

L'EURL : entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée

L'EURL en esthétique

Les associés

Il y a un associé unique.

La responsabilité

La responsabilité est limitée aux apports sauf faute de gestion limitée à ce que l’on a laissé pour l’activité professionnelle.

Capital social

Le capital social est libre, il est en fonction de la taille et des besoins de l’entreprise. Ça permet une grande souplesse. Vous pouvez y aller avec un petit capital si le reste des caractéristiques vous correspondent bien mais vous pouvez aussi avoir une crédibilité supérieure en mettant un capital plus important.

Imposition de l’associé unique

Il s’agit d’une personne physique avec une possibilité de choisir l’impôt sur les sociétés.

Ce qu'il faut retenir sur l'EURL

L’EURL est une structure idéale pour les entrepreneurs souhaitant conjuguer protection du patrimoine personnel, maîtrise totale de leur activité, et crédibilité professionnelle. Elle est particulièrement recommandée à ceux qui ont une activité nécessitant des investissements ou prévoyant une croissance, mais qui ne souhaitent pas partager la gestion avec d’autres associés. Pour les projets modestes ou très simples, d’autres formes comme l’auto-entreprise ou la SASU peuvent être préférables.

La SARL : société à responsabilité limitée 

Les associés 

Il s’agit d’une société avec un apport minimum flexible avec minimum deux associés. Cette notion d’associés multiples qui change le format de l’entreprise. 

Les responsabilités 

C’est la même chose : civile et pénale. Le chef d’entreprise et le responsable devant la loi de tout ce qui va se passer dans son entreprise.

Le capital 

Le capital est libre en fonction du besoin de l’entreprise. 

Régime social 

Gérant majoritaire considéré comme travailleur non-salarié. Gérant égalitaire ou minoritaire assimilé salarié. Il y a là une petite subtilité : on peut à nouveau être un DNS quand on est égalitaire majoritaire mais il y a une possibilité d’avoir des associés salariés dans cette SARL. C’est un format que l’on retrouve beaucoup dans l’artisanat notamment pour les métiers qui traditionnellement travaillent en couple.

L’un des membres du couple peut être le gérant avec tous les risques traditionnels du chef d’entreprise et avec quand même ce statut salarié. 

Imposition sur les bénéfices 

C’est l’impôt sur les sociétés, il n’y a pas le choix. Attention la SARL de famille est un type particulier. 

A qui convient le mieux la SARL ?

La SARL est recommandée pour :    

Conditions favorables : 

La SAS en esthétique : société par action simplifiée

La SAS en esthétique

On en voit un petit peu moins dans les entreprises artisanales esthétiques mais c’est également une possibilité. 

Avantages d’une SAS pour une entreprise artisanale esthétique

Flexibilité : Statuts personnalisables, idéal pour organiser la gestion.

Protection du patrimoine : Responsabilité limitée aux apports.

Facilité pour attirer des investisseurs : Entrée de nouveaux associés simplifiée.

Image professionnelle : Souvent mieux perçue que la SARL.

Inconvénients de la SAS en esthétique

Charges sociales élevées : Le président relève du régime général (coût supérieur à celui du gérant SARL).

Complexité : Formalités et rédaction des statuts plus complexes.

Conclusion : La SAS convient si vous prévoyez de faire évoluer ou développer l’entreprise. Pour un projet simple et local, une SARL peut être plus adaptée.

La SASU en esthétique 

On peut plus parler du SASU qui est un statut souple et une responsabilité limitée aux apports. On voit beaucoup aujourd’hui d’entreprise de venir SASU pour pouvoir être salariée. La particularité à retenir c’est que c’est très limité aux apports, vos biens personnels sont déconnectés de ce statut. La responsabilité est limitée aux apports. Elle est cadrée, on ne peut pas prendre plus. Il y a au minimum un associé mais vous pouvez être plusieurs. Le capital social est libre, vous pouvez mettre ce que vous voulez dans le capital. Ce sont des choses qui n’étaient pas forcément vraies il y a quelques années, il y a beaucoup de souplesse sur les statuts. La grosse différence est qu’ici, le gérant est assimilé salarié. Et c’est pour ça que l’on voit de plus en plus que ce statut est choisi car assimilé salarié et assimilé travailleur indépendant n’a pas les mêmes conséquences, au niveau du congé-maladie par exemple. 

