Beauté upcyclée

Nous connaissons depuis quelques années le concept d'«upcycling» dans la mode et la déco. Fleuron de l’économie circulaire, le surcyclage – littéralement recyclage par le haut – a pour mission de donner une seconde vie, bien plus jolie, à des tissus ou des matériaux dont on ne se sert plus pour créer des objets ou produits de qualité supérieure, souvent très éloignés de leur utilisation première. Désormais, l’industrie de la cosmétique s’intéresse à toutes ces matières premières laissées pour compte, afin d’en produire de nouvelles. Entre déchets de l’industrie agro-alimentaire, mauvaises herbes qui n’en sont finalement pas, plantes en tout genre jusqu’alors ignorées, les idées d’upcycling cosmétique ne manquent pas. Tour d’horizon d’une tendance plus que durable....

Les co-produits de l'industrie agro-alimentaire 

Tout est parti d’un constat simple : avant de créer de nouvelles ressources cosmétiques, pourquoi ne pas s’intéresser et valoriser des déchets de l’industrie agro-alimentaire, en sublimant des ressources végétales jusqu’alors jetées ?

Les myrtilles sauvages

À titre d’exemple, le fournisseur d’ingrédients Givaudan Active Beauty a imaginé «Omegablue», un ingrédient cosmétique créé à partir de myrtilles sauvages surcyclées. Traditionnellement utilisées par l’industrie alimentaire pour leur jus et leur sucre, les myrtilles sont également une source importante d’anthocyanidines extraites de la pulpe et de la peau du fruit pour l’industrie des compléments alimentaires et l’industrie pharmaceutique. Cet actif est capable de réparer les problèmes de sécheresse cutanée, d’irritation et de desquamation liés à une barrière lipidique amoindrie. Selon ce fournisseur suisse d’actifs cosmétiques, «La réduction des déchets est aujourd’hui la nouvelle norme en matière de durabilité et les produits cosmétiques contenant des ingrédients recyclés ou upcyclés séduisent 69 % des consommateurs».

L’huile d’olive non consommable, les noyaux, les pépins...

Autre exemple, la marque Ensème valorise une huile d’olive impropre à la consommation comme agent de texture qui apporte dureté et onctuosité aux formules de la marque. Elle utilise également comme actif cosmétique upcyclé, les feuilles d’olivier, prélevées sur les arbres après la récolte des olives. Elles sont valorisées dans l’un de ses extraits botaniques aux propriétés protectrice et apaisante. Mais ce n’est pas tout, la marque, ayant fait de l’upcycling son cheval de bataille, utilise également : de la mélasse, un coproduit de l’industrie du sucre, issue du raffinage du sucre de betterave ou de sucre de canne. Elle est valorisée dans ses agents lavants qui nettoient en douceur et dans un agent conditionneur qui démêle les cheveux. Des noyaux d’abricot, de mangue ou encore de prune, issus de la transformation des fruits en jus ou en purée par exemple puis valorisés dans des huiles végétales cosmétiques. Des pépins de pomme et de raisins valorisés dans des extraits botaniques cosmétiques.

Le collagène des peaux de poissons

La marque de cosmétiques biologiques Omum a sélectionné pour l’un de ces nutricosmétiques, pour la prévention des vergetures, un ingrédient phare, le collagène marin, issu d’une filière d’upcycling (coproduit de la pêche) pour en extraire la plus haute qualité de collagène, sans maltraitance animale. Le collagène est récupéré directement sur des peaux de poissons issues de la filière alimentaire pour être mélangé ensuite à d’autres actifs.

Des ressources jusqu'alors inexploitées 

Des marques rivalisent d’ingéniosité pour ne rien laisser perdre et transformer un maximum de matière végétale en actif cosmétique.

Le pin maritime

C’est le cas notamment de la marque du Cap Ferret, Océopin, dont l’ingrédient star est l’huile de graines de pin maritime pressée à froid. Cette huile est extraite des graines de pommes de pin, mais la marque essaie de tirer profit de tout ce qu’offre le cône de la pomme de pin. Après l’extraction de l’huile, les tourteaux – à savoir les résidus solides de la trituration des graines - sont récupérés et broyés pour être ensuite métamorphosés en microbilles sphériques pour des gommages mécaniques. 

