Doit-on avoir peur des grains de beauté ?
Quelle est l’origine d’un grain de beauté ?
Qu’il soit plat, bombé, en tête d’épingle ou en large placard, sur une joue, de couleur beige clair ou marron foncé, ou encore carrément noir, en forme de dôme faisant une vraie saillie sur la peau, un grain de beauté est une anomalie des cellules dites næviques.
Ce «défaut de fabrication» remonte à la vie embryonnaire, quand nos cellules se mettaient en place, et particulièrement nos mélanocytes, les cellules qui fabriquent la mélanine, un pigment à l’origine du bronzage.
Au lieu de s’installer de façon homogène dans l’épiderme, certaines sont restées agglutinées dans le derme.
Cette prolifération de cellules mélanocytaires forme une sorte de petit nid brun, plus ou moins foncé, plus ou moins gros, qui peut être visible dès la naissance ou quelques années plus tard, selon le nombre et l’importance.
Sur une personne à la carnation très brune, à la peau mate et aux yeux noirs, il est tout à fait normal que les grains de beauté soient foncés car elle a beaucoup de pigments dans la peau.
S’il s’agit d’une blonde aux yeux bleus, il est parfaitement normal que ses grains de beauté soient pâles.
Un nouveau-né peut-il avoir des grains de beauté ?
Les grains de beauté existent à la naissance. C’est très rare, mais cela se peut. C’est ce qu’on appelle le nævus congénital. C’est généralement un grain de beauté assez gros et souvent héréditaire et bénin. Le grain de beauté géant peut couvrir toute une joue, une fesse, le dos entier. Il est dangereux car il a tendance à dégénérer. Donc à faire surveiller absolument.
Un grain de beauté qui saigne est-il forcément un cancer ?
Sûrement pas. On peut parfaitement s’écorcher un grain de beauté sans faire attention et qu’il se mette à saigner sans pour autant avoir un cancer. Mais si un grain de beauté saigne à la suite d’un simple frottement d’une chemise ou d’une fermeture de soutiengorge, etc., c’est un phénomène anormal. Devant une telle réaction, on peut soupçonner une tumeur maligne. Donc, si vous l’observez chez l’une de vos clientes, conseillez-lui de consulter un spécialiste sans plus tarder.
Qu’est-ce qui doit faire «tiquer» quand on observe un grain de beauté ?
Toute modification anormale doit retenir l’attention : un grain de beauté qui était plat et qui devient en relief, un grain de beauté qui était foncé qui devient plus clair, un grain de beauté qui s’étale, qui s’entoure de reflets bleutés ou rouges, qui devient blanc par endroits laissant souvent des zones décolorées, qui démange, qui devient plus gros ou irrégulier… N’importe quelle modification doit amener à une consultation chez le dermatologue. C’est une règle !
Dans 90 % des cas, le dermatologue dira que le grain de beauté n’a strictement rien du tout. Mais, en cas du moindre doute, il l’enlèvera. En toute logique, il vaut mieux retirer trop de grains de beauté que pas assez ! Une transformation hypothétique en cancer, appelé mélanone malin, se guérit très bien lorsqu’il est pris au début. Mais, si on laisse évoluer, là, ça peut se passer beaucoup plus mal ! Une de mes clientes avait un grain de beauté avec une petite tache blanche en son contour.
Il a totalement disparu. Est-ce inquiétant ?
Ce n’est pas inquiétant. Il s’agit du phénomène de Sutton, une régression du grain de beauté. Il s’apparente aux taches qu’on appelle vitiligo, des taches blanches qui se font autour du grain de beauté. Le vitiligo décolore la peau, c’est très invalidant moralement car on n’a pas encore trouvé de traitement pouvant totalement enrayer la maladie.
Dans ce cas précis, le vitiligo prend le dessus sur le grain de beauté et, de ce fait, le grain de beauté disparaît progressivement pour laisser ensuite un rond blanc, lequel finit parfois par disparaître au fur et à mesure des expositions solaires. C’est un phénomène de résorption qui n’est pas dangereux.
Est-il vrai qu’un grain de beauté avec un poil ne se transformera jamais en cancer ?
C’est complètement faux. C’est une idée reçue. S’il est vrai que tant qu’un grain de beauté est poilu, il est sûrement bénin, dès qu’il perd son poil il faut consulter. Pourquoi ? Parce que quand il y a une transformation maligne, ce qu’il y a de plus fragile dans le grain de beauté, c’est la racine du poil. Le poil tombe forcément en premier.
