Parcours d'esthéticienne : Claire Valette, esthéticienne à domicile depuis 20 ans.
Pourquoi l'esthétique ?
L'esthétique s’est imposée à moi petit à petit. Après un Bac littéraire, j’ai étudié les Lettres pour me destiner à une carrière dans l’enseignement, mais je m’ennuyais. Il me manquait une dimension manuelle
L’une de mes amies en Lettres s’est tournée vers l’esthétique, cela m’a interpellée. Il s’est alors engagé une réflexion et un cheminement qui m’ont fait prendre conscience que ce métier me correspondait en tous points. Ce fut une sacrée nouvelle pour mes parents !
J’ai souscrit un prêt étudiant pour passer mon CAP en un an et mon BTS à l’École Européenne d’Esthétique à Arras. Je me suis immédiatement sentie à ma place pendant ces études, c’était passionnant. Mon objectif était de passer mon BTS pour enseigner l’esthétique.
Dix ans d'apprentissage
Avant de me lancer dans une carrière dans l’enseignement, j’ai décidé de faire mes armes sur le terrain. En 2000 j’ai été embauchée en CDI chez Yves Rocher, j’y ai gagné en vitesse d’exécution dans ma pratique, j’ai appris à travailler avec beaucoup de exibilité, d’adaptabilité.
Puis je suis partie dans une parfumerie Marionnaud en tant qu’esthéticienne, ça m’a beaucoup plu, au point d’oublier mes projets d’enseignement...
Pendant dix ans, j’ai eu la chance de toucher à tout : la cabine, la vente, la gestion des réassorts des produits pour les cabines et même le remplacement de ma responsable pendant six mois...
J’avais en plus la chance de travailler avec des marques prestigieuses comme Gatineau ou Carita...
Je me lance dans l'esthétique à domicile !
À la naissance de ma deuxième fille, j’ai décidé de changer de vie. Était-ce la crise de la trentaine ? J’ai pris un congé parental de trois ans pour réfléchir en sachant très bien que je ne reviendrais pas...
Mais après un an, la cabine me manquait. J’ai eu une proposition de poste de professeur dans un lycée professionnel que j’ai nalement déclinée... Nous étions en 2011, c’était le début de la crise économique, tous les voyants étaient au rouge.
Mon mari travaillait dans la banque, il était en charge des professionnels et m’a confirmé que les banques réclamaient environ 25 % d’apport pour une réation d’entreprise...
Au vu des bilans comptables d’instituts de beauté, il m’a alertée sur la quantité de travail à fournir pour le peu de bénéfices gagnés au nal. Ces chiffres m’ont rappelée à l’ordre.
D’autre part, je voulais conserver un équilibre entre ma vie personnelle avec mes deux jeunes enfants et ma vie professionnelle.
Je ne voulais plus subir les contraintes horaires, les animations de vente... ça ne me correspondait plus et je sentais aussi l’émergence du naturel et d’une mutation profonde dans la manière de consommer les soins esthétiques.
J’ai donc décidé de me lancer dans l’esthétique à domicile, en me déplaçant chez un public qui ne pouvait pas ou ne voulait pas venir en institut.
L’une des premières de Picardie dans l'Aisne !
J’étais située à une heure de Paris, la Picardie est constituée de nombreux petits villages, j’ai donc délimité un secteur et décidé d’aller de village en village à la rencontre de mes clientes. À l’époque, j’étais l’une des premières à proposer de l’esthétique à domicile dans ce secteur.
Le développement de mon fichier clientes
Une esthéticienne à domicile ne se fait pas connaître comme un institut de beauté, c’est le réseautage qui fait tout.
À l’époque, mon congé parental se terminait, j’avais beaucoup de temps, j’ai alors commencé par travailler mon réseau au sein de mon village en présentant mon projet aux artisans et aux infirmières libérales.
Et je me suis fait aussi connaître grâce à l’école, en accompagnant et en récupérant mes enfants, comme toutes les autres mamans du village. L’école est un excellent point de rencontre.
C’est ainsi que j’ai recruté mes premières clientes. J’ai également créé mon site Internet, l’un des tout premiers à l’époque pour ce type de prestations.
Pour développer mon fichier clientes, en plus du bouche-à-oreille, des réseaux sociaux et d’Internet, j’ai distribué des flyers, j’ai fait de la publicité dans les journaux locaux, mais, indéniablement, ce sont les réseaux sociaux et Internet qui m’ont le plus aidée.
J’ai pris l’habitude d’interroger mes clientes sur la façon dont elles m’ont trouvée. Dans 90 % des cas, elles me disent avoir effectué une recherche sur Google : «Esthéticienne à domicile Soissons».
Et comme mon site est bien référencé parce que j’ai pris le temps de le faire, j’arrive en première page. Je vous recommande de nourrir votre site en permanence pour gagner en référencement, il faut le mettre à jour et l’animer.
