Vers une parfumerie (enfin) vertueuse - L'upcycling -

L’upcycling comme nouvel étendard d'une parfumerie vertueuse

Tout est parti d’un constat simple: avant de créer de nouvelles ressources en parfumerie, pourquoi ne pas s’intéresser et valoriser des déchets de l’industrie ? Un ingrédient upcyclé est un ingrédient dont 100 % des composants carbonés (issus du carbone) proviennent d’un matériau préexistant. En parfumerie, l’upcycling est pluriel et peut avoir plusieurs origines :
• Il peut être le résultat du process de création d’ingrédients de parfum en interne chez un fournisseur. A titre d’exemple, la maison de composition LMR Naturals by IFF a découvert, en partenariat avec ses producteurs de rose en Turquie, que les pétales de rose issus de la distillation contenaient encore des molécules odorantes. Ces molécules ont pu être récupérées pour créer «Rose Ultimate», une nouvelle interprétation de l’odeur de la rose, avec des facettes nouvelles d’abricot, de tabac et épice. C’est d’ailleurs cette technique qui a été employée pour la création de la fragrance «Angel Nova» de Mugler, réinterprétation du célèbre parfum «Angel».
• En externe, il peut provenir de déchets, DOSSIER Bio notamment des résidus agricoles ou d’industries diverses, ayant a priori, peu de valeur économique. Et pourtant… feuilles, épluchures, sciure ou copeaux de bois, purées de fruit gâchées lors de la production de jus de fruit se sont fait remarquer pour leur senteur et sont désormais transformés de façon à créer des notes juteuses dans les parfums. Deux exemples :
- La maison de composition LMR Naturals by IFF a donné naissance à l’ingrédient «Oakwood CO2» avec ses notes boisées, fumées et une touche de vanille. Cet ingrédient parfumé qui provient de copeaux de bois non utilisés est le fruit d’un partenariat avec Seguin Moreau, basé à Cognac et fabricant de tonneaux depuis le 19ème siècle.
- Symrise, entreprise allemande de production de saveurs et de pafums, a mis au point des captifs novateurs, notamment la Collection «Garden Lab», créée en collaboration avec la division nutrition DianaFood et upcyclés à partir de déchets de légumes (artichaut, asperge, poireau, chou-fleur et oignon). Résultat ? Des notes vibrantes d’une énergie verte fraîche. Les marques de parfum misent de plus en plus sur l’upcycling. L’une des plus belles illustrations est sans nul doute le parfum «I Am Trash - Les Fleurs du Déchet» d’Etat Libre d’Orange, créé à partir d’un assemblage de matières recyclées (essence de pomme recyclée, orange amère recyclée, vert de mandarine recyclé, absolu de rose recyclée, fraise gariguette recyclée, bois de cèdre Atlas recyclé). En 2018, l’ambition d’Etienne de Swardt, fondateur d’Etat Libre d’Orange, était claire : «Concevoir un parfum qui redonne du sens aux déchets et autres résidus de l’industrie du parfum et dire à tous, plus vite, plus fort, que du miasme peut rejaillir le beau et le bon. Nos déchets ont encore plein de sens à redistiller». Autre exemple, la collection de parfums Carlothe Ray qui contient jusqu’à 20 % d’ingrédients parfumés recyclés. Parmi eux, le zeste de citron de l’industrie alimentaire ou les déchets du pin utilisé par l’industrie du papier.


La sécurité des formules de parfum : non au superflu, oui à l'essentiel !

Entre toxicité de certaines molécules pour l’homme (perturbateurs endocriniens, molécules suspectées d’être cancérigènes…) et écotoxicité ayant un impact conséquent sur le monde marin, il était temps que certaines marques révolutionnent leurs formules en commençant bien sûr par supprimer de leurs jus des ingrédients controversés tels que BHT, BHA, EDTA, phénoxyéthanol, formaldéhydes, colorants… mais aussi en remettant en cause la présence de filtres UV (pour éviter que le parfum ne change de couleur) et d’antioxydants (pour optimiser la durée de vie du jus). C’est le choix qu’on fait notamment les marques Bon Parfumeur, Floratropia et La Maison Marc-Antoine Barrois.


