Le jeûne est-il la clé de la jeunesse ?

Éléments de réponses avec le Docteur Sarah Longé, médecin généraliste, gériatre, formée en micronutrition anti-âge, sport-santé, et Audrey Daussy, fondatrice du centre de jeûne bien-être en thalassothérapie Vitalitem. 

Nous avons deux âges...

L'âge chronologique est l'âge qui nous a été attribué à notre naissance. Cet âge ne prend pas en compte les paramètres en lien avec notre mode de vie comme l'explique le Docteur Sarah Longé : «Une personne de 40 ans qui a vécu la guerre ne subit pas les mêmes conséquences sur son corps qu'une personne du même âge qui vit sans contraintes et sans stress». 

L'âge chromosomique ou télomérique est un âge biolo­gique qui se précise avec une prise de sang, qui permet de doser précisément la longueur des télomères. «C'est Elizabeth Blackburn, biologiste, prix Nobel de médecine en 2009, qui a découvert les télomères et leur fonction. Les télomères sont des petites capsules protectrices de l'extrémité des chromosomes et qui refléteraient le vieillissement. En effet, si les télomères se raccourcissent, c'est que l'on est en train de vieillir. À l'inverse, plus les télomères sont longs, plus on est jeune et/ou en bonne santé. L'intérêt de faire ce dosage permet de préciser quel est l'âge chromosomique de la personne en fonction de son âge chronologique. La bonne nouvelle est que l'on peut agir sur les télomères en les rallongeant» explique la spécialiste.

Le jeûne en pratique

Il existe différents types de jeûne :

• Le jeûne intermittent consiste à sauter chaque jour un repas, soit le petit-déjeuner, soit le dîner, afin d'obtenir un jeûne très variable. Ainsi, entre 12 heures et 16 heures, le tube digestif est mis au repos. «C'est un jeûne qui est très intéressant, notamment chez les patients présentant une insulino-résistance (état prédiabétique) ou un syndrome métabolique en rapport avec un surpoids. Il permet de mettre le pancréas au repos et donc d'aider à l'amaigrissement et d'augmenter la sensibilité de l'insuline.»

• La restriction calorique fonctionne en diminuant soit globalement la ration calorique des apports chaque jour, soit en la diminuant, par exemple, sur une journée par semaine. Le risque étant d'être carencé en certains nutriments, il faut donc pouvoir se faire encadrer par un nutritionniste pour mettre en place cette méthode.

«Tout ceci repose sur des études qui ont été réalisées en laboratoires sur des souris. On mettait en place des jeûnes intermittents ou des restrictions caloriques. On s'est aperçu que ces souris vivaient plus longtemps que celles qui ont eu une alimentation normale. On s'est également rendu compte que les souris souffrant de pathologies métaboliques comme le surpoids et le diabète pouvaient guérir ou avoir une espérance de vie meilleure lorsque l'on mettait en place un jeûne intermittent ou une restriction calorique. Ceci a égale­ment fait l'objet d'un prix Nobel de médecine en 2016, il s'agit de !'autophagie. Jeûner permettrait de stimuler les cellules qui nettoient l'organisme, ce qui éliminerait par exemple certaines cellules cancéreuses» détaille la spécialiste en médecine anti-âge. Pour résumer, les souris à qui l'on impose des jeûnes intermittents ou de la restriction calorique ont moins de problème de santé, moins de pathologies entraînant un vieillissement prématuré. 

• Le dernier type de jeûne peut se mettre en place sur plusieurs jours, jusqu'à sept jours. C'est un jeûne qui doit, selon le docteur, être médicalisé. «Si on ne boit pas, si on ne s'apporte pas de minéraux, il y a un risque mortel. Il ne faut jamais arrêter de boire. Un organisme peut vivre sans manger mais ne peut pas vivre sans boire. Ce type de jeûne comporte des contre-indications médicales.» 

La préparation

On ne se lance pas dans la pratique d'un quelconque jeûne sans un avis médical, comme l'explique le Docteur Longé : «Sur un jeûne qui dure une semaine, il y a une phase de préparation à mettre en place. On va progressivement supprimer certains aliments jusqu'à arriver au jeûne. La remontée est aussi essentielle, on réintroduit les aliments progressive­ment». 