J’y ai ajouté un module blog que j’alimente régulièrement avec des billets sur différentes thématiques (le parfum, les recettes beauté minute, des articles sur l’histoire des cosmétiques ou des soins, etc.).
Le goût d’écrire est toujours là et bien utile même si je n’ai pas continué les Lettres...
Mon planning
Quand je me suis installée, avec l’aide d’une carte, j’ai dessiné une zone d’environ vingt kilomètres autour de mon domicile à Soissons.
L’idée était de prodiguer toutes les prestations sans demander de compensation de frais kilométriques, et, au fur et à mesure des années et du développement de ma clientèle, j’ai resserré mon périmètre.
Aujourd’hui, je fais au maximum vingt-cinq minutes de route entre deux prestations.
Oui, il serait plus judicieux de réunir toutes les prestations par destination mais ce n’est possible qu’en théorie car, en pratique, les clientes n’ont pas toujours les mêmes horaires et ne sont pas toutes disponibles au même moment. L’idéal est de resserrer au maximum le périmètre.
Lorsque j’ai mon planning sous les yeux, j’essaye de combler les créneaux d’un même secteur et ça, un logiciel ne peut pas le faire.
Une journée type
Je travaille du lundi au samedi de 9 h à 19 h. Comme mes lles ont grandi (13 et 17 ans), ma vie professionnelle a pris plus de place.
Voici le programme d’une journée de la semaine prochaine qui est une journée lambda : je commence à 25 minutes de chez moi par une épilation intégrale à 9 h, à 30 minutes de là, j’ai rendez-vous avec deux clientes qui se sont réunies chez l’une d’elles, ce qui est toujours très sympa.
Je rentre chez moi vers 12h30 pour reprendre à 14 h avec un soin du visage, puis, après 20 minutes de route, j’ai une cliente à 16 h pour un nouveau soin du visage et une manucurie.
Enfin à 18 h, j’ai un rendez-vous en centre-ville avec trois clientes. Sur cette journée, je vais prendre soin de huit personnes groupées en cinq rendez- vous. J’ai 43 ans, le soir j’aurai besoin d’un bon repos !
L’esthétique à domicile et l'argent
Tous les mois, mon activité s’est développée mais j’ai vraiment commencé à gagner ma vie après ma troisième année d’activité. C’était long mais je savais que ça évoluerait de façon positive.
Je gagne ma vie un peu mieux que lorsque j’étais salariée mais, surtout, j’ai une qualité de vie extraordinaire ! Je peux me rendre disponible pour mes enfants quand j’en ai besoin, je suis le maître de mon planning, je fais ce que je veux.
Même si j’ai le stress d’être ponctuelle, je pose mes vacances quand je veux, je profite ainsi d’une semaine de vacances lors de toutes les vacances scolaires et trois semaines l’été.
Je suis en micro-entreprise et c’est le bon statut, encore plus avec la crise sanitaire car, contrairement aux autres statuts, il n’y a pas de charges à payer quand il n’y a pas de chiffre d’affaires, mais il faut être rigoureuse, j’ai eu un contrôle URSSAF l’année dernière et j’ai été félicitée !
L’avenir en mode slow life
Je me vois continuer encore très longtemps l’esthétique à domicile. J’adore mon métier, chaque jour est différent, je ne travaille jamais au même moment au même endroit. Il est important pour moi de prendre le temps de vivre. C’est là, à mon avis, le vrai luxe de la vie.
Beaucoup s’en sont aperçus lors du confinement qui a été l’occasion d’un véritable retour à soi pour apprécier le rythme des saisons, de prendre de belles photos de la nature. Lorsque je les publie sur ma page Facebook, elles sont très appréciées.
On ne peut pas vendre du bien-être si on est soi-même dans le speed, c’est une évidence.
Institut vs domicile
Un relationnel différent
Faire du domicile m’apporte un relationnel différent. Les clientes me reçoivent chez elles, elles sont dans l’accueil, elles m’ouvrent la porte de leur maison.
Cela demande pour l’esthéticienne d’avoir un vrai savoir-faire et du savoir-être, il est hors de question de m’imposer et pourtant je dois poser mes affaires et bien entendu ne pas laisser la maison en désordre.
Il n’est pas simple de conserver un discours professionnel lorsque je suis chez la cliente, elle s’attend à avoir une relation différente de l’institut avec beaucoup plus de sympathie, de proximité.
Souplesse et adaptabilité
Certaines clientes me tutoient, d’autres me vouvoient, je m’adapte à chacune de mes clientes de 12 à 95 ans !
C’est ce que j’ai conservé de mon expérience chez Yves Rocher : mon esprit d’adaptabilité à toutes les situations. Ce qui est important à domicile c’est la souplesse.
