Reconvertir votre institut en spa, une bonne idée ?

Avant de sauter le pas, posez-vous les bonnes questions comme le suggèrent ici les spécialistes du secteur.

Avez-vous l'espace adapté ? 

Si les premiers spas s’étendaient sur plusieurs centaines de mètres carrés, on n’est plus aujourd’hui sur des dimensions aussi importantes pour les nouveaux spas.

«Compte tenu du prix du mètre carré que ce soit à l’achat ou en location, surtout dans les métropoles, l’appellation «spa» est désormais accolée à des espaces de plus petite taille.

On parle même de plus en plus d’institut et spa, une double casquette qui permet de mettre en avant auprès de la clientèle, non pas des infrastructures importantes, mais plutôt une philosophie du bien-être qui prend l’individu dans sa globalité» explique Guillaume Pichon, architecte d’intérieur.

«Aujourd’hui, il est possible de faire de très belles choses dans un local à partir de 100 à 150 m2, à condition de respecter certaines conditions.»

Les cabines, l’accueil, les vestiaires

Proposez des cabines spacieuses (environ 10 m2) que vous devez décorer avec les codes haut de gamme qui ont fait la réputation du spa.

Côté structure, cela signifie travailler sur l’isolation des cabines afin d’assurer une atmosphère feutrée propice à la détente, mettre en place un éclairage tamisé et modulable en fonction des soins réalisés et, autre point important, l’aménagement de la zone d’accueil et des vestiaires qui, à défaut d’être spacieux, doivent être extrêmement confortables pour la cliente avec des casiers pratiques, une coiffeuse avec miroir, par exemple…

L’esprit déco doit être le reflet de la philosophie du spa, marin, exotique, cocooning… En un mot, chaque détail, de la couleur des murs au mobilier, doit être en cohérence.

Les soins

En matière de soins, la proposition de soins humides est indispensable pour asseoir l’image spa dans l’esprit de la clientèle.

Pour respecter l’espace et le budget, vous serez évidemment obligée de faire des choix.

«Le hammam est très apprécié de la clientèle mais il exige des travaux importants qui peuvent déséquilibrer votre budget. Dans ce cas, je préconise d’aménager une seule cabine avec une douche à Led ou une baignoire de balnéothérapie mais en choisissant le top du matériel et une décoration très soignée : belles mosaïques ou bois exotique, par exemple, cela suffit à dépayser complètement la cliente, à la faire voyage tout en la relaxant.»

L’organisation de l’espace

«Mais le point sur lequel je mets toujours l’accent dans ce type de projet, c’est la disposition des espaces. Dans un spa, il est important que la clientèle bénéficie de calme et puisse circuler facilement. Cela implique de bien séparer les lieux de détente des espaces minceur, soin du visage…

Vous serez parfois obligée de faire bouger les cloisons et de tout réaménager. Si ce n’est pas possible, le résultat risque d’être décevant et, dans ce cas, mieux vaut repartir sur l’idée d’un lieu plus traditionnel» explique Guillaume Pichon.

Avez-vous la clientèle pour ?

C’est peut-être la première question à vous poser avant de sauter le pas. Ce n’est pas parce que votre institut fait le plein et que vous disposez d’un panel de clientes fidèles que votre spa sera une réussite. Car on ne vient pas au spa comme on va à l’institut.

- Dans le spa, c’est la notion de temps pour soi et de détente qui prime, avec une part importante laissée aux techniques de modelage pour le corps et le visage, même si les prestations telles que la beauté des mains et des pieds sont toujours présentes.

- En institut, les femmes recherchent en priorité l’efficacité pour se sentir nette et en beauté, et ce n’est pas pour rien que l’épilation reste la prestation la plus demandée. Une différence qui se retrouve dans les prix : les soins au spa seront plus chers car plus longs et beaucoup de femmes ne sont pas encore prêtes à sauter le pas.

D’où l’importance de bien évaluer le potentiel de votre clientèle en testant en amont certains soins, comme des massages spécifiques. S’ils ne décollent pas, vous n’avez peutêtre pas le vivier pour vous lancer.

Et la concurrence ? 

La notion de spa étant de plus en plus populaire, vous n’êtes sans doute pas seule à avoir eu l’idée de vous lancer sur ce créneau.

D’où l’intérêt de répertorier les établissements existants qui se situent autour de vous : «Lorsque vous êtes installée en ville, il suffit de bien étudier votre quartier, conseille Marie Guénot, conseillère en entreprise.

Les établissements y sont certes plus nombreux mais les habitants privilégient souvent ceux à proximité de leur lieu de travail ou de leur domicile.

En périphérie ou en zone rurale où la population se déplace dans un périmètre plus large, il convient en revanche d’élargir votre prospection.

Ensuite, il faut classer les spas en fonction de leur positionnement, des prestations, des tarifs, des résultats financiers… Le travail peut se révéler fastidieux mais au final, vous aurez une vision claire de la place que vous pouvez occuper… ou pas !

Faute d’une idée originale ou d’un vrai marché (le chiffre d’affaires des entreprises installées depuis quelque temps est un bon indicateur), il est prudent que vous renonciez à votre projet.

