Marie-Anne Conorgues : Je suis socio-esthéticienne depuis 17 ans, je travaille dans une clinique de cancérologie dans le Sud-Ouest de la France à Pau. Je suis également formatrice et je dirige un organisme de formation en socio-esthétique, Esthétique et Santé.
Christelle Ly : Je suis installée dans une configuration un peu particulière, dans une maison de santé avec des professionnels médicaux et paramédicaux, et je suis confrontée à rencontrer des malades en post-traitement de cancer.
Carole Lagorce : Je suis estéticienne depuis 26 ans, j'ai créé mon institut il y a 15 ans à Biarritz et, en parallèle, je suis formatrice en techniques manuelles de bien-être.
Etat des lieux sur le cancer
- Nous assistons à une augmentation croissante du nombre de malades. L'Institut National du Cancer a prévu, entre 2015 et 2030, le double de patients en France !
- Le système de soin aujourd'hui en France amorce ce que l'on appelle un virage de l'ambulatoire, c'est-à-dire une externalisation des soins pour des raisons économiques.
- Les médicaments sont administrés de plus en plus par voie orale. Le cancer, grâce à l'évolution des traitements anti-cancéreux, devient une maladie chronique, ce qui nous amène à penser que demain les esthéticiennes en ville seront de plus en plus confrontées à des personnes malades.
L'esthéticienne face au cancer
Nous exerçons dans des services de cancérologie mais nous n'avons pas toujours des temps pleins à l'hôpital. Et, d'autre part, nous sommes principalement actives sur la période «en cours de traitement». Donc, ça veut dire que lorsque le traitement s'arrête, nos patientes nous quittent et redeviennent vos clientes.
Je vais vous citer le cas de Mme X qui est venue en séances de socio-esthétique à la clinique où je travaille et qui m'a raconté être allée avec son mari faire une thalasso en Bretagne pour s'offrir une trêve dans la maladie. Lorsqu'elle s'est présentée au spa de la thalasso, l'esthéticienne a refusé de l'accueillir parce qu'elle était malade !
Christelle Ly: Ma première rencontre avec une personne atteinte du cancer a été avec le mari d'une cliente. Ma cliente constatant les effets indésirables dus à son traitement, il souffrait et se plaignait d'avoir des douleurs. Elle voulait que je lui propose un massage. Aujourd'hui, j'ai honte, car, à l'époque, je lui ai dit non.
Je ne pouvais pas lui faire de massage au risque de faire migrer les cellules cancéreuses. Je sais aujourd'hui qu'il n'y a pas de recherches qui le prouvent mais, sur le moment, je me suis sentie un peu perdue.
Carole Lagorce : J'ai eu la douloureuse expérience d'avoir une de mes clientes, dont je m'occupais depuis longtemps, qui est arrivée en me disant qu'elle avait un cancer du sein. Ça a été terrible pour moi car c'était une amie. Je ne pouvais pas m'occuper d'elle, je ne pouvais pas lui faire de massage, je ne pouvais pas l'épiler, et je ne pouvais pas la guider...
Quand on passe son CAP d'Esthétique, on nous dit qu'on ne doit faire de soins qu'à des gens sains et qu'on ne doit pas toucher à des personnes malades. Ça a été terrible pour moi. Donc, je me suis renseignée pour savoir ce que je pouvais lui faire, et j'ai découvert Marie-Anne.
Qu'apporte un soin esthétique pendant un cancer ?
- Les patients sont amenés à vivre des effets secondaires avec des répercussions directes sur la peau, les ongles ou encore les cheveux. Donc, l'idée des soins esthétiques, c'est de pouvoir venir contrecarrer ces effets secondaires, ou peut-être aussi les prévenir.
- Nous avons une expertise en massage. Le but est de pouvoir accompagner les patients qui sont face à des situations d'anxiété et de réelles situations de douleurs, qu'elles soient morales, émotionnelles ou physiques.
Par expérience, encore une fois, même si nous manquons en France cruellement d'études cliniques, nous savons très bien que les massages peuvent accompagner justement ces situations d'anxiété ou de douleurs.
- Les soins esthétiques permettent à toutes ces femmes de conserver une part de féminité en les accompagnant avec des conseils autour du maquillage correcteur ou en leur apprenant à nouer leur foulard.
Nous devons absolument éviter d'avoir à refuser une cliente malade à l'institut. C'est déjà assez stigmatisant de tomber malade, alors si en plus la cliente malade va voir son esthéticienne pour continuer ses soins et que vous la refusez, en plus de la stigmatisation cancéreuse, il y aura une stigmatisation qui va tourner vers un isolement social.
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