Minimisation des emballages

Le parfum est sans nul doute le produit le plus suremballé du marché de la cosmétique. Et avec plus de 2 000 parfums lancés chaque année, l’impact environnemental de la «fast parfumerie» est loin d’être négligeable. Car, au-delà du jus, lorsqu’on achète un parfum, on achète beaucoup d’emballages, pour la plupart jetables, à usage unique, avec des composants qui viennent souvent de très loin et sont issus de la pétrochimie comme le blister ou les calages en mousse. Il est grand temps de limiter les suremballages de la parfumerie pour ne garder que l’essentiel : le parfum. Les marques engagées qui œuvrent en ce sens sont heureusement de plus en plus nombreuses. Exit les blisters et bravo pour les parfums «dénudés» qui vont à l’essentiel. En la retirant sur ses boîtes, la Maison Marc-Antoine Barrois a d’ailleurs économisé 1650 m de cellophane en an. Cette dernière a été remplacée par une étiquette hologrammée. Autre initiative engagée par cette Maison, l’élimination du calage mousse à l’intérieur des boîtes au profit d’un calage en carton recyclable. Quant aux étuis, ils sont soit supprimés, soit fabriqués à partir de pâte à papier vierge et recyclée labellisé FSC (Forest Stewardship Council). Le papier et le carton proviennent de forêts gérées durablement.
Côté flacons, les initiatives durables ne sont pas en reste : verre recyclé, flacon plus léger, flacon low-carbone, parfums rechargeables… Avec Girl, Rochas a imaginé un flacon avec 40 % de verre recyclé et 1 % des bénéfices des ventes reversé à l’association engagée, For The Planet.

La marque Aemium, comme souligné précédemment, a opté pour un flacon en verre deux fois moins lourd que les flacons traditionnels, sans poids de verre inutile. Elle a, par ailleurs, imaginé un capot léger et 100 % recyclable, composé de deux pièces 100 % aluminium, permettant ainsi d’éviter le plastique. Une initiative encore trop rare en parfumerie sélective qui mérite d’être soulignée.

La marque Floratropia a imaginé, quant à elle, une recharge appelée «Ressource». Ne nécessitant que peu de ressources et d’énergie pour être produite, léger sur la chaine d’approvisionnement, ce conditionnement offre un impact carbone hyper réduit et ne nécessite aucun suremballage. Elle peut être utilisée seule, en recharge, ou à assortir à l’un des nécessaires à parfum ou flacons vintage proposés par la marque, ou flacon choisi par le consommateur.

Les parfums rechargeables se développent de plus en plus et c’est une excellente nouvelle. À titre d’exemple :
- Bon Parfumeur teste le rechargeable dans ses boutiques avec des 50 ml et des 100 ml en utilisant des fontaines à parfum exclusives à Bon Parfumeur.
- Depuis 2014, Sephora permet à ses clientes de ramener leurs flacons de parfum vides en magasins pour les faire recycler auprès d’un partenaire.
- Giorgio Armani propose également une recharge pour son parfum «My Way» et permet ainsi d’économiser 64 % de plastique, 55 % de verre, 75 % de métal et 32 % de carton.

SENTIR BON EST DÉSORMAIS TOUT SAUF UN ACTE FUTILE


Des parfums qui font du bien

Et si le parfum vertueux était aussi un parfum avec un petit supplément d’âme, capable à la fois de parfumer et de prendre soin de soi ? Une bien jolie manière de renforcer la fonctionnalité et l’utilité du parfum. C’est le parti-pris de plusieurs marques qui souhaitent que leurs parfums fassent du bien au quotidien, qu’ils possèdent des vertus sur l’esprit, qu’ils s’adaptent à nos humeurs, nos besoins, comme des accompagnateurs de bien-être.
Guidée depuis toujours par les plantes, Michèle Cros, créatrice de la marque Douces Angevines, ne se contente pas de distiller leurs vertus dans ses parfums. Elle est attentive à leurs vibrations, elle écoute leurs battements de cœur et se nourrit de leurs senteurs. Mais au-delà de ces végétaux qui l’inspirent au quotidien, il lui fallait trouver le juste chemin olfactif.

