Gérante d’institut : pourquoi est-il essentiel de se mettre dans la posture de cheffe d’entreprise ?

Nous avons appris à être esthéticienne, puis, par les opportunités de la vie, nous devenons chef d’entreprise. Mais on ne nous apprend pas à être chef d’entreprise. J’ai été esthéticienne salariée pendant 12 ans avant de devenir chef d’entreprise. J’ai fait énormément d’erreurs qui m’ont beaucoup appris.

Dans notre métier, une fois gérante, il existe deux types d’esthéticiennes :

- l’esthéticienne qui a toujours voulu être chef d’entreprise. Elle a été animée par cet objectif dès l’école. Elle savait qu’un jour elle aurait son institut. C’est elle qui va chercher l’opportunité, regarder ce qui se vend pour créer son centre,

- l’esthéticienne qui se dit que «Oui, pourquoi pas, ça pourrait être un projet» car sa patronne vend son institut. Elle se dit que c’est une opportunité, elle ne sort pas trop de sa zone de confort, elle connaît le lieu, la clientèle alors, elle se lance.

J’ai rencontré quelques personnes qui m’ont dit vouloir ouvrir un institut pour vraiment gagner de l’argent, mais c’est extrêmement rare. Nous, esthéticiennes, lorsque nous ouvrons un institut de beauté, c’est pour y mettre notre patte, c’est parce que l’on souhaite prendre soin de notre clientèle d’une certaine manière, il y a aura notre décoration, notre univers… Notre mission première n’est pas de gagner de l’argent. Sauf que nous devenons chef d’entreprise et que c’est une entreprise à gérer, ce n’est pas une association à but non lucratif. Il est essentiel, en tant que gérante, de se mettre dans la posture de cheffe d’entreprise.

Les trois images de votre vie d'esthéticienne

Sur ce visuel, il y a vous avant, et maintenant : vous êtes une femme, une épouse, une maman, vous avez votre identité. Après, vous devenez esthéticienne, vous avez choisi un métier très tourné vers l’autre, vers l’émotionnel, vers l’empathie pour vous occuper des gens, c’est votre principal but. Et puis un jour, vous devenez chef d’entreprise et, là, ça change beaucoup de choses. Tout d’abord, je souhaite vous féliciter. Car on oublie tout le parcours que vous avez dû traverser pour passer de salariée à chef d’entreprise. C’est une bataille avec les banques, le comptable, vous avez pensé à votre concept, votre carte de soins, vos protocoles. Nombreuses sont les esthéticiennes à rêver devenir chef d’entreprise mais toutes ne franchiront pas le pas. Il est important de vous féliciter pour cela.

Il faut séparer ces trois images…

Il est important que vous sépariez ces trois images et que vous fassiez la part des choses. Il y a vous, la mère de famille, l’épouse, la femme, ça correspond à votre sphère privée, et il y a l’esthéticienne qui est en contact avec la clientèle, qui est dans l’empathie, le souci de bien faire, de plaire…, et il y a la chef d’entreprise qui doit construire, modeler et faire avancer son entreprise.

Devenir chef d’entreprise peut ne pas faire rêver, mais c’est une formidable aventure

Une entreprise, c’est comme un bateau, il y a les matelots qui font avancer le bateau, mais il y a surtout le capitaine qui doit guider le bateau dans la bonne direction. Si vous travaillez seule, ou que vous êtes en équipe, mais en cabine aussi, vous êtes à la fois le matelot et le capitaine. Gardez bien en tête que lorsque vous devez prendre des décisions de chef d’entreprise, nous parlons bien de la troisième personne, pas du tout de l’esthéticienne.

En quoi consiste réellement le rôle de chef d’entreprise en esthétique ?

Le rôle du chef d’entreprise consiste à faire des choix tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, tous les ans, ce n’est qu’une succession de choix. C’est très dur parfois pour certaines esthéticiennes, qui sont beaucoup dans l’émotionnel, de faire des choix. Ainsi, parfois, vous pouvez faire des choix qui ne sont pas judicieux, ce sont des choix émotionnels d’esthéticienne, sauf que tous ces choix doivent être pris par la chef d’entreprise. C’est vous, la chef d’entreprise qui portez votre business, c’est vous qui prenez les risques financiers pour votre entreprise, c’est vous qui devez aller voir la banque, le comptable, c’est vous qui vous pouvez passer des nuits blanches comme par exemple pendant les confinements.

