Le microbiome cutané : une belle opportunité pour les marques institut
Du microbiote au microbiome
Grâce aux nombreux ouvrages parus sur le sujet et notamment «Le charme discret de l’intestin» (éd. Actes sud) de Giulia Enders en 2017, nous avons enfin pris conscience de l’importance du microbiote intestinal pour notre santé.
Surdoué, il est capable de prévenir l’obésité, d’être le chef d’orchestre de nos humeurs et de participer au bon fonctionnement de notre système immunitaire.
Les études se font d’ailleurs de plus en plus nombreuses sur le rôle des micro-organismes qui peuplent notre organisme.
Mais un microbiote peut en cacher un autre… Alors que la santé n’a jamais autant été au coeur des préoccupations de la beauté (avec notamment la clean beauty), l’une des tendances prometteuses du moment est le microbiome cutané.
De plus en plus de marques capitalisent sur les nombreuses recherches qui tendent à affirmer qu’il existe une relation entre un microbiome «équilibré» et une peau saine.
Plus que jamais, le microbiome cutané est considéré comme un élément clé pour l’avenir des cosmétiques.
Qu'est-ce que le microbiome ?
La peau accueille en son sein un véritable écosystème vivant, un monde invisible à nos yeux, imperceptible, et pourtant… Dans chaque centimètre carré de notre peau, vivent et évoluent 75 à 80 % de bactéries, 10 à 20 % de virus et 5 à 10 % de levures.
Chaque cm2 de peau est couvert d’un million de ces micro-organismes, soit 100 milliards en totalité qui oeuvrent pour maintenir la peau éclatante de santé.
Notons que ces micro-organismes -qui forment le microbiome cutané- sont principalement présents à la superficie de la peau (majoritairement au niveau du stratum corneum), sur la partie supérieure des follicules pileux et des conduits des glandes sébacées.
À chacun son microbiome
Au même titre qu’une empreinte digitale, notre microbiome est unique.
Il s’acquiert à la naissance lors de l’accouchement par voie basse, et peuple l’ensemble du corps en environ deux minutes, avec des populations de micro-organismes différents selon les zones du corps.
Les micro-organismes interagissent entre eux et avec les cellules du corps, particulièrement avec celles impliquées dans le système immunitaire. De son équilibre complexe dépendent la santé de la peau et la préservation de sa fonction barrière.
Le microbiote naturel de la peau est favorisé par un pH légèrement acide. L’augmentation du pH favorise l’implantation de bactéries pathogènes.
Préserver l’équilibre du microbiome cutané
Ainsi, le microbiome cutané est en quelque sorte le bodyguard de la peau : surdoué, il a la capacité de sécréter des substances antioxydantes et antibactériennes, de maintenir le pH acide de la peau, et de former un biofilm anti-adhésion qui sert de barrière physique.
Il est, en réalité, la meilleure protection contre tous les problèmes de peau !
Un équilibre menacé
Oui mais voilà, le microbiome s’est considérablement affaibli au cours de ces dix dernières années, créant des dysbioses (déséquilibres du microbiome), et entraînant par là même de nombreuses affections cutanées : acné, rosacée, allergies, irritations, démangeaisons, hypersensibilité cutanée, dermatite atopique, pellicules*, vieillissement prématuré de la peau, érythèmes, imperfections cutanées,…
*Jusqu’à récemment, tout le monde s’accordait pour montrer du doigt la levure Malassezia, flore dominante du cuir chevelu, comme responsable de la formation des pellicules.
Or, de récents travaux montrent que les pellicules sont plus précisément associées à un déséquilibre de l’ensemble du microbiote, impliquant à la fois le bactériote et le mycobiote.
Les responsables de ce déséquilibre ?
L’utilisation intensive de cosmétiques, de conservateurs synthétiques, de détergents trop puissants, de savons ordinaires à pH élevé, mais aussi l’exposition trop importante aux UV et au stress et un mode vie pas toujours équilibré.
En utilisant quotidiennement des produits cosmétiques et d’hygiène alcalins, le pH naturel a été modifié. Ainsi, avant 2006, les scientifiques situaient le pH entre 5 et 6, selon les zones du corps.
Or, les dernières recherches démontrent qu’il est naturellement beaucoup plus acide, autour de 4,7. Ces valeurs trop élevées seraient la conséquence directe des pratiques d’hygiène et rituels de beauté.
Le constat
En nous éloignant de la nature, nous avons appauvri les populations bactériennes qui vivent sur la peau et l’aident à nous défendre contre les maladies et les agressions extérieures.
Une étude publiée dans l’International Journal of Cosmetic Science montre que des valeurs plus élevées de pH, à savoir moins acides, sont associées à des maladies de peau telles que la dermatite atopique, la dermatite de contact irritant, l’acné ou l’ichtyose, de plus en plus répandues.
Vers une immuno-cosmétique
«Retrouver une belle peau saine, limiter les signes de l’âge, avoir un teint lumineux, tous ces objectifs traditionnels de la cosmétique sont en grande partie conditionnés par l’équilibre de notre microbiome cutané», affirme Pascale de Lomas, co-Fondatrice de la marque Biosme.
L’immuno-cosmétique n’est en effet plus un segment niche mais bel et bien un segment clé pour l’avenir des cosmétiques.
Elle s’adresse désormais à un large public pour des applications très diversifiées telles que les produits d’hygiène, les soins antiâge, capillaires, bébés ou encore pour les peaux sensibles et atopiques.
