Esthéticiennes : ce que vous pouvez faire ou pas selon la législation

Les dispositifs médicaux 

Martine Berenguel

La bonne gestion d’une entreprise passe par une bonne connaissance de la réglementation, dont celle concernant les dispositifs médicaux. L’impact de cette nouvelle réglementation est multiple.

La responsabilité du fabricant

D’abord, il y a une responsabilité du fabricant concernant l’organisation interne de son entreprise. Il doit mettre en place un système qualité ISO13485, une personne chargée de veiller à l’aspect réglementaire pour ses appareils et un processus de veille réglementaire.

Concernant ces dispositifs avant la mise sur le marché, ils doivent être en conformité avec les exigences générales en matière de sécurité et de performance.

Pour cela, il faut faire appel à un organisme notifié pour l’évaluation de cette conformité. Une fois mis sur le marché, il faut pouvoir avoir un regard sur la traçabilité du dispositif. Il s’agit d’un registre de distribution permettant d’identifier à quel distributeur et aussi à quel professionnel ou utilisateur le dispositif a été vendu.

C’est une notion primordiale, tout comme la surveillance après la commercialisation, et tout au long de la vie de votre dispositif. La vigilance passe aussi par l’existence d’un système d’enregistrement des incidents, qui permet de collecter les données et d’identifier ou signaler tout produit non conforme et les incidents.

Il faut aussi qu’il y ait une coopération avec les opérateurs économiques pour la mise en conformité du produit, la participation aux retraits, et le rappel de produits si besoin est.

Une coopération avec les autorités compétentes pour permettre l’accessibilité du dispositif est aussi nécessaire.

La responsabilité de l’esthéticienne

Avant toute acquisition d’un nouvel appareil répondant à la définition d’un dispositif médical, l’esthéticienne doit s’assurer qu’un marquage CE Médical est apposé sur le dispositif et que le fournisseur est en mesure de lui fournir un certificat de conformité valide.

À partir de 2022, les esthéticiennes pourront accéder à la base de données EUDAMED. Il s’agit d’un site européen sur lequel vous pourrez vérifier les informations d’un dispositif médical, le certificat de conformité, ainsi qu’une synthèse des études cliniques.

Ceci, afin d’assurer la sécurité des clientes et des utilisateurs. Concernant les appareils déjà en circulation, vous avez jusqu’au 26 mai 2024 pour obtenir une certification CE.

Pour plus d’informations à ce sujet, vous pouvez consulter la page Internet de la CNAIB Spa. Sachez que des contrôles vont très probablement être effectués prochainement.

La médiation en cas de litige client 

Nadège Dekenuydt

Pour protéger le consommateur, la loi impose depuis 2016, qu’en tant que professionnel, on ait un accès disponible pour nos clientes à un médiateur.

C’est un article du code de la consommation. L’idée de la médiation, c’est d’éviter d’aller jusqu’au conflit judiciaire. Il s’agit donc d’un règlement extra judiciaire des litiges, qui permet à la clientèle et à aux professionnels de parvenir à un accord pour résoudre le problème en question, à l’amiable, avec l’aide d’un tiers : le médiateur.

Attention, c’est obligatoire !

Nous constatons que dans certaines entreprises, aucun médiateur n’a été désigné. Or, cela devient urgent pour vous, chefs d’entreprise, d’indiquer ce médiateur de manière visible et lisible sur tous les supports de communication que vous utilisez au quotidien : site Internet, conditions générales de vente ou de service, devis, bons de commande et factures.

Encore une fois, il faut vous attendre à des contrôles. Le nom respect de cet affichage est passible d’une amende administrative de 3000 euros maximum pour la personne physique, et 15 000 euros pour une société ! Pour nos adhérentes, un médiateur est inclus dans l’adhésion pour que les esthéticiennes puissent avoir à gérer uniquement l’affichage.

Martine Berenguel

Pour les contrôles, la DGCCRF va regarder votre site Internet, cela suffit pour voir si vous êtes en conformité ou non. L’adhésion avec un médiateur est obligatoire et réglementaire, vous n’avez pas le choix, peu importe la taille de votre entreprise.

Le litige employeur/salarié 

Monique Amoros

Tout au long de votre vie professionnelle, vous pouvez, en tant que chef d’entreprise ou bien salariée, être confrontée à un litige. Sachez que c’est le Code du travail qui consacre le principe de la sécurité, l’obligation de sécurité et que c’est aussi l’employeur qui est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Lorsque vous adhérez à la CNAIB Spa, vous recevez tous les affichages obligatoires. Ensuite, du fait que nous siégeons en CPPMI (commission permanente, paritaire de négociation et interprétation), nous parlons des salaires, des temps de travail, des jours de repos pour des événements familiaux, des mutuelles santé. Aujourd’hui, c’est obligatoire pour vos salariés. Des élus de la CNAIB Spa siègent au tribunal des Prud’hommes.

Les oublis coûtent cher…

Au quotidien, vous êtes toutes investies à 100 % dans votre travail, si bien que vous omettez quelques cas. Par exemple, imaginez que vous embauchez une jeune en alternance en BP, elle a donc son CAP, savez-vous que vous n’avez pas le droit de la laisser seule ?

En effet, cette jeune fille est embauchée dans le cadre d’un contrat de formation, donc vous n’avez pas le droit de la laisser seule, peu importe l’âge, dès lors qu’il y a un contrat de formation. Nous avons aussi une juriste qui travaille avec nous quand la situation est un peu corsée compliquée et que nousmêmes, membres de la CNAIB Spa, n’avons pas la solution.