Chef d’entreprise VS salarié

Quand j’ai appris à la télévision que nous devions fermer, j’ai pleuré tout ce que j’ai pu… Je me suis demandé comment j’allais faire, j’ai fait le point sur ma trésorerie et je me suis demandé combien de temps j’allais tenir… Clairement, les collaborateurs, les salariés, n’ont pas ce stress-là, ça n’appartient qu’aux chefs d’entreprise. C’est vous qui avez tous ces doutes : «Je fais ce choix-là, est-ce le bon ?». Vous allez avoir des peurs, des angoisses, vous allez vous énerver. Vous allez rabâcher les choses, si vous avez une équipe, vous avez sans doute l’impression de répéter sans cesse les informations, mais oui, c’est votre rôle de chef d’entreprise. Sachant tout cela, devenir chef d’entreprise peut ne pas faire rêver mais c’est aussi une formidable aventure.

Comment incarner ce rôle de chef d’entreprise

Vous l'avez compris, en tant que géranet Comment être plus sûre de vous dans votre posture de chef d’entreprise lorsque vous échangez avec votre banquier, votre fournisseur, votre comptable, vos clientes ? À la maison, en tant que mère vous avez toutes des règles. Par exemple, chez moi, il est interdit de dîner avec la télé allumée. Pour avoir échangé avec ma collaboratrice sur ce sujet, chez elle, c’est tout l’inverse, la télévision est en permanence allumée. Nous avons chacune nos règles, il n’y en a pas une qui est meilleure que l’autre. L’essentiel est d’être alignée avec celle-ci.

À vous de créer vos propres règles

En tant que chef d’entreprise, vous devez créer les règles de votre entreprise. Réfléchissez à ce que vous voulez pour votre entreprise et créez vos propres règles et c’est ainsi que vous adopterez cette posture de chef d’entreprise.

L’exemple du jeu de société

Vous achetez un jeu de société, s’il n’y a pas de règles, vous aurez un plateau, des pions, des dés, des cartes mais vous n’y jouerez jamais car tout le monde voudra inventer ses propres règles et ce sera le bazar. Votre entreprise est comme un jeu de société, vous devez créer vos règles du jeu à vous, pour vous, et aussi pour les personnes qui gravitent autour de vous et qui sont liées à votre entreprise, c’est-à-dire vos fournisseurs, votre banquier, votre comptable, vos salariés, les autres commerçants. Mais la priorité des règles, c’est vous et ce en quoi vous êtes alignée, parce que c’est vous la cheffe d’entreprise.

Votre entreprise est comme un jeu de société, vous devez créer vos propres règles

Fixez des règles pour vous

Je gère deux instituts, je travaille avec dix esthéticiennes. Lorsque je travaille à l’institut, je suis souvent interrompue, j’écoute tout en ce qui se passe en magasin, je mets beaucoup de temps à me reconcentrer. Alors j’ai mis en place une règle : une journée de télétravail à la maison. C’est ma règle de mon jeu à moi, de mon entreprise. Ça me permet d’être au calme pour mieux avancer.

Accordez-vous du temps pour créer

Cette situation vous est sans doute déjà arrivée ; vous êtes en vacances et sans vous en rendre compte, lorsque vous avez l’esprit posé et que vous vous dites : «Ça y est, je suis en vacances, je ne pense plus à rien» et bien, c’est à ce moment que les idées pour votre institut fusent. Et vous notez tout ce que vous ferez à votre retour. Vous êtes en vacances mais vous avez laissé du vide et ce vide a permis à votre cerveau de créer. Et la créativité est aussi l’un des rôles du chef d’entreprise. Il faut savoir vous accorder ces «temps morts» pour prendre du recul…

