Parcours d'esthéticienne : Sophie Carbonari, la facialiste des stars
Je me suis tournée vers le domaine de l’esthétique grâce à mes parents qui ont toujours aimé prendre soin d’eux. Étant dyslexique, en troisième, je me suis naturellement tournée vers l’esthétique et cela a été une révélation. J’ai débuté mon cycle d’études en CAP en 2007, à l’École Espace Bourgier à Nîmes. Ensuite, j’ai passé un BP en alternance dans un institut qui pratiquait essentiellement des épilations. J’ai arrêté au bout de quelques mois mes études car je souhaitais travailler. Je me suis mise à mon compte en 2010 tout en ayant conscience que pour devenir une bonne esthéticienne, il fallait que je me construise une base solide, brique après brique.
L'entrepreneuriat dès le début
Je me suis lancée en tant qu’esthéticienne à domicile à Marseille. Les prestations que je proposais étaient essentiellement des soins visage, des épilations et des manucures. Je travaillais avec Perron Rigot pour l’épilation et pour les soins, j’utilisais des produits de marques vendues chez les grossistes d’esthétique. L’essentiel de ma clientèle me connaissait de ma précédente expérience professionnelle en alternance. Elle avait eu vent que je m’étais lancée à domicile et a désiré me suivre. Le domicile était fatigant. Je perdais beaucoup de temps à me déplacer en voiture. Néanmoins, j’ai toujours eu des clientes géniales qui rendaient l’exercice de ce métier plus facile, mais j’avais envie de vivre une nouvelle aventure et de me sédentariser.
Gérante d'un institut à Aix
À 21 ans, en 2012, par le biais d’une rencontre, j’ai pu racheter un institut situé à Aix-en-Provence. Je ne connaissais pas grand-chose au métier de la gestion d’une entreprise mais j’ai tout de même souhaité tenter l’expérience, animée par mon goût du challenge. Je suis très autodidacte et je pars du principe que je n’ai peur de rien. Je pense qu’il y a toujours à prendre dans une expérience et que le talent s’acquière à force de travail. Je me suis donc lancée. Mais après une année j’ai dû liquider l’affaire, je n’étais pas une bonne gestionnaire. J’étais bien trop jeune et je n’avais pas encore assez d’expérience. J’étais déçue mais cet échec m’a boostée et m’a poussée à aller de l’avant.
Départ de l'autre côté de la Manche
En 2014, je suis donc partie vivre à Londres pour apprendre l’anglais. J’ai eu la chance de trouver facilement un poste de spa praticienne dans un grand spa urbain de luxe qui mêlait coiffure et esthétique. Il y avait sept cabines, nous étions une vingtaine. Nous travaillions avec Dermalogica et Sothys. Au début, je ne prodiguais que des massages mais, dès que mon niveau d’anglais s’est amélioré, j’ai pu réaliser des soins visage.
La découverte des soins visage japonais
J’ai souhaité apprendre de nouvelles techniques et je suis partie travailler dans un grand wellness center japonais de sept cabines. La gérante m’a formée sur des techniques de soin visage japonaises : shiatsu, massage avec gua-sha et boules de jade. Je suis tombée amoureuse de cette philosophie de soin. En effet, j’étais lassée de devoir simplement appliquer des produits sur la peau de mes clientes, puis de les retirer… J’avais à coeur de mettre en oeuvre ma technicité tout en allant vers une approche sur-mesure. J’ai énormément appris pendant ces deux années et, même si ce n’était pas simple, j’adorais…
Le statut de spa praticienne en Angleterre
Les autres spa praticiennes et moimême étions des indépendantes, nous n’étions pas sous le statut de salarié. Nous étions payées au nombre de soins que nous faisions par jour. Ce statut est très développé dans les pays anglo-saxons. Nous gagnons mieux notre vie qu’en étant salarié mais nous n’avons pas la sécurité de l’emploi. Et si nous ne performons pas, c’est difficile d’en vivre. Les loyers ne cessaient d’augmenter, j’en avais assez de déménager, j’ai décidé de partir pour New-York en 2016.
