DOSSIER TECHNOLOGIE - MÉDICAL ET ESTHÉTIQUE : comment entrer dans la course face aux évolutions du métier ?
Christina FERNANDEZ, Georges SAFRAOUI et Florence RODDE.
LA TECHNICISATION DU MÉTIER
Georges Safraoui
Nous allons débuter par un constat : le métier d’esthéticienne a énormément évolué avec une technicisation du métier. Cette évolution a lieu dans un cadre réglementaire particulier. Nous constatons depuis plusieurs années une évolution permanente de tout ce qui est technologie, notamment la technologie issue du médical qu’on va amener à l’esthétique. C’est vrai que la frontière est très maigre. La question est de savoir comment la profession peut appréhender ce virage, tout en restant dans un cadre réglementaire.
COMPRENDRE LE CADRE RÉGLEMENTAIRE
La réglementation applicable aux soins esthétiques
Florence Rodde
On se rend compte que dans le secteur de l’esthétique, il y a de plus en plus d’appareils high tech qui sont proposés aux esthéticiennes avec une frontière très mince entre les différents champs de compétence, que ce soit l’épilation, la minceur ou l’anti-âge. Les champs de compétences se rejoignent.
Et la question à vous poser est : «Ai-je le droit de pratiquer avec cet appareil ?».
Au niveau de la réglementation, il n’y a pas de liste réglementaire qui détermine ce qui est autorisé dans un institut. Les technologies ont énormément évolué, mais par contre le législateur n’a pas suivi cette évolution des pratiques, elles sont peu ou pas réglementées. La définition du soin esthétique n’est pas claire. C’est l’amélioration de l’état de la peau mais il n’y a pas de définition réglementaire figée. Il y a même un flou juridique concernant certaines pratiques encadrées pour les esthéticiennes. Ainsi, quand elles s’apprêtent à investir dans un nouvel appareil, elles sont obligées à chaque fois de poser la question : «Ai-je le droit de pratiquer avec cet appareil ?».
Ce que dit la loi
La loi dispose que pour pratiquer un soin esthétique, il faut avoir le CAP. Je vous invite à vous rendre sur le site Internet de la DGCCRF qui donne une définition de tout ce qui est soin esthétique. Mais on reste vraiment sur la définition de l’esthétique telle qu’elle était pratiquée dans les années 90 et 2000 avec très peu de références sur les nouvelles technologies. Face à cette absence de textes juridiques et réglementaires, nous avons malgré tout une jurisprudence assez foisonnante pour distinguer tout ce qui est l’acte médical de l’acte esthétique, basée sur deux critères fondamentaux :
- la finalité de l’acte, c’est le premier critère décisif. Est-ce qu’il y a une finalité thérapeutique ou une finalité purement esthétique ? Est-ce que c’est pour soigner de l’acné ? Est-ce que c’est pour soigner une varice ? Est-ce que c’est pour guérir une maladie ? Ou est-ce que c’est purement esthétique, diminution des rides, amincissement, etc.,
- le deuxième critère concerne tout ce qui n’est pas invasif. Il ne doit pas y avoir de téguments.
ACTUALITÉS DES TECHNOLOGIES : LA CRYO
Christina Fernandez
La cryo est une technologie de remodelage, d’amincissement par le froid. Est-ce que vous avez le droit ? Est-ce que vous n’avez pas le droit ? La frontière est mince. Mais il y a quand même une frontière à ne pas dépasser entre l’esthétique et la médecine.
Florence Rodde
La cryo est un sujet où il y a quelques contentieux. L’administration a réussi à trancher, c’est écrit noir sur blanc sur le site de la DGCCRF : la cryo est autorisée aux esthéticiennes. Nous vous conseillons quand même d’utiliser le terme «cryo esthétique» pour éviter toute ambiguïté. Et il y a certains critères énumérés par l’administration : il faut que la cryo soit à corps partiel, c’est-à-dire pas les types de machines qui sont utilisées notamment par les kinés.
Christina Fernandez
Dans ce cas, c’est vraiment de la récupération musculaire, cela s’adresse à des médecins. Les esthéticiennes sont sur de l’amincissement sur une zone bien précise.
Florence Rodde
Concernant la température, vous ne devez pas descendre en dessous de – 5°, justement pour qu’il n’y ait pas cette destruction des téguments. À partir du moment où il y a destruction des cellules, on entre dans le cadre médical. Et il y a une jurisprudence assez récente. En 2023, la Cour de Cassation avait bien reprécisé ces critères. Des esthéticiennes ont été condamnées au pénal parce qu’elles utilisaient des appareils dont la température descendait bien en dessous de -5°. Il y avait eu de gros effets indésirables sur les clientes.
ACTUALITÉ DES TECHNOLOGIES : HIFU
Christina Rodriguez
La technologie HIFU est très en vogue actuellement. Ce sont des ultrasons focalisés. Il y a plusieurs pièces à main qui permettent de travailler à différents niveaux :
- en surface pour travailler plutôt sur une stimulation du collagène ou de l’élastine,
- ou plutôt en profondeur pour traiter les amas graisseux. Idem, la frontière est mince.
ACTUALITÉS DES TECHNOLOGIES : LES ULTRASONS FOCALISÉS
Florence Rodde
Il s’agit d’une pratique pour laquelle il n’y a pas d’interdiction réglementaire. Le législateur avait pensé l’interdire dans un décret de 2011 mais cet article a été annulé par un arrêt du Conseil d’État de février 2012 parce que justement la Haute Autorité de Santé avait étudié tout ce qui concernait les actes à visée de lipolyse et avait considéré que cette pratique avec des agents externes ne représentait pas de danger pour la sécurité et la santé humaines. Donc il n’y avait pas de fondement juridique et de contre-indications à avoir dans la santé publique pour interdire ce type de pratique. Nous avons eu un rapport de l’enquête d’octobre 2016 qui précise justement qu’à l’heure actuelle il n’y a aucun texte qui interdit les pratiques des ultrasons focalisés en institut.
