Votre cliente est-elle allergique aux cosmétiques ?
Qu'est-ce qu'une allergie ?
Il s’agit d’une réaction parfois spectaculaire de l’organisme face à une substance présente dans un produit cosmétique ou encore à l’un des composants de cette même substance, ce qui explique pourquoi il est parfois compliqué d’en déterminer la cause. L’une des particularités de la réaction allergique est l’implication du système immunitaire. C’est lui en effet qui va se mettre en ordre de bataille pour rejeter ce qu’il considère comme un «intrus». Au niveau de la peau, cela se manifeste par des rougeurs, des démangeaisons, parfois des petits boutons indurés ou une zone de desquamation. Mais il faut savoir que cette réaction n’apparaît généralement pas dès le premier contact avec la substance allergène. L’organisme passe d’abord par une phase dite de sensibilisation pendant laquelle le système immunitaire reconnaît l’allergène et se prépare à le combattre s’il se présente à nouveau. Au niveau cutané, il ne se passe généralement pas grand-chose pendant cette première phase. C’est ensuite, après parfois plusieurs expositions à la substance sensibilisante que va se manifester la réaction à proprement parler. Dans ce cas, elle peut être soudaine et violente et suscite souvent l’incompréhension de la part des patients car l’application de ce même produit ne posait aucun problème auparavant.
Pourquoi y a-t-il plus d'allergies aujourd'hui ?
Il faut d’abord rappeler que les allergies aux cosmétiques restent fort heureusement peu fréquentes. Il existe encore peu d’études françaises sur la question mais les dermatologues considèrent que ce phénomène touche moins de 1% de la population. Cette évaluation est toutefois basée sur la patientèle qui consulte pour ce problème, elle ne tient pas compte de toutes les personnes qui traitent le problème de manière empirique, notamment en pratiquant l’éviction de certains produits. Cette catégorie de personnes est ensuite très méfiante vis-à-vis des produits de beauté car elle n’a pas pu déterminer la cause précise de sa réaction cutanée.
Plus de produits, plus de risques
Ce qui a changé ces dernières années et peut expliquer cette augmentation des risques d’allergie, c’est le nombre de produits d’hygiène qui sont utilisés au quotidien et ce depuis le plus jeune âge. Entre les gels douche, crèmes corporelles, lotions, dentifrices, produits capillaires, sans oublier les formules cosmétiques de plus en plus élaborées, on compte plus d’une dizaine d’applications chaque jour pour un adulte, ce qui multiplie d’autant les risques de réactions. Car même si la législation en matière de cosmétiques est devenue bien plus stricte avec une liste précise des substances interdites ou qui présentent un potentiel allergénique ainsi qu’une obligation pour les laboratoires d’inscrire la liste des composants, il est quasiment impossible d’éliminer totalement le risque d’être confronté à un allergène.
Les cosmétiques ne sont pas forcément les coupables
En matière d’allergie de contact (celle qui se manifeste lorsque la peau entre en contact avec un allergène), les femmes ont tendance à incriminer les cosmétiques mais parfois à tort car les substances qui en sont responsables sont également présentes dans de nombreux produits du quotidien comme les produits d’entretien que l’on manipule trop souvent sans précaution. En réalité, nous sommes tous exposés dans la vie moderne à une grande quantité de substances qui peuvent déclencher des allergies. Elles sont aussi bien dans l’air, dans l’eau, que dans l’alimentation ou les produits industriels.
Existe-t-il un profil type de peau allergique ?
Une peau fragilisée dès l’enfance
Il est toujours difficile de définir un profil type car la réaction allergique liée au système immunitaire est imprévisible et difficilement contrôlable. Toutefois, on peut considérer que les individus qui ont eu dans l’enfance des problèmes d’eczéma, de dermatite ou d’asthme, qui ne supportent pas les bijoux fantaisie à base de nickel, qui ont la peau qui gratte au contact direct d’un pull en laine, ont plus de risques d’être sujets à des réactions cutanées de type allergique.
Les peaux fines à tendance sèche
Les dermatologues sont également confrontés à un autre type de peau qui peut poser problème : les peaux fines ou à tendance sèche dont la barrière cutanée est déjà naturelle-ment fragilisée. Dans ce cas, la pénétration des composants cosmétiques se fait plus rapidement et sans filtre, multipliant de fait les risques d’irritations et d’allergies.
Allergie et eczéma vont-ils forcément ensemble ?
Dans un certain sens, oui, car les modifications cutanées qui apparaissent lors d’un contact avec une substance allergénique (le cas classique étant l’oreille qui gonfle et s’infecte au contact d’une boucle d’oreille à base de nickel) est appelé eczéma de contact. Mais celui-ci n’a rien à voir avec l’eczéma atopique d’origine héréditaire, qui est dû à une hypersensibilité à l’environnement et souvent associé à un terrain asthmatique. Ce type d’eczéma se développe sur les peaux à tendance atopique qui présentent un microbiote moins efficace que celui d’une peau normale et un déficit naturel en lipides. Moins protégée, elle est sèche, inconfortable et plus sensible aux agressions en tout genre, allergènes compris. En conclusion, une peau normale peut souffrir d’eczéma de contact mais ne deviendra pas pour autant une peau atopique et eczémateuse.
