L'incontinence urinaire, osez en parler !

Il ne faut pas confondre fuites urinaires et envies pressantes. Pour les urologues, «l’impériosité» est un besoin irrépressible mais pas forcément fréquent, alors que la «pollakiurie» désigne qu’on passe toutes les heures, voire plus, par la case toilettes mais pas forcément dans l’urgence.

Deux troubles bien désagréables qui s’accompagnent souvent de pertes d’urines et qui concernent 2 millions de femmes dont 500 000 de manière importante.

Une histoire d'anatomie 

Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées que les hommes ? Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées que les hommes ?

Chez elles, le plancher pelvien qui maintient l’appareil urinaire en place est traversé par le vagin, ce qui amoindrit sa résistance. D’autre part, leur vessie est située géo- graphiquement dans le bas du bassin, d’où une pression plus importante qui s’exerce sur sa paroi supérieure.

Enfin, l’urètre (le petit conduit qui achemine l’urine vers l’extérieur) est cinq fois plus court que celui des hommes (entre 3 et 4 cm contre 12 cm environ !). On comprend mieux pourquoi les femmes sont sujettes aux fuites !

Les responsables 

Il n’y a pas un responsable mais des responsables ! Le système urinaire féminin étant très complexe, les fac- teurs en cause sont souvent multiples. Parmi eux :

L’accouchement

C’est le facteur déclenchant. Ou plus exactement, c’est pendant la grossesse que tout commence. Ainsi, durant les neuf mois, au poids du bébé qui pèse de plus en plus lourd en comprimant la vessie, s’ajoutent des modifica- tions hormonales responsables de débordements incontrôlés.

Juste après l’accouchement, la majorité des jeunes mamans souffrent de pertes d’urines involontaires durant les six mois qui suivent l’accouchement et certaines d’entre elles les garderont si elles ne suivent pas une rééducation juste après la maternité.

De même que le nombre de grossesses, la prise de poids, les gros bébés, le temps de travail prolongé, l’accouchement par les voies naturelles, l’utilisation de forceps ou la déchirure périnéale sont autant de facteurs qui traumatisent et distendent les muscles périnéaux.

Conséquence, la vessie tend à s’affaisser et les pressions abdominales qui s’exerçaient sur l’urètre pour contenir les urines se mettent à appuyer directement sur la vessie.

Il faut donc avertir vos clientes que la rééducation devrait commencer dès la première maternité car si les séquelles ne sont pas immédiates, c’est souvent en se combinant à d’autres causes que les troubles se révèlent.

Si vous avez des futures mamans parmi vos clientes, surtout, informez-les et incitez-les à demander à être suivies par des séances de rééducation du périnée. Si toutes les femmes passaient par là, on réduirait considérablement la probabilité d’une incontinence à la ménopause.

L’effort

Suite au premier accouchement, une femme sur trois souffre de fuites légères au cours d’efforts comme courir, faire de la gym, du tennis, ou encore monter les escaliers, porter une charge lourde et même rire ou tousser.

Ces actes banaux deviennent prétexte aux fuites car en créant une poussée abdominale, ils augmentent la pression de la vessie, laquelle devient plus forte que la retenue exercée par l’urètre et son sphincter (le muscle qui enserre l’urètre s’ouvre pour laisser couler l’urine et se ferme pour la retenir).

Les hormones

L’influence des hormones tient un rôle important. Ainsi, les variations hormonales au cours du cycle menstruel peuvent occasionner, d’une femme à l’autre, des envies plus fréquentes d’uriner. Cela se passe généralement juste avant ou pendant la période des règles, mais aussi au moment de l’ovulation.

Autre événement hormonal important : la ménopause. À cette période, surviennent à la fois un vieillissement des tissus provoquant un relâchement des fibres musculaires, des sphincters et du périnée, auquel s’ajoute une carence en œstrogènes qui se traduit par une perte de résistance et d’élasticité des muscles.

Les organes urinaires sont touchés, la vessie perd sa souplesse et son élasticité. Résultat, elle se vide moins bien. À cela s’ajoute une déficience musculaire au niveau des muscles de soutien de la vessie qui modifie la pression. De même que la tonicité du sphincter diminue, d’où un affaissement des mécanismes de rétention.