Les avantages et les inconvénients du statut

La SASU est idéale pour un projet structuré et évolutif, mais coûte plus cher à gérer qu’une EURL.

La protection sociale pour le dirigeant TNS est peu coûteuse. Un TNS (Travailleur Non Salarié) désigne une personne exerçant une activité professionnelle indépendante, affiliée à la Sécurité Sociale des Indépendants. Ce statut concerne notamment les gérants majoritaires de SARL ou d’EURL, ainsi que les micro-entrepreneurs.   

SASU est préférable pour un dirigeant recherchant une protection sociale complète, tandis que le TNS est plus économique. Même pour un revenu net le poids des cotisations correspond à peu près à la moitié de ce que vous auriez payé en étant affiliés au régime général de la sécurité sociale. Le régime maladie de base est aligné sur celui des salariés. Vous bénéficiez des mêmes taux de remboursement que les salariés affiliés au régime général. Ça aussi c’est le côté positif Vous avez un faible montant de cotisations sociales à payer en début d’activité mais attention, après, ça se gâte.

Les avantages d’un statut de salarié

Souvent on entend : «  Je préfère être salariée plutôt que chef d’entreprise car il y a une meilleure couverture sociale grâces à l’affiliation au régime général, une couverture accordée en matière d’assurance-chômage » mais pour ça, il faut quand même contracter une assurance supplémentaire si c’est dans une SASU. L’accès à la retraite est prévu. Il y a un système de cotisations beaucoup plus simple : elles sont déclarées et payer mensuellement ou trimestriellement, ce qui est largement préférable.

Les principaux inconvénients du statut du dirigeant assimilé salarié d’une SASU

La protection sociale est plus coûteuse. En SASU, la gestion de la paye plus complexe : bulletin de paye, déclaration mensuelle et trimestrielle des cotisations à établir.

Le travailleur son salarié (TNS) VS le salarié 

En matière de coût, l’affiliation au régime général coûte deux fois plus chère.

En matière de paiement, le système de paiement des cotisations sociales est plus complexe pour les TNS.

Vous pouvez changer de statut en cas de mauvais choix 

En termes de droit, l’affiliation au régime général procure une meilleure couverture sociale.

Il y a de vraies contraintes et de vrais avantages différents, ça s’anticipe, ça se prépare et ça se remet en question en fonction de l’évolution de votre vie professionnelle. Votre statut juridique vous correspond au début de votre vie professionnelle mais vous pouvez le remettre en question à un moment donné parce qu’il ne reflète plus la réalité, il ne vous sécurise pas suffisamment pour la suite de votre parcours.

Vous pouvez commencer votre activité seule mais plus tard, votre activité peut se développer et vous aurez besoin de faire entrer non pas des salariés mais des associés qui vont amener une énergie, des apports financiers pour franchir des paliers d’entreprise ou des apportes en compétences complètement différents de ce que vous faites.

 Les conséquences du statut sur le régime social

Les conséquences du statut juridique sur le régime social d'une esthéticienne

En SARL ou en EURL : vous pouvez avoir des associés, il y a des différences égalitaire, minoritaire, majoritaire. S’il y a une chose à retenir est qu’il y aura toujours un référent, une personne physique pour l’État derrière une entreprise. On prend seul ou à plusieurs les risques financiers mais l’État a besoin de pouvoir pointer du doigt une personne. Toute la part de charges que le statut va imputer au quotidien sur l’entreprise c’est aussi un facteur de décision important.

La micro-entreprise 

La micro-entreprise en esthétique

Ce n’est pas un statut d’entreprise mais un régime fiscal spécifique, depuis qu’il existe, beaucoup de personnes ont opté pour ce régime fiscal souvent par simplicité. Ce régime fiscal a un impact sur les cotisations sociales, sur l’avenir, sur la retraite et parfois, les esthéticiennes ne le réalisent qu’à l’âge de la retraite. 