Esthéticienne à New York
Je suis restée une année à New York pendant laquelle j’ai pu travailler dans plusieurs spas dont un médi-spa. Il s’agissait d’une structure dans laquelle travaillaient des médecins et des esthéticiennes. J’ai pu suivre de nombreuses formations sur les appareils : radiofréquence, ultra-sons, microneedling…. Je travaillais 7 jours sur 7 car, en parallèle du médi-spa, j’effectuais des massages dans un spa à Brooklyn.
L’approche américaine du soin
L’approche américaine est très différente de l’approche française, elle est plus «brutale». Les Américains considèrent que s’il n’y a pas de douleur, il n’y a pas de résultat. Cela m’a confortée dans mon attirance pour les techniques de soin japonaises, bien plus douces ! Si l’approche du soin à l’américaine n’était pas à mon goût, j’ai malgré tout beaucoup appris. Aujourd’hui, je suis en mesure d’indiquer à mes clientes les conséquences des injections sur leur peau, je leur explique les alternatives aux méthodes invasives… Je ne pourrais pas faire cela sans mon expérience en médi-spa.
La naissance de la technique Sophie Carbonari
J’ai dû rentrer en France, j’ai profité de ces quelques mois pour développer ma propre méthode de soin visage, inspirée de plusieurs techniques. Je travaille les muscles, les fascias, l’épiderme et le derme sur différents aspects, en massant de façon plus ou moins profonde. Je me base sur le shiatsu, la fasciathérapie, le drainage et les pincements Jacquet. Cette méthode est entièrement personnalisée. C’est une prise de conscience globale. Je me positionne sur le marché du luxe. Un soin du visage d’une heure et demie est facturé 450 euros HT. Dans un premier temps, il y a toute une partie communication avec ma cliente pour établir un diagnostic. J’ausculte également sa peau. Grâce à tous ces éléments, je construis un protocole. Je travaille avec les produits que j’ai créés en 2018. Mon objectif est de les commercialiser.
Le début de la notoriété
Je suis retournée à Londres fin 2017 pour me lancer à nouveau à mon compte. Les opportunités en France n’étaient pas suffisantes et les taxes imposées aux auto-entrepreneurs en France m’auraient accablée plus qu’autre chose. À Londres, je travaillais dans un wellness center. C’était une sorte d’espace de co-working pour les praticiens, dans lequel je louais une cabine pour mes clientes en semaine car les samedis, dimanches et lundis, j’étais en feelance en spa.
Le bouche-à-oreille
J’ai réussi à acquérir une clientèle en majorité grâce à mes réseaux sociaux. Le mannequin Caroline de Maigret m’a contactée sur Instagram pour que je lui prodigue un soin. C’est elle qui a communiqué sur moi en premier. Cela a créé un bouche-à-oreille qui m’a permis de me constituer une clientèle fidèle. En 2020, je suis retournée m’installer en France, à Paris, où je propose des soins à ma clientèle dans des hôtels parisiens. Je retourne à Londres une fois par mois pour ma clientèle anglaise.
La presse
Fin 2018, j’ai commencé à avoir mes premiers articles dans le Vogue U.K. et The Guardian où l’on a mis en avant ma technique novatrice. Je ne réalise pas aujourd’hui d’avoir pu être publiée dans de grands titres de presse ! Je suis fière de mon travail. J’ai toujours aimé mon métier et j’ai toujours fait mon maximum pour valoriser ce que je fais. Lorsque j’ai commencé, le métier d’esthéticienne n’était pas aussi valorisé qu’il peut l’être aujourd’hui. Il y a malheureusement toujours un mépris pour les esthéticiennes, à tort…
Médiatiser mon activité permet de montrer tous les aspects que peut avoir le métier d’esthéticienne.
La Fashion Week
J’ai pu effectuer ma première Fashion Week parisienne en 2019. Pour ce faire, j’ai négocié avec un hôtel afin de pouvoir venir effectuer des soins pendant cette période. J’ai eu à ce moment-là un article dans Le Monde. Ma clientèle, lors des Fashion Week parisiennes, à laquelle je participe chaque année, est internationale. Il s’agit de modèles ou bien de clientes des grandes maisons. Des marques me sollicitent pour des partenariats. Dans ce cas-là, je développe un protocole spécial pour la marque. Je réalise ensuite le soin, avec les produits de la marque, à des journalistes ou aux égéries de la marque.
