« Je suis maquilleuse pour le cinéma »

Des études dans l'art...

Au départ, j’étais attirée par les métiers d’art. Je souhaitais m’orienter dans la haute couture et le stylisme. J’ai donc suivi quatre ans d’études dans ce domaine. Je n’ai pas souhaité poursuivre dans la mode car les choses se font aujourd’hui beaucoup par ordinateur, ce qui me séduisait peu. Je souhaitais pouvoir me servir de mes mains. J’ai donc suivi pendant une année un cycle d’études aux Beaux-Arts. Cette année-là, en 2010, on m’a appelée pour maquiller des acteurs dans le cadre d’un court-métrage. Il s’agissait d’une demande de la filière vidéo des Beaux-Arts. Bien que je ne sois pas encore une experte en maquillage à cette époque, on a insisté pour que je participe. Cette expérience a fait que je me suis intéressée au maquillage et notamment au maquillage effets spéciaux. Ce sont la peinture, la sculpture et le dessin que je souhaitais pouvoir mettre en oeuvre au travers de mon métier.

...puis dans le maquillage artistique et le cinéma

J’ai souhaité avoir un minimum de niveau en esthétique afin de pouvoir me lancer dans le maquillage légitimement. J’ai donc passé un CAP Esthétique à l’École Maestris de Clermont-Ferrand en un an, avant de partir en école de maquillage. Le diplôme d’État en France est très valorisant dans une carrière professionnelle. Cela m’a permis d’acquérir des connaissances sur la peau, ce qui est utile en maquillage. J’ai ensuite suivi une formation au sein de l’école parisienne L’Atelier sur les effets spéciaux. Rapidement, j’ai été contactée afin de travailler sur des tournages de projets divers. J’étais intermittente du spectacle, ce qui m’a permis de cumuler des droits de formation. Grâce à cela, j’ai pu suivre une formation par an dans plusieurs écoles, dont l’Académie Make Up For Ever. J’ai appris le maquillage beauté, l’aérographe et la perruque.

Travailler pour la télévision et pour le cinéma

Aujourd’hui, je suis amenée à travailler essentiellement en cinéma et en télé.

La télé

Le travail sur un plateau télé se fait sans aucune préparation de la peau. Nous maquillons les présentateurs pour leur passage à l’antenne. C’est assez simple.

Le cinéma

Pour le cinéma, le travail est différent. Plusieurs essais sont réalisés avec les acteurs avant le tournage. Nous travaillons en étroite collaboration avec le chef opérateur et le réalisateur. Nous recherchons ensemble ce qui peut être fait en fonction des effets qu’ils souhaitent, il y a un vrai travail de recherche. Il faut être attentif au scénario car les scènes se tournent dans le désordre, les raccords doivent donc être impeccables. J’appelle souvent en amont des tournages les acteurs afin de leur poser un maximum de questions pour connaître leurs préférences en termes de produits, de marques, de textures, etc. De plus, le cinéma requiert une grande polyvalence dans sa pratique : pose de fausses barbes et de postiches, caches tatouages, etc. C’est pour toutes ces raisons que devenir cheffe maquilleuse nécessite une certaine expérience. Il faut être capable de chapeauter toute une équipe de maquilleurs.

Les coulisses des tournages

Les anecdotes que je garde en tête se portent davantage sur les conditions de tournage. Je suis allée tourner dans la neige : nous étions en raquettes, ce qui rendait les raccords à effectuer sur les comédiens impossibles et mes produits de maquillage étaient congelés ! À l’inverse, je me suis rendue sur plusieurs tournages dans des endroits où les températures étaient très élevées. Le climat rend les conditions de tournage très difficiles. Il faut s’adapter.

Nous ne sommes pas dans le confort d’une loge toute la journée !

Se faire connaître en tant que maquilleuse

J’ai commencé à travailler en 2011. Tout mon réseau s’est fait au travers des sociétés de production. J’ai également un site Internet qui détaille mes expériences, mes diplômes et quelques photos de mon travail. Au début, pour me faire connaître, il a fallu que je fasse des courts-métrages, pas très bien rémunérés… Trouver un emploi se fait essentiellement grâce au réseautage. C’est grâce à cela que j’arrive à travailler depuis plus de 12 ans.

