Le métaverse est-il l'avenir du secteur de la beauté ?
Le méta... quoi ?
Le métaverse permet de vivre une vie virtuelle, en communauté. «C’est un monde qui est géré par et pour la communauté. C’est elle qui propose le contenu et les expériences en ligne créatives et sociales qui y ont lieu. Pour ce faire, les personnes se créent des avatars, une sorte de double de soi-même, mais virtuel» explique Lauralee Darien. Pour accéder à ce monde virtuel, on va pouvoir utiliser tous les outils que l’on a aujourd’hui, qui sont connectés à Internet. «Cela peut donc se faire via un smartphone, un casque de réalité augmentée, une montre connectée ou un ordinateur. Ensuite, cela se fait via un jeu, une application, ou bien un lien Internet. Cela est créé et proposé par les marques, chacune développe son propre métaverse, son propre univers» poursuit la spécialiste.
Définition
Le métaverse vient de la combinaison de deux termes : «méta» signifie au-delà, et «vers» signifie univers. Non, il ne s’agit pas d’une autre galaxie ou d’un environnement abstrait, mais bien d’un concept innovant fleurissant. «Pour le définir le plus simplement possible, je dirais que le métaverse est tout d’abord un monde virtuel, regroupant des biens et services, des sites Internet ou appareils qui font appel aux technologies, telles que la réalité augmentée et virtuelle, l’intelligence artificielle (IA), la 3D et la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations), dans le but de proposer des expériences uniques, qui impactent la vie réelle. C’est un peu comme si on avait mis Internet en 3D. Cet univers immersif permet de rassembler des personnes, une communauté, de découvrir de nouvelles choses, sans bouger de chez soi» explique Lauralee Darien. Son origine ne date pas d’hier comme le précise la spécialiste : «La première fois que l’on a entendu parler du terme métaverse, c’était en 1992, avec la parution du roman Snow Crash de Neal Stephenson. Ce dernier faisait référence à un monde virtuel en 3D habité par des avatars de personnes réelles. Mais avant cela, dans les années 80, certains ingénieurs en technologie songeaient au futur d’Internet et ils pensaient à un système qui transformerait les couches physiques et numériques de l’infrastructure d’Internet».
Le succès du métaverse
On en entend parler depuis des mois, en boucle, on nous dit que le métaverse va remplacer Internet, mais ce succès est-ce simplement un effet de mode ? Pour Lauralee Darien, le métaverse a su s’imposer au bon moment : «Le métaverse ne date pas d’aujourd’hui, il a pris tout son sens avec le Covid. Tout le monde s’est retrouvé chez soi, enfermé, tous les commerces et lieux «non-essentiels» étaient fermés. La technologie a pris le pas. Les marques ont cherché un moyen de toucher les consommateurs. Elles ont très rapidement compris que ces derniers se sont majoritairement tournés vers le gaming (les jeux) et les univers immersifs, afin de passer du temps avec leurs amis. La moyenne d’âge des joueurs en France est de 39 ans. C’est à partir de ce constat que les marques ont créé des expériences au travers de jeux afin de toucher la communauté souhaitée. C’est autant une opportunité pour les marques que pour les consommateurs».
Quelques limites
Tout cela est très prometteur mais, pourtant, il y a quelques limites, pour le moment, que souligne Lauralee Darien : «Aujourd’hui, nous sommes davantage dans des expériences immersives que dans le métaverse. Le monde créé par chaque marque n’est pas encore interactif avec ceux des autres marques. Par exemple, si une marque de maquillage crée son propre métaverse, jeu ou univers, on pourrait y acheter un produit, mais on ne pourrait pas l’utiliser par exemple dans le métaverse de Facebook. Chaque jeu, chaque univers est indépendant, sans relation avec les autres. Il en est de même avec l’avatar. On est obligé de créer un avatar pour chaque métaverse, alors que le but est d’en avoir un seul pour tout le métaverse. On parle là de l’interopérabilité, possibilité de communication entre deux ou plusieurs systèmes. Toutefois, cela reste très prometteur pour certains secteurs, comme celui de la mode qui s’y penche de plus en plus».
Quelques exemples
Le métaverse s’adresse à tout le monde, aussi bien aux marques qu’aux consommateurs, peu importe le secteur, à commencer par celui du travail. «Microsoft est actuellement en train de développer son métaverse pour le travail. Les réunions seront ainsi virtuelles, avec des avatars. On pourra travailler de chez soi, dans un univers immersif. Par ailleurs, un secteur très présent dans le métaverse, la mode, a su également s’imposer. Pour entrer dans le métaverse, il faut créer un avatar. Les marques de mode l’ont bien compris car il faut bien habiller ces avatars. Balenciaga a créé son propre jeu en 2020, Afterworld : the age of Tomorrow, afin de présenter sa collection automne-hiver 2021. Avec un simple QR Code délivré par la marque, les joueurs ont pu se connecter via leur ordinateur ou smartphone pour découvrir ce jeu vidéo qui a mis en scène, à travers une aventure allégorique se déroulant en 2031, la collection automne-hiver 2021-2022 de la maison.»