48 % des entreprises ne génèrent aucun C.A ! 

C’est un régime fiscal qui a été créé initialement pour faciliter le démarrage de l’activité sans être encombré du côté administratif qui, en France est très généreux. Et puis c’était aussi dans l’objectif de permettre aux personnes de déclarer une petite activité complémentaire. Aujourd’hui, c’est un statut pour lequel vous pouvez opter pour votre activité principaleMoi, Martine Berenguel, je suis présidente de la CNAIB et je suis aussi représentante dans des instances et en particulier à l’URSSAF national où j’ai des remontées de chiffres. Ainsi, en 2023, dans toutes les entreprises qui ont été créées, 48 % des entreprises créées sous le statut de la micro-entreprise ont déclaré zéro euros de chiffre d’affaires. Ce n’est pas normal, ça veut dire que l’on crée une société et on ne la fait pas vivre ou bien on s’est trompé de statut. Ce sont des entreprises fantômes. 

Attention aux contrôles 

Aujourd’hui l’URSSAF s’interroge sur ce statut et va faire des contrôles. Les agents de l’URSSAF ne vont pas débarquer chez vous parce que souvent c’est du domicile, mais ils vont se rendre sur les plates-formes de rendez-vous, ils ont des accès privés et vont vérifier si Madame X qui, ce jour-là avait trois rendez-vous, a bien déclaré un chiffre d’affaires. Ça paraît simple de ne pas déclarer de chiffre d’affaires mais ça a un impact. S’il n’y a pas de revenus déclarés, vous ne payez pas de cotisations sociales, vous bénéficiez quand même du remboursement des frais de santé. On est en France, c’est la chance que l’on a ! Attention, en cas de revenus inférieurs à 4200 €, ce qui n’est pas très élevé, le travailleur indépendant ne pourra pas recevoir d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail ou de maternité, c’est la mauvaise blague ! Quand vous découvrez que vous pensiez avoir choisi un régime fiscal qui vous couvrait et que vous réalisez qu’en fait il n’y a pas eu assez de chiffre d’affaires déclarés et qu’il n’y aura pas de prise en charge pour le congé maternité et que le congé de maladie sera à vos frais, ce n’est pas simple. 

La retraite 

Aujourd’hui, pour beaucoup d’entre vous, ça paraît lointain mais ce que l’on rencontre avec des esthéticiennes qui ont l’âge de prendre leur retraite et se retrouvent avec 600 euros par mois par qu’elles n’ont pas assez déclaré. Elles se sont tout simplement rendue compte qu’elles n’ont pas validé tous leurs trimestres ! Sachez que vous pouvez vous-même vous renseigner sur le site de la CARSAT (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail) pour voir où vous en êtes. Toute votre carrière s’affiche. Nous vous conseillons tous les deux, trois ans de faire vos calculs pour voir où vous en êtes c’est l’anticipation pour l’avenir. A partir de 35 ans, vous devez commencer à vous projeter. 

Voici l’exemple d’une esthéticienne qui a découvert que sur ses trois premières années de travail, elle n’avait cotisé que deux trimestres parce qu’elle n’avait pas rentré assez de chiffre d’affaires. Elle s’en est rendue compte des années plus tard, si elle l’avait su tout de suite, elle aurait pu recalibrer assez rapidement la situation. Pour cotiser un trimestre de retraite, au minimum il faut déclarer pour un trimestre 1690 €, 3300 € pour deux trimestres cotisés, 5000 € pour trois trimestres et 6700 pour valider vos quatre trimestres. C’est le minimum de chiffre d’affaires sur l’année.


Martine Berenguel et Nadège Dekenuydt

Nadège Dekenuydt, Meilleur Ouvrier de France 2019, Vice-présidente CNAIB SPA et Martine Berenguel, Présidente CNAIB SPA.