En institut, tout est très ritualisé, à domicile c’est impossible, j’ai donc appris à travailler sur-mesure et je me suis rendu compte que c’est ce que finalement les clientes recherchaient. Plus que de la personnalisation, je fais du sur-mesure.
Tout gérer en même temps
L’esthétique à domicile n’est pas un métier facile.
Il faut un grand sens de l’adaptation car à chaque nouvelle cliente, c’est une nouvelle ergonomie dans laquelle il faut trouver ses repères, il faut aussi une grande capacité organisationnelle, tant au niveau de la gestion des rendez-vous qu’au niveau de la logistique.
En effet, il n’est pas envisageable d’oublier quelque chose, loin de chez vous, la prestation serait impossible.
La difficulté consiste aussi à tenir un vrai discours professionnel car les clientes sont très amicales, elles me proposent un thé, un café, des gâteaux, il y a souvent les enfants qui me sollicitent. Il faut tout gérer en même temps et en assurant une prestation esthétique de qualité.
Rester toujours ultra-professionnelle
Pour rester professionnelle, je ne prends jamais de café, après, c’est toute la difficulté de revenir sans cesse à la prestation avec la gestion de tout l’univers de la cliente. Oui, esthéticienne à domicile c’est souvent faire deux choses à la fois.
Par exemple, avant le Co-vid, je me suis retrouvée chez une cliente qui avait son nouveau-né juste à côté de la table de massage, lorsqu’il s’est mis à pleurer, j’ai changé de casquette pour devenir l’espace d’un instant assistante puéricultrice : prendre le bébé dans le berceau, le confier à sa maman et aider celle-ci à s’installer confortablement pour qu’elle puisse donner la tétée.
Ensuite, j’ai dû poursuivre l’épilation des jambes comme je pouvais : priorité au bébé ! Les enfants sollicitent aussi parfois la maman pour leurs devoirs pendant l’épilation.
Lorsque je viens pour un soin visage ou un massage relaxant, je demande à la cliente de prévoir un envi- ronnement calme : débrancher le téléphone, fermer les volets, chauffer la pièce.
C’est tout simple mais c’est essentiel pour que la prestation se passe bien, la cliente doit comprendre que c’est pour son confort. Depuis le Covid, j’envoie aussi systématiquement un mémo avec les mesures sanitaires : les clientes sont très respectueuses des directives et comprennent parfaitement que c’est pour notre santé à tous.
Être en forme
L’esthétique à domicile réclame une excellente condition physique, il y a énormément de choses à porter, à manipuler, on ne peut pas faire l’impasse sur sa forme et sa posture.
Tous les matins, je fais une demi-heure de yoga et je travaille la musculature de ma colonne vertébrale. Le dimanche matin, c’est footing d’une heure pour le cardio et l’endurance.
Mon conseil avant de vous lancer à domicile
Beaucoup imaginent que l’esthétique à domicile c’est facile. Souvent, les esthéticiennes pour lesquelles ça ne fonctionne pas, c’est, pour beaucoup, à cause du manque d’expérience.
Si vous voulez vous lancer dans le domicile, il est important de passer par la cabine avant tout pour gagner en rapidité d’exécution et pour apprendre des techniques de vente. Il faut apprendre et, après, être très rigoureuse. C’est essentiel lorsque l’on est son propre patron.
Vous devez être souple avec les clientes et rigoureuse avec vous-même, ça ne plaît pas à toutes les personnalités d’esthéticiennes.
Depuis dix ans, des esthéticiennes à domicile se sont succédé à Soissons, elles ont arrêté leur activité par manque de rigueur, de professionnalisme. Il est aussi beaucoup plus difficile aujourd’hui de se faire une clientèle qu’à l’époque.
L’esthétique à domicile ne s’improvise pas. J’étais la première de la région, certaines clientes m’ont retrouvée et suivie de la parfumerie à l’esthétique à domicile, je leur prodigue des soins depuis 15, 20 ans !
La reconnaissance de l'esthétique à domicile
Je milite pour que les esthéticiennes à domicile soient plus reconnues. L’esthétique à domicile est un peu le parent pauvre de l’esthétique. Comme dans tous les secteurs, il y a du bon et du mauvais mais de manière générale, nous sommes victimes de l’image de ne pas être professionnelles.
L’évolution du service
Les marques fonctionnent comme la grande distribution l’a longtemps fait, c’est-à-dire sur leurs acquis.
Les marques ne se rendent pas compte que la demande évolue, il y a une tendance de fond sur le domicile confirmée par la crise Covid avec beaucoup de clientes qui se tournent désormais vers le domicile.
Dans tous les domaines, les clientes en ont assez de tous ces endroits aseptisés, impersonnels, où tout se ressemble avec le même service et le même discours formaté. Elles ont envie que ce soit le service qui vienne à elles. Il est important de le souligner.