Une résonance. Alors, elle s’est plongée dans la lecture et l’histoire des parfums les plus anciens. De l’étymologie du mot, cette artisane des odeurs a ensuite établi un dialogue avec les résines ancestrales, celles qu’on brûlait pour communiquer avec le divin. Une idée est apparue comme une évidence : remonter aux origines. Celles du parfum, celles qui nous constituent mais aussi celles de la terre. Des parfums universels pour s’adresser à l’âme. Des fragrances pour célébrer le sacré qui se niche en chacun de nous. La marque Elixir & Co a créé en 2006 «Présence(s) de Bach», qui fut le premier parfum bienveillant pour le corps et l’esprit, élaboré à partir de fleurs de Bach. La marque propose aujourd’hui une gamme de quatre eaux de toilette et de quatre eaux de parfum offrant chacune des senteurs originales et procurant des sensations de bien-être grâce aux fleurs de Bach et à des fragrances naturelles ou biologiques. Acorelle propose des créations olfactives riches en huiles essentielles qui ont aussi des propriétés reconnues : en tant que substances actives, elles jouent un rôle essentiel sur nos émotions et aident à retrouver le bien-être. Et il y a bien entendu 100Bon qui revendique aimer les produits utiles, plein de vertus, joyeux et authentiques Chez 100Bon on est sur du 100% made in France, 100% rechargeable, 100% recyclable pour des produits qui font du bien au corps comme à l’esprit grâce aux huiles essentielles. Enfin, la marque GoodBless a lancé 7 «Eaux de Bien-Être» rechargeables («Joie», «Apaisement», «Vitalité», «Amour», «Protection», «Insouciance et «Réconfort»), bienveillantes, rassurantes et respectueuses de l’environnement, aussi bonnes pour l’esprit que délicieuses à porter.


Conclusion

Vivre le parfum autrement, en conscience, est le nouveau paradigme de la parfumerie. Une parfumerie débarrassée du superflu, plus épurée, mais ô combien plus intéressante et vertueuse. Militante, bienfaisante, protectrice des écosystèmes et de notre santé. Nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle ère parfumée, qui promet encore de belles découvertes. Sentir bon est désormais tout sauf un acte futile. C’est un acte militant!



Interview de Marc-Antoine BARROIS, Fondateur de la Maison Éponyme, qui milite activement pour une parfumerie vertueuse.

Quels sont, selon vous, les nouveaux paradigmes de la parfumerie ?
Ils sont multiples. Depuis plusieurs années, le chemin vers une parfumerie plus vertueuse nécessite une gestion des stocks plus rigoureuse et avec des coûts de production plus importants, à un moment où le prix des matière premières augmente énormément amenant beaucoup d’acteurs du secteur à chercher des pistes de réduction de coûts. En parallèle, dans une société française en défiance constante à l’encontre de l’univers du luxe, sommes-nous prêts à faire évoluer nos PME en entreprises à mission ?

Le «less is more», en fait-il partie ?
Sans aucun doute. Mais faire des parfums plus écoresopnsables ne veux pas dire faire du moche. Je milite pour montrer qu’on peut faire rêver et faire du beau tout en faisant des choix responsables.

En termes de formulation, privilégiez-vous le naturel ou la chimie verte ? Pourquoi ?
Je privilégie le résultat olfactif. Le débat entre naturel et chimie est vaste. Ethiquement, la chimie peut permettre d’éviter un pillage de ressources naturelles rares et parfois celle-ci a remplacé des molécules naturelles néfastes. Quand la chimie est verte et qu’en plus c’est intéressant au niveau olfactif, c’est merveilleux. On a ainsi choisi l’Akigalawood pour notre parfum «Ganymede». C’est une molécule de synthèse upcyclée des déchets de vétiver indien à l’odeur incroyable. On utilise néanmoins beaucoup de naturels et quand il s’agit du oud (issu d’une résine produite par le bois agar agar, protégé par la convention de Washington), on s’assure que ceux-ci soient sourcés de manière éthique.

Pourquoi, selon vous, le marché de la parfumerie est-il si frileux à l’idée de supprimer ces substances, pourtant suspectées d’être des perturbateurs endocriniens ?
Sans doute parce que c’est rassurant de mettre un conservateur pour gérer la qualité des produits de luxe qu’on voudrait sans cesse parfaits, identiques, sans changement de teinte, etc. Et puis, comme dans tant de secteurs, tant que ce n’est que «suspect», il y aura toujours des sceptiques malheureusement.

Côté éco-conception, quelles initiatives avez-vous prises ?
Produire en France déjà. Un vrai engagement de la boîte, aux étiquettes, en passant par le verre et les pompes. Un engagement autant sociétal, politique qu’écologique. Ensuite, nous avons supprimé le plastique (mousse et cellophane) de nos produits, les remplaçant par des calages recyclables. Nous faisons aussi travailler des personnes en situation de handicap ou de réinsertion pour conditionner nos parfums.

Les parfums de la Maison Marc-Antoine Barrois sont-ils rechargeables ?
Oui dans notre boutique de la Galerie Véro-Dodat à Paris et bientôt dans notre boutique de Londres.

Vos prochaines ambitions en matière de parfumerie vertueuse ?
Arriver à grandir tout en transmettant nos valeurs et en poursuivant nos efforts dans le sens de ce que nous avons déjà fait malgré les divers challenges de l’approvisionnement aujourd’hui.