Le microneedling 

Martine Berenguel

Le microneedling est une technique considérée comme une effraction cutanée. Afin de légaliser cette prestation, et pour la pratiquer sereinement dans vos instituts, il faut qu’elle soit encadrée. La CNAIB Spa a déposé auprès du ministère de la Santé, une proposition d’encadrement.

La CNAIB Spa soutient cette pratique, nous voulons vraiment que vous puissiez l’exercer dans vos instituts. Cependant, il va falloir se battre pour que ça devienne légal.

Pour faire le dossier que nous avons déposé au ministère de la Santé, pour mettre en valeur cette formation, et pour dire que vous, esthéticiennes, êtes tout à fait capables de le faire, nous avons travaillé avec un groupe d’experts : un expert en hygiène, des formateurs qualifiés, des fournisseurs de matériel et un assureur spécialisé en technologies.

Le microneedling doit être réservé aux esthéticiennes diplômées !

Nous considérons qu’il faut assurer la sécurité, parce que vous avez de plus en plus de clientes qui font cette prestation.

Il faut que ce soin soit réservé uniquement aux professionnelles qualifiées. Trop de personnes font cette pratique alors qu’elles ne sont pas diplômées. Pour encadrer cette dernière, il faudra l’assortir d’une formation hygiène spécifique d’un seul jour par esthéticienne.

Certaines d’entre vous ont fait la formation hygiène et salubrité de trois jours qui n’est absolument pas appropriée à la technique du microneedling. Il faut aussi qu’il y ait un protocole bien précis : ne pas faire, ni mettre n’importe quoi. Parce que ça aussi ça se fait.

Et puis aussi, évidemment, l’utilisation de certains dispositifs esthétiques avec des capsules jetables sera nécessaire afin de respecter les conditions d’hygiène et de salubrité.

C’est comme la lumière pulsée, il y a eu des procès, ça a été interdit aux esthéticiennes, certaines ont été condamnées, mais nous avons fini par avoir l’autorisation.

Optez pour une assurance spécifique

Sachez, en tout cas, qu’il vaut mieux vous assurer en plus, pour pratiquer le microneedling. Cela valorise la prestation et met en avant votre rigueur et votre professionnalisme.

D’ailleurs, nous avons négocié pour les adhérentes de la CNAIB Spa un partenariat pour une assurance, uniquement pour le microneedling. La MAAF assurera la lumière pulsée dès la sortie du décret.

Les nouvelles technologies 

Martine Berenguel

Nous sommes en train d’étudier la création d’une certification (CQP) qui ne sera accessible qu’aux personnes initialement diplômées à partir d’un niveau IV, pour l’utilisation des nouvelles technologies. En effet, il y a des hautes technologies qui ne peuvent pas s’apprendre dès le CAP. Pas d’inquiétude, la loi n’a pas d’effet rétroactif, celles déjà en place ne seront pas concernées.

Nous pensons qu’il vaut mieux privilégier un CAP et des années d’expérience ou un diplôme type CQP dédié aux nouvelles technologies. 

Le référentiel esthétique 

Martine Berenguel

Revoir le référentiel auprès de l’Éducation Nationale prendrait beaucoup trop d’années, c’est pour cela que nous essayons d’agir au niveau du ministère du Travail. Nous avons aussi pour projet d’élargir les paramètres de la profession, et sortir du décret de 1962 qui vous autorise seulement l’utilisation de la pince à épiler, ou de la cire, etc. Il faut une modernisation à ce niveau-là.

La lumière pulsée 

Martine Berenguel

Le décret est prêt à sortir. Pour rappel, ce décret doit permettre de régulariser la situation des professionnelles non-médecins, parce que pour l’instant, il n’y a qu’eux qui ont le droit de le faire. La tutelle d’un médecin n’est pas suffisante !

La formation à la lumière pulsée

Concernant particulièrement la formation, l’ANSES a sorti un avis le 9 septembre, sur le décret qui va sortir. Après lecture très attentive avec l’avis de l’ANSES, nous avons attiré l’attention du ministère de la Santé sur les non-esthéticiennes qui pratiquent ces actes dans les cabinets médicaux ou paramédicaux, sous contrôle d’un médecin.

Car oui, ces opératrices ne suivent pas de formation adaptée à cette technique ! Pour nous, la tutelle d’un médecin ne donne pas de compétences professionnelles et opérationnelles à ces personnes.

Aucune obligation de formation n’a été identifiée dans l’avis de l’ANSES. Nous demandons donc quelles sont les raisons qui justifient qu’une simple tutelle puisse permettre à des opératrices de réaliser cette pratique ? Nous avons informé le ministère qui, dans sa réponse, nous indique que ces informations ont été confiées à la réflexion d’un groupe de travail, piloté par la DGOS et la DGCCRF.

Nous avons aussi saisi des sénateurs et députés afin qu’ils interpellent le ministre de la Santé par une question écrite et orale. Beaucoup nous ont répondu qu’ils allaient le faire. Vous aurez le temps pour faire la formation obligatoire si vous venez de vous équiper d’un appareil de lumière pulsée.

Conclusion

Sachez que nous vous tiendrons informées dès que nous serons en mesure de vous apporter davantage de réponses. Enfin, n’oubliez pas que plus nous sommes nombreuses à la CNAIB Spa, plus nous sommes entendues, plus nous arriverons à vous défendre, avoir gain de cause et faire évoluer notre profession.