Une vessie hypertonique

En règle générale, le contenu de la vessie doit dépasser un certain seuil (entre 150 et 200 ml selon les femmes) pour provoquer l’envie. À partir d’un certain volume, les récepteurs neurologiques, sensibles à la pression, envoient au cerveau un message qui provoque l’envie d’uriner.

Mais, en cas de vessie hypertonique, elle se contracte alors que le remplissage n’atteint que 50 ou 100 ml et le besoin se fait sentir avant l’heure ! Ce problème atteint principalement les grandes nerveuses, les pressées et les actives.

Chez certaines femmes, l’urgence urinaire se manifeste uniquement dans les moments d’émotion intense : une grosse frayeur, le stress ou le trac. Elle peut aussi être déclenchée par des brusques changements de température, notamment au contact de l’eau d’une piscine, lors d’une baignade en mer ou même en faisant la vaisselle !

Enfin, elle peut être due à un réflexe conditionné. Il suffit de passer devant les toilettes, ou au moment où votre cliente entre chez elle, par exemple, pour avoir envie. Les Américains appellent ça «le syndrome de la porte du garage !»

Certains problèmes de santé

Des antécédents médicaux-chirurgicaux sont aussi importants. Une femme à qui on a retiré l’utérus, que l’on a traitée pour un prolapsus, a un risque plus élevé de souffrir d’incontinence urinaire.

De même que celle qui a eu de nombreuses cystites, celle qui a eu des bronchites à répétition ou qui tousse de façon chronique. Car les efforts répétés finiraient par affaiblir la périnée.

Les autres facteurs

C’est bien connu, les femmes sont sujettes aux ballonnements et à la constipation. Deux phénomènes qui pèsent lourd dans la balance sur le fonctionnement de notre système urinaire car en appuyant sur la vessie la pression devient trop importante.

Autres facteurs, les boissons comme le thé, le café, le coca qui sont aussi des excitants de la paroi vésicale.

Même chose avec les diurétiques comme le vin blanc, le champagne, ou les diurétiques sous forme médicamenteuse, mais aussi les médicaments de la famille des anti-hypertenseurs et myorelaxants qui ont pour effet de décontracter les fibres du sphincter.

Les régimes yoyo, eux aussi, peuvent provoquer ce type de désagrément en phase «maigre» car la surcharge pondérale n’est plus là pour soutenir la vessie.

Enfin, le facteur d’ordre psychologique joue aussi. Ainsi, l’envie peut être déclenchée par la seule appréhension et se transformer en véritable psychose, à tel point que l’on redouble de précautions, allant aux toilettes plutôt deux fois qu’une, par peur de se trouver devant le fait accompli.

Les différents types d'incontinence 

Hormis les incontinences aiguës dues à une cystite ou provoquées par une crise d’épilepsie, les spécialistes répertorient trois grandes variétés d’incontinence.

L’incontinence d’effort

Elle se manifeste uniquement pendant la journée au cours d’efforts aussi banals que courir, monter les escaliers, piquer un fou rire, éternuer, tousser, porter un enfant ou une charge lourde. De même, ces débordements surviennent sans que le besoin s’en soit fait sentir !

L’incontinence par instabilité vésicale 

L’urgence est alors si pressante que l’on ne peut pas se retenir. Pourtant la vessie se vide plus ou moins complètement. En réalité, la vessie se contracte de façon incontrôlable, et il faut alors trouver le «petit coin» dans la minute qui suit l’envie.

Ces mictions sont fréquentes dans la journée et les fuites surviennent aussi bien le jour que la nuit.

L’incontinence par distension vésicale

Elle s’installe par des envies d’uriner très fréquentes, alors que la miction ne soulage pas complètement. Par la suite, des fuites apparaissent la nuit, tout d’abord, puis le jour. C’est un problème de vessie qui se vide mal ou insuffisamment.

Il reste donc un résidu qui va augmenter progressivement avec le temps. À la longue, la vessie se distend, le muscle se contracte de façon incontrôlable et la vessie inerte laisse échapper l’urine en permanence dès qu’elle est pleine.

Oser consulter 

Dites à vos clientes qu’il ne faut surtout pas essayer de se soigner toutes seules. Ce problème d’envie ou de fuite à répétition trouve sa solution. Alors, osez aborder le sujet avec elles. Incitez-les à consulter leur généraliste, leur gynécologue ou un urologue.