Donc, quand on a des grains de beauté géants et poilus, on repère justement les zones de transformation maligne, là où il n’y a plus de poil. Cette zone-là est en train de dégénérer. Voilà pourquoi les dermatologues n’aiment pas que les femmes épilent leurs grains de beauté ! Elles retirent de l’oeil du spécialiste ce signe de reconnaissance de la chute du poil. Signe de reconnaissance d’un problème sous-jacent.
Quel est l’âge moyen d’apparition d’un mélanome ?
Il peut arriver quasiment à tous les âges de la vie. L’apparition d’un mélanome existe hélas chez les bébés, mais la plupart des cas se situent dans la tranche d’âge entre trente et cinquante ans. Mais, il y a des mélanomes à douze ans, ou encore très tardifs qui peuvent survenir à soixante-dix ans !
Disons que c’est une tumeur de l’âge moyen. La tumeur met un temps très variable à apparaître.
Il y a des mélanomes qui peuvent évoluer doucement sur vingt ans, alors que d’autres peuvent être foudroyants en explosant en quelques mois seulement. C’est très variable et imprévisible.
Un mélanome est-il héréditaire ?
Un mélanome est très héréditaire. C’est pourquoi la première question que pose un dermatologue est «Avez-vous eu quelqu’un dans la famille qui a eu un mélanome ?».
Le phénomène héréditaire est évidemment très important et tout médecin en tient compte. La deuxième question qu’il se pose après l’examen clinique est «Est-ce une petite blondinette aux yeux bleus et à la peau blanche ?», c’est-à-dire un cas à risque, ou «S’agit-il d’une brune aux yeux noirs à la peau mate qui se défend bien au niveau du soleil ?», auquel cas il s’agit d’une peau mieux protégée au niveau mélanome.
Ensuite, on regarde les grains de beauté. Sachez qu’il vaut mieux avoir deux cent cinquante grains de beauté et pas un seul mélanome dans la famille, qu’avoir la peau claire, vingt grains de beauté et un mélanome dans la famille. Tout ça pour dire que le côté héréditaire est terriblement important.
Les coups de soleil sont-ils les seuls fautifs dans l’apparition d’un mélanome ?
On ne peut pas le confirmer aujourd’hui, mais on est quasiment sûr que le soleil favorise le mélanome, qu’il joue un rôle déterminant dans l’apparition des tumeurs. Ce dont on est moins sûr, ce sont les autres causes ! Peut-on créer un mélanome quand on écorche un grain de beauté ? Est-ce qu’un homme qui se rase tous les matins un grain de beauté situé dans la barbe, va finir par engendrer un cancer ?
On l’a cru longtemps, mais aujourd’hui on en est moins convaincu. Si un grain de beauté est frotté par le soutien-gorge toute sa vie, on le retire et tout le monde est rassuré. Mais est-ce qu’un soutien-gorge a déjà créé un mélanome par frottement ? Ce n’est pas prouvé. Le soleil est la seule cause dont on soit sûr ainsi que le caractère héréditaire, c’est-à-dire le type de peau.
Un phototype de type I et II (blond à la peau claire) a beaucoup plus de risques de faire un mélanome qu’un phototype IV et V (brun à la peau mate). De nombreux coups de soleil sur un grain de beauté et sur une peau claire feront peut-être un mélanome.
Une de mes clientes fait partie d’une famille à «mouches», doit-elle être encore plus prudente ?
Absolument pas. Si dans la famille il n’y a aucun grain de beauté qui a mal tourné, il n’y a aucune raison de s’inquiéter.
Les «vilains» grains de beauté inesthétiques sont-ils plus dangereux que les autres ?
Ce n’est pas parce qu’un grain de beauté est affreux esthétiquement qu’il est dangereux.
Un gros grain de beauté, en relief, tout noir a toutes les chances de rester bénin alors qu’un tout petit grain de beauté, tout mignon, minuscule mais qui présente différentes couleurs peut être ou devenir dangereux.
Est-il vrai qu’il y a une diminution de grains de beauté à la ménopause ?
C’est vrai surtout pour les grains de beauté qu’on nomme «verrue molle». Ces grains de beauté sont situés surtout sur le visage et ont tendance à disparaître vers la soixantaine. En tout cas, on a l’impression que les gens âgés en ont moins. Il y a une involution de certains grains de beauté qui n’a aucune signification particulière. Ce phénomène ne s’explique pas vraiment. Ça peut être hormonal !
Une de mes clientes qui vient d’accoucher a, depuis, plus de grains de beauté qu’avant. Comment l’expliquez-vous ?