Les eaux mères 

La marque Guérande a eu, quant à elle, la brillante idée de valoriser un liquide présent dans les marais salants à Guérande : les Eaux-Mères, les eaux «vivantes» et résiduelles des salines, riches en ions actifs, non reproductibles en laboratoire, qui contiennent plus de 70 sels minéraux et oligo-éléments, participant ainsi à la vitalité cellulaire. Elles sont récoltées à la fin de la saison. Après 10 à 15 prises en sel, puis purifiées par filtrations pour être stabilisées, l’expertise et le savoir-faire de Guérande interviennent pour incorporer les Eaux-Mères en formulation cosmétique, un process délicat qui fait d’ailleurs l’objet d’un brevet. Elles offrent ainsi à la peau confort, énergie et vitalité.

La salicorne et le limu

Mais la marque ne s’arrête pas là... Elle recycle également la salicorne verte et rouge (salicorne plus mature, riche en antioxydants) et le limu (macroalgue enteromorpha) qui poussent dans les bassins et qui étaient jusqu’alors considérés, à tort, comme des mauvaises herbes dont il fallait se débarrasser.

Donner une seconde vie aux emballages primaires 

Au-delà des actifs, des marques s’intéressent à donner une seconde vie à des conditionnements cosmétiques. C’est le cas notamment de la marque Rose Pirate qui s’est intéressée aux tubes de bâton de rouge à lèvres. Son concept ? La marque récupère les anciens étuis à rouge de ses clientes. En laboratoires, ils sont vidés, stérilisés, puis remplis à nouveau avec une formule unique de baume à lèvres 100 % d’origine naturelle.

De belles initiatives d'upcycling en parfumerie 

Entre molécules de synthèse peu respectueuses de l’environnement et fragrances naturelles pas toujours en phase avec la préservation de la biodiversité, la parfumerie avait besoin de se réinventer.

C’est désormais chose faite avec de belles innovations qui fleurent bon avec le zéro déchet et l’économie circulaire. Et bonne nouvelle, certaines entreprises composant des parfums revendiquent des technologies à faible empreinte carbone, autour notamment de l’upcycling.

Les fleurs du déchet

Fin 2018, la marque État Libre d’Orange et Ogilvy Paris (une agence multidisciplinaire intégrée qui allie Branding, Advertising & Influence) ont souhaité allier leur expertise luxe pour lancer une collaboration inédite autour du parfum en concevant le premier jus issu des déchets de la parfumerie : «I am trash, les fleurs du déchet». «Concevoir un parfum qui redonne du sens aux déchets et autres résidus de l’industrie du parfum et dire à tous, plus vite, plus fort, que du miasme peut rejaillir le beau et le bon. Nos déchets ont encore plein de sens à redistiller», explique Étienne de Swardt, fondateur de la marque.

La renaissance du muguet

Autre exemple, chez Symrise, entreprise allemande de production de saveurs et de parfums, le programme de recherche de captifs novateurs amène les équipes de parfumeurs vers une incroyable source d’inspiration. Premier exemple, avec Lylibelle®, une molécule odorante biodégradable, renouvelable et issue de la chimie verte, aux notes fraîches et transparentes qui la rendent très proche de la fleur du muguet. C’est une alternative verte à la chimie du pétrole produite à partir de peaux d’orange, déchets de l’industrie du jus de fruits. Cette innovation est particulièrement intéressante car les notes de synthèse de muguet (Lyral et Lylial) sont désormais complètement absentes de la palette des parfumeurs pour des raisons réglementaires. Cette innovation a pour but de répondre aux attentes environnementales et sociétales en matière de développement durable et offre au consommateur des produits de la vie quotidienne réunissant performance et écoresponsabilité.

Les légumes

Autre innovation mise en place par Symrise : la nouvelle collection Garden Lab qui explore la piste des légumes. Alternative passionnante et colorée aux fruits, ils apportent fraîcheur, texture et douceur naturelle au point d’être considérés comme la prochaine grande tendance en matière de parfum. Artichaut, asperge, poireau, chou-fleur et oignon, la nouvelle collection d’ingrédients Garden Lab de Symrise met à la disposition des parfumeurs de nouvelles signatures olfactives, vibrantes d’une énergie verte fraîche, créant ainsi un avantage puissant, distinctif et unique en termes de création. Obtenus en collaboration avec la division nutrition DianaFood et grâce à la technologie SymTrap propre à Symrise, les Garden Lab sont une façon intelligente de tirer parti du flux secondaire de l’industrie alimentaire en créant des nouveaux accents olfactifs, 100 % naturels, par le biais de déchets, sans prélever sur les ressources naturelles : un vrai modèle d’upcycling.