Prenez du recul sur votre entreprise

Voici un autre exemple, à un mariage, j’ai rencontré le mari d’une connaissance, il m’explique qu’il est chargé du développement stratégique pour une TPE. En résumé, son patron sait où il veut aller, où il veut mener l’entreprise mais il préfère faire des déjeuners avec des fournisseurs ou des clients et donc il lui délègue toute la partie développement. Ainsi, le mari de cette dame devait organiser des formations avec les chefs d’équipe, la communication, la stratégie pour atteindre les objectifs déterminés par le patron. Clairement, c’est votre rôle de chef d’entreprise. Et vous oubliez souvent cela parce que vous avez la tête dans le guidon, parce que vous avez peur de refuser une cliente… 

Sauf que vous avez besoin de sortir de votre entreprise pour prendre du recul, pour penser à votre stratégie, pour laisser place à la créativité. Et surtout c’est un poste à part entière. Ce monsieur ne fait que ça, et je suis sûre que ça ne vous choque pas mais dans notre métier quand la gérante prend du temps de recul et de stratégie et donc sort de sa cabine, c’est souvent incompris.

Les règles avec les fournisseurs

Avec les fournisseurs, je ne veux pas de sur stock. C’est une règle dans mon jeu. L’année dernière, je souhaitais proposer une gamme d’autobronzant. La marque me proposait un package beaucoup trop gros. Moi, dans ma règle du jeu, ce n’est pas ce que je veux, la marque a ses propres règles. Ce n’est pas grave, il y a d’autres fournisseurs, et la marque trouvera d’autres clients. Vous avez le droit de dire «non», souvent vous n’osez pas dire non parce que vous ne voulez pas décevoir. Mais vous avez tout à fait le droit de refuser quelque chose à votre fournisseur et à votre comptable aussi.

Les règles avec le comptable

Avant, je payais mon comptable avec un an de décalage. Lorsque j’ai voulu changer de comptable, j’ai eu deux ans à payer la même année. C’était aberrant et ça pesait sur le bilan. J’ai donc mis en place ma règle : tout payer en temps et en heure. C’est-à-dire que lorsque le bilan est terminé, je veux que tout soit réglé.

En fin de bilan, vous avez forcément déjà vécu cela, le comptable vous envoie un mail en vous listant toutes les pièces manquantes. Cela me générait un stress terrible. J’ai donc mis en place une règle du jeu pour ça : tous les trois mois, j’envoie à mon comptable toutes mes factures, mon relevé de compte. 

Il me dit s’il manque quelque chose et, si c’est le cas, je peux retrouver les éléments facilement. Le stress en fin de bilan, c’est fini.

Les règles avec le banquier

J’adore mon banquier donc je veux le voir deux fois par an. De nombreuses esthéticiennes diront : «Moins je vois mon banquier et mieux je me porte». Au contraire, j’éprouve le besoin d’échanger avec lui sur mes chiffres pour qu’il sache ce qui est prévu. Aujourd’hui, tout va bien, mais un jour, si vous frappez à sa porte parce que la situation a changé, si vous ne l’avez pas vu depuis des années, que vous lui avez juste envoyé votre bilan, votre échange ne sera pas le même car il ne vous connaîtra pas.

En tant que chef d’entreprise, plus vous allez créer vos règles et plus vous serez sereine

Les règles avec la famille

J’ai donc une journée en télétravail. Pendant cette journée, ma famille part du principe que je ne suis pas là. Je suis à la maison, dans mon bureau mais c’est mon mari qui s’occupe des repas, des enfants, c’est comme si j’étais à l’institut. J’ai déporté l’institut chez moi. Sauf en cas de force majeure bien entendu mais, sinon, personne ne me dérange.

Les règles avec les commerçants

Je vois souvent passer cette situation sur les réseaux sociaux, il s’agit d’une esthéticienne qui dit aller tous les mois chez un commerçant qui lui fait une réduction, elle se sent donc obligée, elle aussi de lui faire une réduction quand ce commerçant vient à l’institut. Sauf que le commerçant prend rendez-vous toutes les trois semaines. Que faire ?

Interrogez-vous : avec quoi êtes-vous alignée ? De quoi avez-vous envie ? Si vous ne souhaitez pas lui faire de réduction, ça peut être votre règle du jeu, il faut juste lui expliquer. Glissez-lui que vous êtes gênée de cette situation, que le fait que des réductions doivent s’appliquer automatiquement réduit la marge pour chacun des commerçants et donc que vous ne pratiquez pas cela. Souvent, vous avez du mal à communiquer car vous êtes dans l’émotionnel, vous avez du mal à expliquer les choses qui pourraient être vues comme un «non» alors qu’il faut juste prendre le temps de vous exprimer et d’expliquer pourquoi.