Le jeûne et ses actions sur la santé 

Avoir une action sur l'amélioration de la santé provoque un allongement des télomères, c'est un reflet d'une plus grande longévité. Plusieurs fréquences de jeûne peuvent être intéressantes d'après le médecin : «On remarque, sur les souris, qu'il y a un intérêt à mettre en place soit une restriction calorique ou un jeûne intermittent, une journée par semaine. Ceci peut convenir aux personnes souhaitant manger normalement la semaine par exemple. Il y a dans ce cas une action sur la santé». 

La nécessité d'agir de façon globale

Les bienfaits du jeûne sur le bon fonctionnement de l'orga­nisme semblent donc être avérés. Mais selon la spécialiste : «Ce n'est pas le jeûne à proprement dit qui a une action sur les télomères. On ne va pas rallonger les télomères en mettant en place uniquement le jeûne. C'est toute une hygiène de vie qui est à modifier. Le jeûne permet de mieux gérer certaines pathologies comme le surpoids, étant donné que le surpoids est corrigé, on va pouvoir rallonger les télomères. Beaucoup d'autres axes peuvent être intéressants à exploiter comme la méditation, la cohérence cardiaque, une alimentation équilibrée, une activité physique régu­lière, une bonne gestion du sommeil, du stress... Le jeûne est un outil parmi d'autres. Ce sont des éléments qui peuvent être abordés dans le cadre de la médecine préventive». 

La cure de jeûne avec Vitalitem

Passionnée par la santé et convaincue des bienfaits du jeûne sur le corps, Audrey Daussy a créé le centre de jeûne bien-être en thalassothérapie Vitalitem en 2016 au centre de thalasso Les Flamants Rose à Canet en Roussillon. Pour ce faire, elle s'est formée à l'Institut National de Naturopathie de Paris. Le but était de proposer une approche différente aux jeûneurs : le jeûne et les soins de bien-être. «Au-delà du repos digestif que l'on s'accorde dans le cadre du jeûne, le mental et l'émotionnel sont également remis à zéro. Nous proposons le jeûne issu de la méthode Buchïnger dont la particularité est d'avoir un petit apport de nutriments avec vitamines et minéraux. Ce qui est bien plus doux qu'un jeûne à l'eau uniquement. Cette méthode a été inventée il y a plus de 80 ans par le Dr Otto Buchïnger, en Allemagne. Avant leur séjour, nous faisons compléter à nos futurs curistes un questionnaire sur leur vitalité afin d'adap­ter au mieux leur cure. Concernant la prise des boissons, le matin, les jeûneurs ont un jus de légumes préparé à l'extracteur, le midi ils ont accès à des tisanes et des eaux aromatisées, le soir, leur est proposé un bouillon de légumes clair et bien sûr, une petite cuillérée de miel en cas de besoin.» 

Un intérêt grandissant pour le jeûne

Accompagnatrice de jeûne et randonnée, elle organise des sessions de jeûne sur une semaine ou plus, 35 semaines par an en moyenne. «L'intérêt est grandissant, les personnes souhaitent vieillir le mieux possible. La diffusion de nombreux films et reportages permet de faire connaître le jeûne à un plus large public. Les raisons pour lesquelles on vient jeûner sont plurielles. La plupart des personnes viennent pour préserver leur état de santé et rester en bonne santé le plus long­temps possible. La recherche de l'anti-âge n'est pas le but premier mais cela va de concert avec les bénéfices apportés par le jeûne.» 

Rallonger son âge biologique grâce au jeûne

Pour Audrey Daussy, le jeûne a de réels béné­fices sur le vieillissement de notre corps : «On dit que le jeûne est «une chirurgie sans bistou­ri». L'organisme se nourrit de ses propres cellules, ce qu'on appelle !'au­tophagie. C'est un mécanisme d'autodigestion de la cellule. C'est un nettoyage qui est sélectif puisqu'il s'effectue sur les excès de graisses, les cellules malades ou endommagées, les tissus inutiles ou endom­magés. Cela induit un rajeunissement cellulaire et cutané. Des études scientifiques ont clairement démontré que les périodes de jeûne qui provoquent !'autophagie, peuvent rallonger de manière significative l'âge biologique. Cela est également vrai pour le jeûne intermittent. Notre corps est plus apte à faire face au manque qu'au trop-plein... Ces bénéfices sont appréciables dès le premier jeûne. Ensuite, pour maintenir les bienfaits, il faut idéalement le pratiquer une fois par an et conserver de meilleures habitudes d'hygiène de vie entre ces périodes de jeûne».