Le renouveau des business modèles de la beauté

Une transformation rapide du marché de la beauté

Un secteur sous tension

Le digital a bousculé le secteur, remettant en cause les modèles établis. Le développement de nouvelles communautés (réseaux sociaux) fait émerger de nouveaux prescripteurs/influenceurs, tandis que les consommateurs eux-mêmes, notamment les millennials et la génération Z, se posent en prescripteurs au travers de leurs prises de parole.

Le marché de la beauté fait également face à l’apparition de nouveaux acteurs, qu’il s’agisse de marques digital natives (DNVB) ou de distributeurs (e-tailers).

Les marques traditionnelles font face à la concurrence de plus en plus vive des nouveaux entrants.

Les circuits de distribution

La distribution de produits de beauté est extrêmement éclatée. La concurrence est, logiquement, vive entre les enseignes d’un même circuit. Elle est également forte entre les différents circuits, à la faveur des arbitrages et du nomadisme de la clientèle.

Selon le Cabinet Kantar, l’hygiène-beauté est la catégorie la plus «multicanale» des biens de consommation : en moyenne les Français ont acheté des produits d’hygiène-beauté dans 3,38 circuits en 2019, contre 3,3 en 2018, 3,25 en 2015 et 3,1 en 2014.

Cette forte pression concurrentielle est exacerbée par les pure players du web qui gagnent des parts de marché (en 2018, ces acteurs ont conquis 1,3 million de nouveaux acheteurs en France selon Kantar) et s’affirment comme de réelles alternatives aux acteurs traditionnels.

La Covid-19, catalyseur des facteurs de mutation du marché

Plus qu’une rupture ou une révolution, la crise de la Covid-19 joue davantage un rôle de catalyseur, accélérant les tendances déjà à l’oeuvre sur le marché :

• Accroissement mécanique de la pression concurrentielle :

- Impact majeur sur l’économie et, par voie de conséquence, sur la consommation. Si le marché de la beauté est structurellement solide et bien orienté sur le long terme, il n’est pas épargné.

Cette dégradation du marché entraînera mécaniquement un accroissement de la pression concurrentielle en raison de la nécessité pour les acteurs de conquérir des parts de marché.

- Impact du confinement ayant favorisé le digital et la découverte de nouvelles marques.

• Transfert massif de la consommation physique vers le digital, accélérant encore l’enracinement d’Internet dans les habitudes d’achat et son taux de pénétration.

• Mise en exergue du rôle social/sociétal des entreprises au travers de leurs messages, visant à maintenir le lien et accompagner leurs clients pendant la crise, au-delà du marchand, mais aussi de leurs actions visant à lutter contre l’épidémie (production de gel hydroalcoolique, fabrication de masques, de blouses...).

• Moindre réticence des consommateurs à partager leurs données personnelles (rôle des nouvelles technologies dans la lutte contre la propagation du virus).

L’adaptation de la distribution aux nouveaux modèles

Le développement d’un réseau de boutiques complémentaires

À l’heure où la clientèle, aux parcours d’achat changeants, se fait de plus en plus exigeante, le modèle des boutiques standardisées et des réseaux uniformes paraît désormais obsolète.

Outre la nécessaire recherche de différenciation, l’enjeu consiste pour les distributeurs à proposer différents formats/concepts répondant aux différents profils de clientèle mais, également, aux différents moments d’achat afin d’optimiser l’expérience délivrée. Plusieurs leviers peuvent être actionnés.

• Développement de boutiques ou d’enseignes complémentaires et de pop-ups stores.

• Création de quelques boutiques inventory-Less. Alors que les produits sont désormais très facilement accessibles sur Internet, le réseau physique doit capitaliser sur ses atouts intrinsèques et ses avantages concurrentiels et, notamment, la possibilité pour les clients de tester et toucher les produits (showrooming), le conseil et l’expérience afin de créer de la valeur.

Curation, certification : les distributeurs prennent la parole

La différenciation constitue une priorité pour les distributeurs.

La stratégie d’offre est centrale et doit permettre de prendre la parole, via un véritable discours d’enseigne.

Au-delà des traditionnelles exclusivités, deux principaux leviers peuvent être actionnés :

• La curation (parti pris), afin d’affirmer le positionnement de sélectionneur de marque (l’essence de la distribution multimarques).

• La certification, afin de renforcer le rôle de prescripteur et accompagner les clients.

Développer sa stratégie de distribution

Alors que les jeunes générations attendent des marques davantage d’engagement, notamment dans le domaine du développement durable et des enjeux sociétaux, la distribution constitue un levier stratégique pour prendre position et s’inscrire dans une dimension sociétale/communautaire en repensant le modèle de distribution dans sa globalité, en développant des concepts forts, et en faisant du merchandising un axe de différenciation, au-delà de l’esthétique et du service.

Le digital pour nourrir l’expérience boutique

Si les acteurs de la beauté ont déployé des stratégies omnicanales, notamment via les services transversaux (vérification online de la disponibilité des produits, click and collect, commande ou retour en boutique, localisation des points de vente, prise de rendez-vous...), celles-ci demeurent perfectibles.

Pour autant, les initiatives émergent avec de nouveaux services en boutiques à très forte valeur ajoutée portés par le digital. Les innovations beauté à destination des professionnels offrent des solutions pour une expérience client personnalisée, fondée sur l’essai, le diagnostic et la recommandation.

Les nouvelles technologies permettent également le développement d’une offre sur-mesure, adaptée aux spécificités des clients.

Capitaliser sur les atouts inhérents au digital

Si les sites e-commerce traditionnels apparaissent désormais nécessaires, il convient d’ajouter de nouvelles «briques» tandis que la pression concurrentielle observée off line s’exerce également on line.

Il s’agit dès lors de dépasser le e-commerce traditionnel afin de capitaliser sur les atouts intrinsèques du digital : sa dimension communautaire et sa dimension interactive.

Le s-commerce, l’avenir du e-commerce

Le s-commerce (Social Commerce) prend ainsi son envol, en témoigne le succès de WeChat en Chine mais aussi le développement rapide d’Instagram Checkout, la plateforme de e-commerce d’Instagram, lancée en mars 2019 aux États-Unis.

En novembre 2019, 78 marques vendaient leurs produits sur Instagram Checkout, dont 16 marques de beauté (LightShed Partners).

Par ailleurs, en juin 2020, Sephora USA (20 millions de followers sur Instagram) a annoncé que 87 marques qu’elle distribue seraient désormais disponibles à l’achat via Instagram Checkout.

Le groupe Estée Lauder a mis en place des livestreams marchands sur les sites de ses marques en s’appuyant sur la plateforme suédoise Bambuser.

De nombreuses marques du Groupe L’Oréal ont proposé des livestreams marchands sur leurs sites en Amérique du Nord durant la pandémie, en collaboration avec la plateforme Livescale.