Les règles avec votre équipe

En tant que chef d’entreprise, vous avez forcément l’impression de répéter mille fois les mêmes choses. Mais quelles sont vos règles ? Voici l’une de mes règles : je veux que tout le monde raccompagne la cliente à la porte. Toutes mes esthéticiennes le savent et le font. Autre règle, on ne vient pas travailler en jean. C’est mon jeu, ce sont mes règles. Pour le jean, j’informe mes esthéticiennes dès l’entretien d’embauche. Pour la porte, c’est dit très rapidement, et comme l’équipe déjà en poste le fait, les nouvelles suivent. Vous avez l’impression de rabâcher ? C’est normal mais plus vos règles du jeu sont claires, dites, notées et surtout partagées, moins vous aurez à rabâcher sur du long terme.

Gérante d'institut : comment mettre en place vos règles

Tout d’abord, ne vous mettez pas la pression, achetez-vous un beau carnet que vous aurez envie d’ouvrir et vous que allez catégoriser avec par exemple : collaboratrices, comptable, banquier. Quand il vous vient quelque chose à l’esprit, vous le notez et vous constaterez rapidement que ces fameuses règles du jeu, elles vont naturellement arriver. 

Quand vous en aurez suffisamment, il faudra les mettre au propre. Avec votre équipe, vous les informez de ces règles en leur faisant signer le document comme quoi elles ont bien pris connaissance des règles du jeu. Lorsque vous ouvrez une boîte de Monopoly, la règle est à l’intérieur et est à lire avant de jouer. L’important est de ne pas vous mettre la pression. Il y a des règles et vous allez pouvoir créer en équipe.

Imaginez des règles avec votre équipe

Les clientes peuvent faire des cures dans mes instituts et payer en plusieurs fois. Sauf que j’ai neuf collaboratrices et que chacune faisait à son idée, ainsi des clientes payaient en trois fois, en six fois, en quatre fois, c’était un petit peu le bazar. Dernièrement, en réunion d’équipe, nous avons créé cette règle-là ensemble : pour tel montant, le règlement devait se faire en deux fois, pour tel autre montant, en trois fois, etc. Et cette règle est affichée sur la caisse, toutes les clientes voient le document et l’esthéticienne aussi. Mes collaboratrices sont beaucoup plus sereines.

À retenir

- En tant que chef d’entreprise, plus vous allez créer vos règles, plus vous allez être sereine et alignée avec vos valeurs. Ça va vous retirer une charge mentale énorme.

- Vous ne ferez jamais l’unanimité, vos règles du jeu ne plairont jamais à tout le monde. Je prends l’exemple de la case prison au Monopoly. Personne n’a envie de tomber sur la case prison mais, à ce moment-là, il ne faut pas jouer au Monopoly. C’est pareil, personne n’aime être contrarié, en tant qu’esthéticienne vous n’aimez pas dire non.

Lorsque vous aurez posé des règles établies, les collaboratrices, les banquiers, les comptables, tous les gens qui gravitent autour de vous verront une vraie différence et, vous, vous sentirez une vraie différence. Vos règles ne sont pas fixes, elles peuvent évoluer parce que vous êtes un être humain, parce que votre offre peut changer, votre clientèle aussi peut évoluer et c’est normal.

Plus vous mettrez en place de règles du jeu et plus vous partirez du principe que vous ne ferez pas l’unanimité et qu’il ne faut pas prendre de décisions à la va-vite, et plus cette posture de chef d’entreprise, qui est différente de la posture d’esthéticienne, je le rappelle, vous apportera de la sérénité et de la clarté pour bien faire naviguer votre bateau. 


Agnès Le Guennec, Gérante des Instituts Poudre d’Anges à Lorient et Hennebont, Gagnante du Concours de L’Esthéticienne de Demain 2022.

Agnès Le Guennec, Gérante des Instituts Poudre d’Anges à Lorient et Hennebont, Gagnante du Concours de L’Esthéticienne de Demain 2022.