Car, plus tôt on consulte, plus vite on guérit, alors qu’une incontinence installée depuis longtemps nécessite des moyens plus lourds.

Les investigations 

Pour soigner la cause, les femmes doivent se soumettre à une longue série d’épreuves. La première consiste à décrire avec précision les symptômes.

Ce sont eux qui vont orienter le diagnostic du praticien, de même que l’examen clinique va apporter d’autres éléments très importants (cicatrices du périnée, polype de l’urètre, tumeur bénigne, etc.).

Si nécessaire, un prélèvement urétral sera effectué pour éliminer toutes causes infectieuses. Si les investigations n’aboutissent pas, un bilan approfondi avec examen urodynamique sera prescrit.

Il consiste à mesurer les pressions et les débits, le tonus et la sensibilité de la vessie au moyen d’une sonde munie de capteurs qu’on introduit dans la vessie par l’urètre. Ce n’est pas douloureux mais pas très plaisant.

Les différents traitements 

On dispose aujourd’hui d’une batterie de solutions mais elles dépendront de la cause de l’incontinence, de l’importance de la gêne et de l’âge de la femme.

Les médicaments

Ceux de la famille des anticholinergiques ont pour but de stimuler ou de bloquer les récepteurs qui existent au niveau de la vessie, de l’urètre, du sphincter. Ils sont particulièrement efficaces en cas de spasmes désordonnés de la vessie.

Par contre, ils entraînent certains effets secondaires : sécheresse de la bouche, constipation, sans compter qu’ils présentent un certain nombre de contre-indications (glocome à angle fermé, incompatibilité avec certains anti-dépresseurs).

Lorsque la cause provient d’un problème hormonal à l’abord de la ménopause. Le traitement substitutif de la ménopause compense la perte de souplesse de l’urètre et de la vessie. Il peut être associé localement à des œstrogènes en crème, en gel ou en ovule, que l’on applique par voie vaginale.

Ils assurent, non seulement, une bonne imprégnation hormonale locale, mais en plus redonnent une certaine vigueur au sphincter tout en palliant la sécheresse des muqueuses.

Enfin, on s’est aperçu que certains médicaments contre le rhume régulaient les fuites, lorsqu’elles sont dues à une mauvaise contraction du sphincter, en augmentant artificiellement la pression de l’urètre. Mais, il s’agit là d’un détournement d’indication qui n’est pas sans risque, d’où l’intérêt d’être prescrit par le médecin, au cas par cas !

La chirurgie

En cas de fuites très invalidantes ou si l’impériosité persiste malgré un traitement médicamenteux adapté et la rééducation, la chirurgie est intéressante. En fonction du problème, elle va pouvoir remonter une vessie descendue, renforcer les supports de l’urètre ou du sphincter, recréer le coude de l’urètre avec le col de la vessie.

L’intervention peut être réalisée soit par les voies vaginales, soit par une discrète incision au-dessus du pubis ou encore sous colioscopie. elle se pratique sous anesthésie générale ou péridurale et nécessite trois à huit jours d’hospitalisation.

Des séances de rééducation sont souvent recommandées avant l’intervention pour tonifier le muscle et quelquefois après, en renforcement.

Enfin, quand la chirurgie est contre-indiquée, certains chirurgiens proposent l’injection de graisse autour de l’urètre pour renforcer son contrôle ou l’injection de collagène.

La kinésithérapie

C’est l’arme de choix ! Elle évite d’avoir recours aux traitements plus lourds -médicamenteux, chirurgical- si le problème est pris suffisamment tôt. Ces séances de rééducation sont maintenant courantes après l’accouchement et devraient se faire systématiquement dès la première maternité.

Elles permettent également de renforcer la musculation en cas d’insuffisance du sphincter, d’apprendre à contracter les muscles au bon moment en cas de fuites à l’effort et à décontracter la vessie en cas d’impétuosités.

Les méthodes employées dépendent bien sûr de la nature du problème. En général, elles combinent rééducation musculaire manuelle, électro-stimulation et biofeedback (écran qui permet de visualiser les contractions musculaires de l’appareil électrique).

Les résultats sont très encourageants, à condition d’y avoir recours dès les premiers symptômes et de faire appel à un kinésithérapeute formé à cette méthode.