C’est un phénomène hormonal. On sait que la grossesse fait sortir les grains de beauté. L’équilibre hormonal durant la grossesse est très favorable à la sortie de nouveaux grains de beauté ou à l’augmentation de taille de grains de beauté qui existaient déjà.
Cette jeune mère ne doit pas s’inquiéter, mais elle doit cependant le montrer à un dermatologue pour ne pas passer à côté d’un éventuel problème. Pendant longtemps, on prétendait que la grossesse favorisait l’apparition de cancers, dont le mélanome. Les dernières statistiques prouveraient le contraire.
Comment se déroule l’ablation d’un grain de beauté et quelles sont les suites esthétiques ?
À moins que le grain de beauté ne soit très gros, l’ablation se fait généralement sous anesthésie locale, chirurgicalement, c’est-à-dire au bistouri. Il n’est pas question de le brûler ou de le retirer au laser sans contrôle de laboratoire.
C’est une erreur fondamentale car le laboratoire ne peut pas confirmer que tout a bien été retiré, que ledit petit grain de beauté était bénin ou malin ! On reste donc avec un point d’interrogation toute sa vie.
D’où l’intérêt de l’enlever au bistouri pour pouvoir faire un examen histologique au microscope. On creuse dans l’épiderme et le derme pour s’assurer de tout bien enlever. Quelques points de suture sont posés avec du fil très fin pour favoriser une belle cicatrice, lesquels seront retirés huit à dix jours après.
Il faut savoir que les grains de beauté du dos font de très vilaines cicatrices. Elles s’écartent et s’élargissent. C’est une question de tissu. Pour laisser moins de traces qu’avec des fils, on peut aussi faire une cicatrisation dirigée. C’est-à-dire qu’on retire le grain de beauté et on laisse la cicatrisation se faire toute seule sans fil.
L’ablation d’un grain de beauté peut se faire à n’importe quel âge, même chez les très jeunes enfants. L’idéal serait d’enlever les grains de beauté dans les huit premières semaines de la vie. Et les gros dans la première semaine de la vie.
Les problèmes d’anesthésie n’existent plus chez les enfants, on a des personnes archi compétentes pour les endormir sans risque et la peau est extrêmement élastique à cet âge-là. On peut ainsi retirer d’énormes grains de beauté avec des cicatrices minimes.
Alors qu’avec l’âge, la peau se tend et les grains de beauté deviennent forcément plus gros et plus larges. À tel point qu’on est parfois obligé de faire une greffe ou une expansion de peau. Esthétiquement, c’est nettement moins beau.
En cas de cancérisation, quels sont les traitements ?
Le traitement est essentiellement chirurgical. Si le laboratoire confirme un cancer de la peau, on refait une intervention, avec, cette fois, l’ablation à des distances de la lésion très précises. Tout dépend du stade du cancer, qui peut aller de 1 à 5, et de l’épaisseur.
En fonction de l’épaisseur et du stade, on va reprendre le tour du grain de beauté, par mesure de sécurité, entre un et trois centimètres de chaque côté. C’est ça ou rien !
On sait que dans ce type de cancer, les cellules du mélanome sont coriaces, la chimiothérapie et les autres thérapies ne marchent pas toujours parfaitement, ni sur tout le monde.
À l’heure actuelle, les scientifiques cherchent à mettre au point un vaccin qui prendrait en charge les éventuelles cellules cancéreuses qui se seraient échappées après l’ablation du grain de beauté. Mais, c’est encore du domaine expérimental.
Certaines femmes pensent qu’il y a un risque à retirer un grain de beauté ?
Dire qu’il ne faut pas toucher à un grain de beauté, car il devient cancéreux, est un préjugé complètement idiot ! C’est même une aberration qui a coûté la vie à plus d’un ! Il n’y a aucun risque à retirer un grain de beauté. Si c’est fait proprement et avec un contrôle de laboratoire, bien évidemment. Par contre, il y a un risque à brûler un grain de beauté parce qu’il n’y a pas de contrôle possible.
Existe-t-il des moyens d’investigation autres que l’examen histologique en laboratoire après ablation ?
On peut aujourd’hui examiner un grain de beauté grâce à la dermatoscopie. Dans la pratique, le médecin met de l’huile sur le grain de beauté et le visionne au dermatoscope, un petit appareil muni d’une loupe et d’un éclairage latéral particulier, qui grossit dix fois le nævus. Il permet de voir à l’intérieur du grain de beauté et de déceler une éventuelle pathologie. L’appareil est fiable à 99 % si le praticien est entraîné !