Georges Safraoui
À partir du moment où il y a un traitement à visée esthétique et qu’il n’est pas dangereux, il est autorisé. Le gouvernement, l’État, le ministère de la Santé, s’ils considèrent qu’un traitement est dangereux, ils vont l’interdire. Tout ce qui est invasif est dangereux, tout ce qui est biopsies, ponctions, liposuccions, etc., c’est dangereux, ce n’est pas de l’esthétique. Mais il y a des traitements qui peuvent être dangereux sans être invasifs comme la cryo, les lasers ou l’IPL.
ACTUALITÉS DES TECHNOLOGIES : LES ULTRAVIOLETS
Les ultraviolets sont dangereux. Si on envoie une dose trop importante d’ultraviolets sur la cellule, on casse les liaisons hydrogène qui constituent l’ADN et on risque d’avoir des lésions cancéreuses, des mélanomes. En résumé, les lasers et les IPL utilisés par les esthéticiennes ne sont pas dangereux. Les ultraviolets, même à petites doses, sont dangereux. Alors, pour prendre une image : la lumière, c’est comme des gouttes de pluie. D’un côté, il y a la pluie qui tombe, et de l’autre, ce sont de gros grélons. Imaginez des pare-brises de voiture, s’il y a de gros grélons qui tombent dessus, ils vont les casser. Par contre, la pluie ne va pas les casser. La lumière utilisée dans les lasers et les IPL n’est pas dangereuse.
APPRÉHENDER LE CHANGEMENT
Est-ce que pour autant il y a zéro danger ? Non, il peut y avoir un danger de brûlure. Reprenons l’image de la pluie, la lumière visible, c’est comme de la pluie, mais il peut y avoir des inondations qui risquent d’emporter les voitures. La pluie peut entraîner des dégâts, même si ce ne sont pas des grélons.
Les brûlures avec les lasers ou les IPL
Vous pouvez provoquer des brûlures si vous faites un mauvais choix de configuration de machine, si vous mettez trop de puissance et trop d’énergie, si vous ne respectez pas les consignes de sécurité. Par exemple, si une cliente a été récemment au soleil, il faut attendre au moins 4 à 5 semaines avant de la traiter sinon vous brûlerez sa peau. Ce sont des conditions qu’il faut respecter. Si vous ne voulez pas brûler la peau, respectez les consignes.
La protection oculaire
Les lasers envoient une lumière qui reste concentrée, on dit qu’elle est colmatée. La lumière ne diverge pas. La législation est très sévère de ce côté-là, elle vous oblige, si vous utilisez un laser, à mettre des lunettes qui respectent la norme française. Vous devez mettre des coquilles sur les yeux de votre cliente et fermer votre cabine pour que personne n’entre à l’improviste. Si vous respectez ces règles-là, vous ne brûlerez jamais les yeux.
Le choix des longueurs d’ondes
Quand vous achetez un laser, la question que vous allez vous poser est «Quelle longueur d’ondes vais-je choisir ?» puisque chaque laser a une longueur d’ondes de 810, 910 nanomètres classe 1064. Les médecins esthétiques prennent de l’Alexandrite 750 nanomètres pour les phototypes clairs et du 1064 pour les phototypes foncés. Les courbes d’absorption ne sont pas du tout les mêmes pour les phototypes I à VI. Un phototype VI est une peau qui a énormément de mélanine et qui va absorber la lumière beaucoup plus qu’un phototype I. Donc, pour les phototypes I, des longueurs d’ondes de 750 nanomètres sont très bien, et pour les phototypes VI, vous avez du 1064. Si vous voulez enlever les poils des phototypes II par exemple, le 810 nanomètres est parfaitement adapté. Et si vous voulez faire du phototype IV, c’est du 950. Malheureusement, il n’y a pas une longueur d’ondes qui fait tout. Si vous voulez faire des phototypes I à IV, vous trouverez quelques fabricants qui ont des pièces à main ou un mélange de 810 nanomètres ou 940 et vous pourrez faire des phototypes I à V avec les pièces à main, c’est extrêmement intéressant pour vous.
CHOISIR UN BON LASER
Si vous voulez choisir un bon laser, voici quelques conseils :
- il faut que le spot de votre réserve soit homogène. S’il n’est pas homogène, vous serez obligée de travailler en mode balayage, mais celui-ci n’a pas réellement convaincu tous les spécialistes. Donc le meilleur mode d’épilation des poils, c’est le mode monapulsion. Grâce à ce flash d’impulsion, vous tuez le poil,
- pour traiter les poils fins, il faut des pièces à main puissantes.
Quand vous achetez votre appareil, il est forcément muni d’un CE médical, ça veut dire qu’il aura subi toutes les certifications. C’est le rôle du fabricant d’avoir du matériel conforme. Mais, vous, de votre côte, vous avez une obligation, c’est une obligation réglementaire du règlement 2017/745, qui vous oblige, en cas d’incident, à faire une déclaration auprès du fabricant ou auprès de l’ANSM l (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) pour tout incident grave. Vous êtes autorisée à faire du laser, mais il y a une contrepartie.
Les formations
Il faut faire des formations sérieuses pour utiliser les lasers, devenir vraiment une experte et travailler en toute sécurité.