Parcours d'esthéticienne : Jennifer Brodeur, l'esthéticienne d'Oprah Winfrey et Michèle Obama
ai toujours voulu être avocate. J’allais à l’école avec une mallette en cuir, je portais un tailleur, je pensais vraiment que j’exercerais ce métier ! À la fin de mes études dans le secondaire (équivalent du lycée en France), la mère d’une de mes amies est décédée d’un cancer… Cette femme qui se maquillait beaucoup était passionnée par l’esthétique, les cosmé-tiques, les parfums. Lorsqu’elle est tombée malade, les produits cosmétiques n’étaient pas ou peu développés.
La peau en bonne santé était chérie, mais rien n’existait pour les peaux malades… Ma curiosité a été piquée, j’ai voulu comprendre le fonctionnement de la peau et pourquoi aucun cosmétique n’existait pour la peau des personnes malades.
Objectif : enseigner
En 1995, je me suis inscrite dans une école d’esthétique, à Verdun au Québec, au CFPV Centre de Forma-tion professionnelle. J’ai annoncé à ma famille que je n’allais pas en Droit. Mon père m’a alors dit : «Sois la meilleure !». Lors de ma première journée d’école, toutes les esthéticiennes en devenir de ma classe devaient se présenter et expliquer pourquoi elles avaient choisi l’esthétique. Toutes disaient : «Je veux maquiller des stars, je veux avoir mon institut, je veux rencontrer Céline Dion…». Mon objectif à moi était d’enseigner en école d’esthétique la chimie et la biologie. Les gens pensent souvent que le domaine de l’esthétique s’adresse à des personnes qui n’aiment pas l’école… C’est pour cela que mon idée a toujours été de valoriser le métier d’esthéticienne.
La formation dans l'enseignement
Une fois mon diplôme d’esthétique obtenu, j’ai entamé la préparation d’un diplôme en enseignement. En parallèle de cela, je travaillais en institut afin d’acquérir une expertise en pratique, cela a duré sept ans. Je n’étais pas très douée pour la pose de vernis ! En revanche, j’avais une bonne aptitude en soins du visage. Je comprenais petit à petit mes forces.
Rigueur et exigence avant tout !
À la fin de mon cursus, la faculté dans laquelle j’apprenais l’enseignement m’a embauchée en tant que remplaçante en classe esthétique. En parallèle, je travaillais toujours en institut, cela a duré jusqu’en 2002. J’ai enseigné durant sept ans, de 1996 à 2003. À l’école, on m’a rapidement surnommé Cruella… En effet, j’étais très exigeante avec les élèves. Il fallait arriver en cours à l’heure, le chignon était de rigueur tout comme le maquillage, l’uniforme devait être propre et repassé. Beaucoup de mes élèves n’étaient pas habituées à tant de rigueur. Je voulais qu’elles soient fières, l’esthétique est un métier noble.
Enseignante et formatrice pour Sothys
En parallèle de l’enseignement et du travail à l’institut, j’étais formatrice pour Sothys au Canada. J’avais à l’époque 24 ans. Le distributeur canadien m’avait démarchée car, dans l’ins-titut au sein duquel je travaillais, nous avions Sothys. Ginette Robert, qui était la formatrice pour Sothys au Canada, a été mon mentor dans ma carrière. Être formatrice me permettait de rencontrer des esthéticiennes avec 20 ans d’expérience tout en continuant d’échanger avec mes élèves.
La découverte de la technologie
En 2001, on m’a démarchée pour être chargée de projet dans le développement d’appareils à usage médico-esthétique. À cette époque, je ne croyais pas du tout aux appareils. Mais j’ai tout de même tenté l’expérience et j’ai trouvé cela fantastique ! J’ai travaillé sur un appareil pour lutter contre la cellulite et pour la micro-dermabrasion. J’ai eu l’occasion de voyager en Allemagne ou encore en Suisse. J’étais à la fois formatrice, commerciale et enseignante.
Le début de l'aventure entrepreneuriale : le Max Led
J’ai quitté l’enseignement fin 2002, tout comme mon poste dans la technologie pour raisons person-nelles. J’avais envie de créer ma propre entreprise. En 2003, avec d’anciens collaborateurs, nous avons couché sur papier la concep-tion d’un appareil, le premier appa-reil à Leds du marché américain : le Max Led. À l’époque, personne ne parlait des Leds. Nous avons été les pionniers, les appareils qui exis-taient n’étaient équipés que d’une seule longueur d’onde, le Max Led en avait une multitude ! Nous avons eu un succès fou en France. En 2005, lors du Congrès International Esthétique & Spa, nous avons reçu le Prix H.Pierantoni de l’Innovation. Quelques années plus tard, nous avons été approchés par Esthederm qui a acheté plusieurs appareils sous le nom de Cellux New-York. Finalement, nous avons rencontré un grand succès dans 40 pays à l’échelle mondiale !
L'ouverture du premier institut : Bella Clinique
En 2008, l’économie mondiale s’est écroulée. Trois de nos distributeurs ont fait faillite. Il a fallu que l’on cède nos bureaux afin de survivre. J’ai eu l’idée d’ouvrir mon premier centre esthétique sur la rive sud de Montréal. Je pensais que cela nous permettrait de pouvoir passer la crise financière sereinement et nous assurer une source de revenus fiable. Nous avons eu, avec ce premier centre, un engouement incroyable. Il s’agissait du premier skin bar. Nous proposions peu de soins pour favoriser le sur-mesure. Nous travaillions avec Esthederm.