Avez-vous le financement suffisant ? 

Pour revendiquer l’appellation spa, l’investissement financier est plus ambitieux que vous ne le croyez, et il n’est pas toujours suffisamment anticipé.

Vous devez bien entendu revisiter la décoration, changer les tables de massage et le linge pour plus de confort, éventuellement renouveler les équipements techniques.

Mais ce n’est pas tout ! Vous devez également revoir votre politique de soins et de produits à la vente. La carte de prestations et les marques proposées doivent en effet être en harmonie avec votre nouvelle image pour séduire vos clientes et leur donner envie de dépenser plus.

Ce changement de stratégie a un coût initial non négligeable que vous mettrez un certain temps à amortir.

Autre point important, les opérations communication et marketing. «Beaucoup de responsables n’intègrent pas suffisamment que le changement peut dérouter une partie de leur clientèle et qu’ils risquent d’en perdre une partie dans l’aventure, explique Marie Guénot.

Cela fait partie du jeu et ne doit pas bloquer le projet mais il faut en tenir compte dès le début et intégrer, dans votre plan de financement, le recrutement de nouvelles clientes.»

Autant de points à intégrer dans votre budget prévisionnel et vous assurer que la banque est prête à vous suivre. Si votre activité est en perte de vitesse ou que vous êtes déjà financièrement un peu juste, il vaut peut-être mieux réfléchir à relancer l’existant plutôt que de tout changer.

Avez-vous la bonne équipe ? 

Votre institut emploie une ou plusieurs salariées et peut-être aussi des prestataires extérieurs. Lors de la reconversion de votre activité, il faudra sans doute remettre à plat cette organisation.

«Lorsque j’ai transformé mon institut en spa, je me suis rapidement rendu compte que l’esthéticienne avec qui je travaillais depuis des années avait des difficultés à appliquer les nouveaux protocoles, témoigne Betty, aujourd’hui spa manager.

C’était une bonne technicienne mais elle avait peu de pratique dans le modelage corporel et, malgré plusieurs formations, on s’est rendu compte que ce n’était pas un domaine dans lequel elle se sentait à l’aise».

Le problème a été résolu avec l’arrivée d’une spa praticienne spécialisée dans les massages, ce qui a permis à chaque membre de l’équipe de gérer son propre secteur.

Pour réussir votre projet, la question du «qui fait quoi» va donc se poser et il vaut mieux que vous l’anticipiez. Si vous travaillez avec des esthéticiennes, prévoyez en amont des formations pour tester leur capacité d’adaptation et leur terrain de prédilection. Pour les prestations extérieures, vous devrez également faire des arbitrages.

«Dans tous les cas, cette reconversion induit des bouleversements, rappelle Marie Guénot, et parfois des situations humaines compliquées. Êtes-vous prête à les gérer et à les financer ? C’est la question à laquelle vous devez répondre avant de vous lancer.»

Êtes-vous suffisament formée ? 

Vous êtes déjà à la tête de votre activité avec probablement plusieurs casquettes en dehors de votre rôle d’esthéticienne : accueil, communication, gestion, vente…

Le passage au spa va encore complexifier votre tâche. «Pour la clientèle, cette appellation est une promesse de luxe et de perfection. Pour les professionnels, c’est l’obligation d’avoir un regard exigeant sur tout» confirme Marie Guénot.

De la préparation des cabines à la qualité de l’accueil et des soins, rien ne doit être laissé au hasard. Par ailleurs, compte tenu de la durée des soins, leur prix seul ne peut garantir la rentabilité.

Plus que jamais, dans un spa, il faut vous appuyer sur un bon volume de ventes à la suite des soins en cabine, d’où l’importance d’être formée aux techniques commerciales et de sensibiliser vos collaboratrices à cette question de la vente.

En un mot, le rôle de spa manager ne s’improvise pas ! «Mon conseil, c’est de suivre une formation complète sur le plan technique afin de pouvoir évaluer la qualité de vos soins mais qui comprend également un volet gestion humaine et gestion tout court avec toutes les notions de rentabilité, rappelle Marie Guénot.

L’objectif étant d’amortir l’investissement réalisé et d’arriver le plus rapidement possible à l’équilibre.

Une fois cette étape atteinte, vous pourrez envisager l’avenir et développer votre projet.»

Êtes-vous bien accompagnée ?

Vous l’aurez compris, c’est toute votre façon de travailler, de l’accueil à la carte de soins, en passant par le calcul de vos marges et la gestion de vos salariées, qu’il faut revoir.

Le faire sans accompagnement est un risque supplémentaire d’échouer.

De deux choses l’une : soit vous pouvez compter sur un proche ou une collaboratrice dont l’expertise complète la vôtre et qui peut prendre en charge tout un pan du projet, soit vous faites appel à un prestataire extérieur spécialisé dans l’accompagnement et qui a l’avantage d’avoir un regard objectif sur votre projet.

C’est un coût supplémentaire à intégrer dès le départ dans votre budget conversion, mais aussi une condition essentielle à votre réussite.