Peaux noires, métissées, asiatiques : comment adapter les soins en institut de beauté ?

Au départ, il y a des individus avec chacun une couleur de peau unique. Celle-ci est définie en fonction de la microcirculation, de la proportion d’oxyhémoglobine (hémoglobine oxygénée et rouge) et de désoxyhémoglobine (hémoglobine pauvre en oxygène et bleuté), du taux en carotène qui donne une teinte orangée selon le régime alimentaire, mais surtout du taux de mélanine.

Mais la mélanine n’est pas une simple molécule comme l’explique le Docteur Marie Jourdan, dermatologue spécialisée en dermatologie esthétique et correctrice : «Il y a en vérité deux types de mélanine : la PHEOmélanine et l’EUmélanine. L’EUmélanine est très foncée et la PHEOmélanine est plutôt ocre et chaque personne va présenter une proportion différente selon sa génétique. Certaines vont avoir 80 % de PHEOmélanine et avoir une peau de roux, et d’autres vont produire quasiment 100 % d’EUmélanine et avoir une peau noire».

Pourquoi y-a-t-il plusieurs couleurs de peau ?

La couleur de peau est définie génétiquement, et a évolué au sein des populations selon les mouvements et les migrations des humains sur la Terre. «La couleur de la peau ne représente qu’une infime partie du code génétique (1%) mais cela va avoir une implication sociétale très importante. On dit que la physionomie (taille, poids, forme de nez, longueur des cils, etc.) d’un être humain représente moins de 5 % du code génétique. Concernant la couleur de la peau, si on remonte à la préhistoire, nous étions tous un peu plus foncés. Et puis, en évoluant vers le nord, là où le soleil est moins présent, la vitamine vint à manquer, les cas d’ostéomalacie et la mortalité aussi, obligeant une adaptation progressive par un éclaircissement. Aujourd’hui, la peau n’est plus en proie à la pression sélective et nous assistons à de plus en plus de métissages à travers tout le globe» explique le Docteur Jourdan.

Peaux noires et asiatiques : une demande de prise en charge différente

D’après le Docteur Jourdan, la demande des peaux ethniques se heurte parfois aussi aux différences de culture : «On constate que les motifs des consultations ne sont pas tout à fait les mêmes que pour les peaux claires. Par exemple, les patient(e)s à peau claire peuvent davantage se plaindre d’une peau sensible, avec des rougeurs tandis que les patient(e)s à peaux noires consulteront plus pour des problèmes d’hyperpigmentation post inflammatoire. La demande concernant les taches est plus importante. Les troubles pigmentaires vont être plus fréquents car les cellules pigmentaires sont réactives, et seront donc davantage visibles. La réaction de la peau aux actes dermatologiques est également différente. Cela nécessite donc une certaine connaissance de ces peaux et une prise en charge particulière.»

Une formation jugée insuffisante

Les peaux multiculturelles, et notamment les peaux mates à noires, sont donc différentes par rapport aux peaux blanches. Ceci prouve donc la nécessité de proposer des soins adaptés. Pourtant, que ce soit sur la formation en dermatologie ou en esthétique, les enseignements sont insuffisants sur la spécificité de ces peaux, comme le confie le Docteur Jourdan : «Tous les atlas de dermatologie, notamment en France, et depuis très longtemps en Afrique, sont basés sur des iconographies sur peau blanche. L’une de nos consœurs, le Pr Fatimata Ly, professeure au Sénégal, a même fini par éditer son manuel de dermatologie avec des photos de peaux noires. On s’aperçoit au cours de nos études que l’œil n’est pas aiguisé puisqu’on ne parle que de peau blanche. Mais finalement c’est surtout une question d’habitude. Il y a bien évidemment de nombreux ouvrages durant nos études sur la dermatologie tropicale mais ils sont surtout étudiés lors de diplômes universitaires. Pendant mon internat, j’avais décidé de m’intéresser particulièrement aux peaux noires et j’en avais même fait le sujet de ma thèse».