En 2009, nous avons ouvert un deuxième centre de six cabines avec huit esthéticiennes, toujours à Montréal. Comme pour le premier, le succès était au rendez-vous. Nous avions un fichier de 3 000 clientes !
Les soins pour Oprah Winfrey
À Beverly Hills, beaucoup de centres travaillaient avec notre technologie Max. L’animatrice de télévision améri-caine Oprah Winfrey recevait beaucoup de soins avec notre appareil. Je formais régulièrement les esthéticiennes dans les centres de Beverly Hills. J’ai lié une grande amitié avec l’une de ces esthéti-ciennes à qui Oprah avait demandé qui avait développé la technologie. Lorsque j’ai rencontré Oprah, mon objectif était de lui faire un soin avec notre appareil et de former son esthéticienne. Finalement, cela fait dix ans que je m’occupe de sa peau ! Pour cela, je fais de nombreux allers-retours en avion.
Esthéticienne pour la Première Dame à la Maison Blanche
Oprah m’a mise en relation avec Michelle Obama, lorsqu’elle était à la Maison Blanche. Je l’ai rencontrée à ses 50 ans. Je lui ai, dans un premier temps, fait des soins pendant une semaine. Puis, elle m’a proposé de venir m’occuper régulièrement d’elle. J’ai eu la chance de faire des choses exceptionnelles. J’ai rencontré des gens incroyables, amené ma famille à la Maison Blanche pour Noël, le 4 juillet… Cela fait maintenant neuf ans que je m’occupe de sa peau. Une autre esthéticienne travaillait à la Maison Blanche mais ce n’était pas quelqu’un de régulier. Ce qui a fait la différence est que je sais comprendre, analyser la peau et proposer une véritable stra-tégie de peau.
La création de JB Skin Sävi
Dès que nous avons ouvert le premier centre, j’ai commencé à développer une ligne de cosmétiques grâce à mes connais-sances en cosmétologie et chimie. En effet, j’ai suivi des cours en Nouvelle Zélande, en Australie et en Finlande et j’ai aussi effectué beaucoup de recherches. Seulement quelques clientes utilisaient mes produits, dont Oprah. Je n’osais pas encore lancer officiellement ma marque. Les produits sortaient directement du laboratoire, il n’y avait même pas de packa-ging, mais les clientes en étaient toutes très satisfaites.
Le lancement…
Tout le monde me poussait à véritablement lancer ma marque, mais moi, si perfec-tionniste, je n’osais pas me lancer. Oprah m’a proposé de participer à Favorite Things (rubrique de l’émission animée par Oprah qui regroupe ses produits/articles préférés du moment). Pour une esthéti-cienne entrepreneure, avoir cette mise en lumière grâce à Favorite Things, c’est comme un Oscar, car on obtient une visibilité mondiale !
La fin de la cabine
Au sein de mon institut à Montréal, j’avais neuf mois d’attente. Je ne pouvais pas en même temps être à l’institut et m’occuper de ma marque. L’une de mes esthéticiennes a repris mon institut.
Le développement des marques de JB Skin
En 2018, nous avons lancé notre deuxième gamme, Lumi. Les produits Lumi sont conçus à base de petits fruits semblables à la canneberge, très riches en vitamine C. Nous avons été récompensés par Forbes Best Of. La dernière gamme que nous avons créée, en 2021, est Harmonie. Les produits sont enrichis en vitamine B3 et en zinc. Cette troisième gamme est née afin de pouvoir offrir une réponse à tous les types et conditions de peau. Par ailleurs, j’avais envie de faire l’acquisition d’une ferme afin de produire les fleurs contenues dans nos produits. Avec mon mari, nous avons trouvé la maison de rêve à Knowlton, Estrie.
Vers une marque écoresponsable
En 2020, j’ai profité des confinements pour revoir mes packa-gings, échanger avec les clientes, effecteur un point avec les labels Cosmos et Ecocert. Nous avons donc changé nos packa-gings et revu les formules de chacun de nos produits. Sans cette pause, nous n’aurions jamais eu cette remise en question. Ainsi, depuis janvier 2023, nous sommes certifiés B Corp, c’est-à-dire une entreprise qui répond aux normes les plus élevées en matière de performance sociale et environnementale, de transparence et de responsabilité.
La sortie de mon premier ouvrage
C’est en 2020 que j’ai sorti mon premier livre «La peau et ses secrets». C’est un ouvrage accessible pour comprendre les principes de la peau, l’importance du sommeil, bien manger… J’ai souhaité guider à la fois les esthéticiennes et leurs clientes. C’est un best-seller au Québec pour le grand public, un livre de réfé-rence. Il a été traduit et est maintenant disponible en Asie ! Je travaille déjà sur un deuxième ouvrage.
Message aux esthéticiennes
Le métier d’esthéticienne est le plus beau métier au monde ! C’est un métier qui peut vous apporter tout, il faut juste s’y mettre ! On ne peut pas s’arrêter et se dire que l’on a tout compris. Il faut avoir l’esprit ouvert et échanger avec les autres. Il ne faut pas arrêter d’être curieuse car il n’y a pas de limite ! Et n’oubliez pas, personne ne peut vous remplacer, pas même une machine !