Une logistique adaptée
J’espère que dans les années à venir, on va tenir compte de nos besoins à nous, les esthéticiennes à domicile.
La logistique est importante dans notre activité, nous avons beaucoup de choses à porter, nous avons besoin de bagages légers, hygiéniques et pratiques, de tables de massage légères et robustes, un système pour chauffer la cire, des acons de produits en petit format...
Je chauffe ma cire en demi-pot chez moi plus fort qu’il ne le faudrait, le temps du trajet, elle refroidit et, une fois arrivée chez la cliente, elle est à bonne température.
Pour la transporter, je n’ai rien trouvé de mieux que la mallette d’équitation de Décathlon (en plastique et très facilement lavable), il faudrait vraiment que l’on pense à nous !
Le choix des marques
Beaucoup de grandes marques ne veulent pas travailler avec les esthéticiennes à domicile, alors nous sélectionnons des marques de niche qui ne nécessitent pas d’ouverture de compte et qui nous permettent de nous distinguer.
Au début de mon activité, j’ai commencé à travailler en VDI avec une marque naturelle américaine à base d’aloé véra, Forever Living Products, puis je me suis orientée vers la marque Jardin des Zen créée par une esthéticienne de Gascogne que j’ai découverte au Congrès International Esthétique & Spa.
Je travaille également avec Joveda, une marque de phyto-thérapie basée sur les plantes utilisées en ayurvéda.
L’épilation est ma spécialité avec le massage.
Grâce à l’épilation, j’ai dfidélisé de nombreuses clientes. Je pratique le sugaring de Pandhy’s, une épilation au sucre, que j’ai découvert au Congrès et je propose également Cire et Jolie. La souplesse de l’arrachage de cette cire est extraordinaire.
J’ai une rotation importante de mes stocks, les clientes sont assurées d’avoir des pro- duits frais, je suis en flux tendu en permanence, mais ce n’est pas un problème car je peux commander en plusieurs fois en petites quantités et ces marques sont en train de grignoter le marché.
Beaucoup de marques arriveront après la bataille s’agissant de l’esthétique à domicile car personne n’a vu la tendance émerger, tendance qui s’accélère et devient plébiscitée avec le Covid.
Il y a vraiment un changement dans les mentalités : les clientes veulent moins de produits, des produits polyvalents et respectueux de la peau et de l’environnement.
La vente
Grâce à mon expérience, je suis très à l’aise avec la vente. Lorsque je vends un produit à une cliente, je suis intimement convaincue que c’est le soin qu’il lui faut.
En parfumerie, je n’osais pas regarder les étiquettes de tous ces produits issus de la pétrochimie, aujourd’hui, j’utilise des produits que j’aime et les clientes le savent et en redemandent.
Des produits avec une vraie concentration et pas un simple principe actif marketing, pas de pétrochimie et des packagings raisonnables pour limiter l’impact environnemental.
D’un point de vue organisationnel, je n’ai aucun produit dans ma voiture, je n’emporte que les produits avec lesquels je travaille, je prends les commandes à la fin du soin et je reviens les livrer.
Mes clientes savent que je n’emporte rien pour éviter que les produits ne subissent les variations de température et s’altèrent.
Elles m’appellent quand elles ont besoin d’un réassort de produits et je leur apporte lors du prochain rendez-vous. J’arrive donc au rendez-vous avec un joli petit sachet tout prêt avec ma charte graphique, ça valorise mon professionnalisme.
Les clientes
- J’ai tous les pro ls de clientes, des dames très âgées qui ne peuvent pas se déplacer, elles sont contentes de pouvoir être autonomes, de décrocher leur téléphone et de prendre rendez-vous pour elles.
- J’ai des femmes très actives qui apprécient de pouvoir être à la maison avec leurs enfants tout en pouvant proter d’un soin.
- J’ai de jeunes couples, quand monsieur connaît l’esthéticienne qui vient régulière- ment à la maison, il est plus à l’aise et je deviens l’esthéticienne de monsieur aussi.
Par recommandation, il m’arrive de prendre soin des familles complètes (parents, grands-parents, frères, sœurs et enfants). À Noël, ils s’offrent mutuellement des bons cadeaux de soins esthétiques.
- Je connais les enfants des familles depuis leur plus jeune âge, alors quand arrive l’adolescence avec son lot de boutons et de poils, c’est tout naturellement qu’ils se tournent vers moi.
C’est formidable quand un petit garçon de neuf ans demande un massage relaxant d’une heure pour son anniversaire !
Le fait d’accéder aux familles permet une autre forme d’éducation qui se fait dès le plus jeune âge, le rapport à l’institut de beauté fait partie du quotidien, on prend soin de soi. Une éducation de la vie au soin de soi et des autres...