Les qualités nécessaires

Selon moi, le premier critère à respecter afin d’être une bonne maquilleuse est de savoir peindre ou dessiner. Il faut avoir une notion du volume à plat pour pouvoir travailler sur un modèle humain. En effet, ce métier nécessite une grande précision. Il faut être en mesure de savoir faire des choses réalistes avec peu de matière dans le cinéma, contrairement au théâtre. Par ailleurs, il faut être discrète. En effet, on arrive sur des tournages où l’on maquille des personnes très connues. Le métier nécessite également de la patience. Et il faut être en mesure de répondre aux demandes quelles qu’elles soient et être conciliante autant sur le plan humain que sur la partie maquillage. La recherche d’un effet peut être longue, il faut répondre à toutes les exigences de tout le monde, du réalisateur, en passant par l’acteur ou encore le chef opérateur.

Un métier enrichissant

Ce métier permet de travailler sur des projets très différents. Il n’y a pas vraiment de routine, c’est ce qui rend le travail enrichissant. De plus, cela permet de faire des rencontres très intéressantes. Cela donne également l’occasion de faire des voyages ou des déplacements que l’on n’aurait pas nécessairement faits dans le cadre de notre vie quotidienne. En tant qu’intermittente du spectacle, c’est comme si j’avais un nouveau patron à chaque projet. Le fait de pouvoir dire «non» à un projet qui ne me convient pas et ne pas être tributaire d’un CDI est pour moi un luxe. Je n’aime pas la routine. D’autre part, les techniques d’effets spéciaux évoluent très rapidement, cela m’oblige à me former très régulièrement. Il faut en effet être à la page, notamment avec les caméras qui sont de plus en plus précises et voient tout ! Je continue à travailler dans ce domaine malgré les contraintes car je suis animée par l’envie de travailler sur des gros projets de films, j’aime les rencontres et le fait de travailler dans un univers irréel qui sort du quotidien.

Les difficultés du métier

Je savais que le métier de maquilleuse était difficile, car c’est un secteur ultra-bouché. Mais cela ne m’a pas empêchée de persévérer, non sans embûche. En effet, j’ai déjà été plusieurs mois sans travail à mes débuts. Heureusement, à chaque fois que j’ai eu envie d’arrêter, on m’a rappelée pour un projet intéressant !

Un mode de vie particulier

Lorsque j’étais en école de maquillage, nous étions environ trente élèves dans la classe. Nous sommes aujourd’hui seulement trois à avoir continué dans le maquillage. Le métier de maquilleuse professionnelle a beaucoup d’inconvénients qui peuvent être un frein. Il faut être très disponible, accepter de changer de pays régulièrement, accepter de ne pas savoir comment on va travailler, il ne faut pas être attachée au train de vie métro-boulot-dodo ! C’est un vrai mode de vie à accepter.

Un statut fragile

Le fait de ne pas avoir de CDI peut être un obstacle pour de nombreuses maquilleuses. Cela rend par exemple les recherches de logement difficile. Je suis rémunérée selon un taux journalier. J’ai réussi à gagner complètement ma vie, de façon régulière, au bout d’un an. Mais cela peut prendre plusieurs années, le temps de se faire un bon réseau.

Conseils aux esthéticiennes

Le maquillage de cinéma est un métier très différent de l’esthétique. C’est un réapprentissage total des techniques de maquillage acquises en école d’esthétique. Être maquilleuse dans le cinéma est un vrai choix de vie, outre le choix du métier. La motivation est primordiale. Toutefois, il faut que vous soyez avertie des contraintes inhérentes à l’exercice de cette profession. Ne soyez pas découragée dès le début si vous n’y arrivez pas. C’est l’opportunité qui crée la différence. Je conseille de toujours passer par l’esthétique avant de suivre des formations complémentaires en maquillage.

Beaucoup veulent se lancer sans avoir de vrais bagages, ce que permettent des études d’esthétique. Je le vois en tournage, les maquilleurs qui n’ont pas suivi d’études en esthétique ne travaillent pas de la même façon que les autres. Avoir suivi des études d’esthétique m’a apporté des connaissances en soin qui me sont utiles en amont et pendant un tournage grâce aux protocoles de massage, de démaquillage et de conseils. Enfin, pour travailler pour le cinéma, il faut avoir une certaine culture du cinéma. Je conseille de réaliser des stages dans le domaine avant de se lancer. Certaines sociétés de production sont en mesure d’embaucher des stagiaires avec convention.