Les personnalités
En toute honnêteté, je ne sais pas ce qui a attiré des personnalités sur mon compte Instagram, peut-être ma discrétion… Je n’ai jamais révélé à personne les noms des célébrités que je prenais en charge. Il est important pour moi de respecter leur vie privée. Lorsque je m’occupe de personnalités, je reste la même, je ne me positionne pas en tant que groupie.
Communiquer sur les réseaux sociaux
Ce qui fonctionne sur les réseaux sociaux, c’est d’avoir une personnalité. Mon Instagram (28,3 K de followers) n’a jamais aussi bien fonctionné que depuis que je fais ce que je veux, que je poste ce que je veux, quand j’en ai envie. Je ne fais pas ce qu’il est recommandé de faire sur Instagram. Je fais en fonction de mes envies. Il faut montrer en quoi nous faisons la différence, plutôt que de faire comme la consoeur. Je pense que l’on se trompe lorsque l’on occulte sa personnalité. Aussi, il est bien de parler des gens qui nous inspirent. Il ne faut pas hésiter à rendre son compte personnel. C’est pour cette raison que je n’ai qu’un seul compte. Les personnes qui me suivent ont envie de connaître ma philosophie, au-delà de mon travail. Mes clientes me suivent car elles aiment ce que je publie sur Instagram. Il faut être soi avant tout et ne pas craindre de ne pas être dans le conventionnel.
Être une bonne facialiste
Lorsque l’on évolue dans sa carrière et que l’on gagne en expertise, il est indispensable de rester humble. C’est quelque chose que j’ai appris en travaillant à l’étranger, en apprenant une nouvelle langue, de nouvelles techniques. On devient bon lorsque l’on comprend qu’on ne sait rien. Il faut toujours se remettre en cause. Par exemple, la peau de la cliente n’est pas un acquis. On la découvre sur le moment, lors du soin, bien que la cliente nous dise comment elle est. J’aime m’interroger sur la façon dont je vais travailler mon protocole afin de répondre exactement aux besoins de la peau de la cliente, au moment où elle vient me voir.
Mon conseil
Je conseille aux futures esthéticiennes de constamment se renouveler et de toujours s’interroger sur ce qu’elles peuvent apprendre, autant au niveau des produits que des techniques. L’idée est d’être la plus pertinente possible et d’aller au plus près de la maîtrise de son métier. Il ne faut jamais se dire que tout est acquis. Personnellement, je suis toujours dans l’évolution et le désir d’apprendre. Ce n’est pas toujours facile, car cela nécessite une certaine remise en question ! Je ne me forme plus sur les techniques de soin mais je m’informe beaucoup sur les technologies pour enrichir mes connaissances.
Les évolutions du secteur
Le secteur de l’esthétique est en pleine expansion. Le métier d’esthéticienne intéresse de plus en plus de personnes. Il se diversifie également en termes de techniques, bien que nous ayons un temps de retard par rapport à d’autres pays comme les États-Unis et l’Angleterre.
Le problème de l’entrepreneuriat en France
Le secteur manque d’ambition, de prendre le lead au niveau international en créant des choses nouvelles. Nous ne sommes pas assez soutenus sur le plan financier lorsque l’on veut entreprendre. Les financiers comprennent les concepts traditionnels, ce que je faisais en Angleterre en travaillant dans les wellness centers, on ne peut pas le faire en France. Il faut augmenter le suivi dans les projets pour que l’on soit crédibilisés. Il faudrait mettre en place une association avec la BPI (Banque Public d’Investissement), développer un schéma de lobbying auprès des banques et de la Chambre de Métiers, cela permettrait de créer de nouvelles tendances afin que l’on puisse être créatives. Nous sommes toujours contraintes de suivre des trends sans pouvoir en créer véritablement, je trouve cela dommage. Il y a un grand travail à faire pour que cela évolue !