Saviez-vous que le fameux sérum «Advanced Night» de la marque Estée Lauder, contenait dès son lancement -il y a 35 ans- du bifidus et des lactobacilles, sans pour autant en mesurer encore tout le champ des possibles ?
Des grandes marques telles que Vichy, Lancôme, Novexpert, Phytomer, Phyto, Cinq Mondes ou encore Lavera ont intégré des actifs probiotiques dans certaines de leurs formules.
D’autres comme Gallinée ou Biosme (avec une gamme bio) se sont spécialisées sur ce segment des plus prometteur.
Les actifs star de la cosmétique dermo-probiotique
Les pré-, pro- et post-biotiques sont incontestablement les actifs surdoués des formules «microbiomes».
Les probiotiques
Nous sommes déjà familiarisés avec eux puisqu’on les retrouve notamment dans les yaourts et le kéfir. Ce sont des micro-organismes vivants, le plus souvent des bactéries : souches Streptococcus, Bifidobacterium, Lactobacillus acidophilus ou lactocoques.
Ces actifs naturels protègent le microbiome à la surface de la peau, tout en préservant son écosystème et permettent ainsi de réduire les irritations et inflammations à l’origine des imperfections cutanées, du vieillissement cutané ou des odeurs corporelles.
Ce sont de véritables boosteurs des défenses naturelles de la peau.
Ces actifs naturels agissent en protégeant l’homéostasie du microbiote cutané. Ils favorisent la croissance des micro-organismes bénéfiques pour l’épiderme en leur procurant des compléments nutritionnels et/ou inhibent le développement des bactéries opportunistes responsables des déséquilibres.
Les probiotiques, en protégeant le microbiome, vont lui permettre de remplir son rôle : lutter contre les agressions extérieures comme la pollution, le stress, l’alimentation ou les virus.
À titre d’exemple, la marque Biosme a breveté en 2015 le complexe «pro-active déo» associant des ferments de saccharomyces et de lactobacilles offrant une protection remarquable contre les odeurs corporelles.
Ce complexe d’actifs a donné naissance à la première gamme de la marque : les déodorants aux actifs probiotiques daydry, certifiés Cosmos.
Gallinée utilise, quant à elle, des bactéries désactivées de la famille des Lactobacilles, ces probiotiques sont très doux pour la peau et aident à soutenir le microbiome et la fonction barrière de la peau.
Les prébiotiques
Ils ont pour mission de nourrir et favoriser le bon développement des probiotiques : ce sont des sucres simples ou complexes, issus de fibres végétales qui nourrissent les bonnes bactéries de la peau et qui aident à soutenir la barrière cutanée, avec une action antibactérienne contre les mauvaises bactéries.
Les post-biotiques
Ce sont les molécules secrétées par les probiotiques qui les miment et ont sur eux des effets bienfaisants.
Le plus utilisé est l’acide lactique. Elles permettent le maintien d’un état favorable à un microbiome équilibré et sain.
Des actifs végétaux fermentés ou à forte teneur en prébiotiques
Gallinée utilise par exemple un extrait de yacon, une racine de la même famille que les topinambours, qui contient une des plus hautes teneurs en prébiotiques du règne végétal.
Biosme intègre, dans certaines de ses formules, un extrait de papaye fermenté qui soigne la peau en profondeur et unifie le teint.
Les fournisseurs d’ingrédients cosmétiques montrent également un engouement certain pour ce nouveau segment :
- Vytrus Biotech a développé Kannabia SensePLF, un traitement prébiotique innovant qui stimule le microbiote de la peau pour produire un cocktail post-biotique in situ boostant la synthèse d’ocytocine dans les kératinocytes.
Les molécules générées dans les kératinocytes activent la production d’ocytocine dans les neurones sensoriels, communiquant avec le cerveau et conduisant ainsi à une réponse de bien-être cutané.
- CLR commercialise CutiBiome, un actif capable de réduire la formation de lésions acnéiques et la desquamation du cuir chevelu.
- Solabia a développé Bioecolia, un prébiotique qui préserve l’écosystème du corps en maintenant l’équilibre du microbiote.
Il rééquilibre le paysage bactérien, fortifie la barrière microbiologique de la peau et renforce les défenses naturelles du corps en stimulant la production de peptides antimicrobiens, marqueurs clés de l’immunité.
Cet actif trouvera toute sa place dans les soins enfants, anti-acné, hygiène intime ou encore capillaire.
- Codif a développé Capibiome, un actif capillaire qui permet le rééquilibrage du microbiote du cuir chevelu, la diminution des pellicules et la diminution des démangeaisons et des picotements.
Favoriser la biodiversité du microbiome pour un écosystème cutané harmonieux, tel est l’un des enjeux de l’industrie cosmétique, sur lequel il faudra dorénavant compter.
Cet engouement s’accompagne par ailleurs d’un intérêt accru pour le concept de naturalité et la diminution de l’usage de substances chimiques pouvant avoir un effet délétère sur la peau.
En utilisant des cosmétiques naturels et respectueux de notre microbiome, en changeant nos routines de soin, en vivant plus près de la nature, nous pouvons retrouver une symbiose harmonieuse avec l’ensemble des micro-organismes qui nous entourent.
Ce nouveau segment -nécessitant un conseil important de par sa technicité- devrait trouver toute sa place en institut où le conseil est d’or.