En ce qui concerne la beauté, la marque de cosmétiques Nuxe s’est également lancée dans la réalité augmentée avec la création d’un filtre dans l’application Snapchat. Ceci, dans le but de présenter son dernier produit, la «Crème Fraîche de Beauté 3-En-1». Ainsi, via snapchat, les clientes de la marque peuvent tester «Try-on» en réalité augmentée dans les trois cas d’usage du produit, à savoir : crème hydratante, lait démaquillant et masque repulpant. Ainsi, elles ont pu constater l’effet du seul et même produit sous ses trois cas d’usage.
L’avenir du métaverse dans la beauté
Du 2D au 3D immersif
«Je suis assez convaincue que c’est l’avenir d’Internet. Pour l’instant, en ce qui concerne le secteur de la beauté, lorsque les clientes achètent leurs produits en ligne, elles ne les voient qu’en 2D, en cliquant sur des liens URL. Demain, elles pourront les voir en 3D et les essayer via leurs avatars. Les clientes pourront véritablement entrer dans l’univers des marques, l’expérience sera bien plus immersive» déclare Lauralee Darien.
L’intelligence artificielle pour les produits
Dans le prisme de la beauté, le métaverse ne serait pas tout à fait exploitable pour tous les types de produits. «En ce qui concerne les cosmétiques, nous sommes dans un univers très sensoriel. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore en mesure de faire vivre une expérience sensorielle à travers le digital. En revanche, l’intelligence artificielle pourrait être encore plus exploitée afin de proposer des produits adaptés aux clientes pour les instituts de beauté. Par exemple, ces derniers pourraient créer leur propre application pour smartphone. Ainsi, via cette application, les clientes pourraient enregistrer les produits qu’elles ont achetés à l’institut. L’application a en mémoire ces produits, et pourrait au bout de deux mois par exemple rappeler à la cliente qu’elle a acheté une crème hydratante à telle date, qu’elle doit être presque à la fin du pot et lui proposer des produits similaires qui pourrait correspondre à ses besoins. Il ne faut cependant pas que l’intelligence artificielle remplace les esthéticiennes mais qu’elle soit leur assistante, tout comme les technologies. Aussi, toujours en institut de beauté, les miroirs connectés peuvent être exploités. Ceci, par exemple, pour essayer du maquillage. Cela peut être rassurant pour les clientes réfractaires aux applications en direct ou bien très soucieuses de l’hygiène. Les aspects artistiques de la beauté sont faciles à transposer dans le virtuel, ceci l’est moins pour la dimension bien-être et soin.»
Le métaverse en institut
Par ailleurs, la spécialiste poursuit en expliquant que le métaverse pourrait également s’inclure dans les magasins en physique. «L’expérience liée au métaverse n’est pas dissociée de l’expérience classique, en physique. Le virtuel et le réel doivent aller de pair. Le but est de pouvoir par exemple se promener dans le magasin physique d’une enseigne, et en même temps, entrer dans son métaverse. Ceci peut se faire à l’aide par exemple de miroirs connectés, pour essayer un produit de maquillage. À l’inverse, on peut être dans le métaverse d’une parfumerie, découvrir un produit en ligne, l’essayer virtuellement via son avatar “Try-on”, l’acheter et le récupérer directement en magasin. C’est un parcours omnicanal.»
Créez votre propre métaverse
La technologie dans vos instituts doit être là pour vous aider, apporter un complément et non pas vous remplacer. Il en est de même avec le métaverse. Intelligemment exploité, il peut devenir vecteur d’un nouveau type de clientèle, les jeunes notamment qui, comme évoqué plus haut, sont friands des univers immersifs. «L’esthéticienne en institut peut proposer un jeu, en s’associant par exemple au jeu Fortnite qui fait beaucoup de partenariats de ce type avec des marques. Ainsi, l’esthéticienne prévient ses clientes qu’un jeu est proposé, cela peut être une recherche de clés dans une carte, un paysage virtuel de Fortnite, en réalité augmentée. À la clé, une cure de soins ou bien la prestation de son choix offerte.» C’est donc à vous esthéticiennes de créer votre propre univers car celui-ci doit correspondre à votre image de marque. «Dans le jeu Fortnite par exemple, il est possible de faire de la création simple grâce au mode «Création» qui permet de créer son île de manière simple. Ce genre d’action peut être intéressant lors d’événements spéciaux tels que Noël, la Saint-Valentin, etc.» détaille Lauralee Darien.
Le métaverse pour l’approche cliente
Certaines de vos potentielles clientes sont complexées par leur corps et c’est parfois la raison pour laquelle elles ne franchissent pas la porte de votre institut. Dans ce cas, le métaverse peut s’avérer être un bon moyen de les approcher en toute confiance. «Les clientes complexées peuvent passer dans l’institut par le biais d’un avatar. Un système qui offrirait la possibilité d’enregistrer ses mensurations de la façon la plus fidèle possible permettrait de générer un avatar semblable à la cliente. Ainsi, l’esthéticienne pourrait proposer à cette cliente un diagnostic personnalisé et une offre de soin à faire à l’institut, sur-mesure. Tout cela à distance, sans contact physique. La démarche virtuelle peut ainsi être bien moins intimidante.»
Les marques de cosmétiques et le métaverse
L’émergence du métaverse est assez récente, on ne peut donc pas encore parler de leader. «Nous sommes dans une phase où toutes les marques cherchent leur place dans l’utilisation de cette nouvelle manière de communiquer et de vendre. Cependant, on pourrait se dire que les marques qui sont déjà bien avancées en termes de recherche et d’innovations technologiques auraient un temps d’avance comme L’Oréal» conclut la spécialiste.