Comment savoir à quoi on est allergique ?
En allergologie, on dispose d’un système appelé «patch-test» qui consiste à appliquer dans le dos de petites quantités des principaux allergènes connus que l’on isole ensuite sous un patch imperméable pendant plusieurs jours. Le médecin fait alors la lecture de ces tests en vérifiant si une ou plusieurs substances ont provoqué une réaction cutanée. Une fois identifiés, ces allergènes devront être éliminés de la consommation habituelle. En cosmétique, il existe une liste officielle des composants allergéniques connus et pour les consommateurs, l’identification de ces composants est simplifiée grâce à la liste INCI des composants qui figure désormais sur les emballages.
Y a-t-il des produits sûrs à 100% ?
Malgré la législation qui est aujourd’hui beaucoup plus stricte et informative en cosmétique, le risque d’avoir une réaction allergique à un produit n’est jamais totalement écarté. C’est la raison pour laquelle la mention «hypoallergénique» (c’est-à-dire spécialement formulé pour minimiser les réactions allergiques) a été supprimée sur de nombreux produits car elle ne garantit pas suffisamment leur innocuité. Désormais, pour conserver cette mention, il faut que la tolérance de tous les ingrédients et pas seulement ceux présents dans la liste des allergènes, soit testée et prouvée. Le risque est alors minime même si le risque zéro n’existe pas.
Comment tester la tolérence à un produit ?
En dehors du patch test réalisé par un allergologue qui peut sembler fastidieux, il est possible de conseiller aux clientes un peu méfiantes ou déjà échaudées par de mauvaises expériences, de tester elles-mêmes leur tolérance à un produit avec la méthode du ROAT Test (Repeated Open Application Test). Utilisée en cosmétologie avant la mise sur le marché de nouveaux produits, elle est simple à mettre en œuvre et a fait ses preuves. Il suffit d’appliquer une petite quantité de crème ou de sérum au niveau de la pliure du coude (là où la peau est fine et plus perméable) et de plier le bras pendant dix à quinze minutes. Si aucun signe d’irritation n’apparaît, demandez à votre cliente de prolonger l’expérience à domicile pendant au moins une semaine à raison d’une application quotidienne. Sans réaction cutanée ou bout de ce délai, il y a de fortes chances que sa tolérance au produit soit bonne. Les doses échantillons fournies par les marques sont parfaites pour ce test et cette démarche crée sans aucun doute une relation de confiance avec votre cliente.
Que dire à une cliente qui pense être allergique aux produits de beauté ?
Tout d’abord que l’on n’est jamais allergique à un produit fini mais uniquement à l’un de ses composants. Il existe d’ailleurs une liste des principaux allergènes cosmétiques (qui passe de 27 à 56 ingrédients en 2023) et lorsqu’ils sont présents dans un produit, ils sont indiqués à la fin de la liste des composants et bien identifiables. Les vrais allergiques savent généralement à quoi ils réagissent et peuvent donc éviter facilement les produits qui renferment ces substances. Si vous êtes confrontée à une cliente qui a vécu une mauvaise expérience, vous ne pouvez évidemment pas formuler un diagnostic. En revanche, vous pouvez lui proposer de réaliser le ROAT afin d’écarter certais risques et lui donner en plus ces informations susceptibles de lui éviter des désagréments ultérieurs :
- Une grande partie des réactions cutanées sont dûes à des substances parfumées. La première précaution face à une peau réactive est donc d’orienter votre cliente vers des formules sans ajout de parfum et dont l’odeur est essentiellement liée à ses composants.
- Face à une peau visiblement fragilisée, commencez par vérifier la routine beauté quotidienne. Les femmes qui décapent leur peau avec des produits mal adaptés et trop agressifs, sous prétexte d’affiner le grain de peau ou d’éliminer les imperfections, sont plus nombreuses qu’on ne le croit. Et ce sont ces mauvaises habitudes qui favorisent la réactivité cutanée et multiplient les risques de voir apparaître de véritables allergies.
- Une erreur fréquente est de croire que les produits naturels ou disposant du label bio mettent à l’abri de toute réaction allergique ou d’irritation. Or, même s’ils sont de grande qualité, certains composants naturels comme les huiles essentielles ou encore des conservateurs employés en cosmétique bio, peuvent avoir une action allergisante, d’où l’intérêt, lorsque l’on a un terrain allergique, de réaliser des tests chez un allergologue.
- Plus une formule est sophistiquée, plus elle est complexe sur le plan chimique et, par conséquent, plus les risques sont élevés de tomber sur un composant allergénique. En cas de doute face à une cliente qui déclare mal supporter les cosmétiques, le meilleur conseil est de proposer des formules simples élaborées avec un minimum de composants actifs. De la même façon, il vaut mieux éviter la superposition de produits, en tout cas dans un premier temps. Avancez pas à pas, avec d’abord un seul produit de la gamme afin d’en vérifier la tolérance, puis complétez progressivement son ordonnance beauté.