La beauté accompagne la vie jusqu’à la fin

Les personnes âgées et la beauté  

En EHPAD, l’image et l’estime de soi sont altérées. La solitude et l’isolement dépriment les résidents. Ils n’existent plus, parfois deviennent invisibles.

Heureusement, d’autres le vivent mieux car entourés de leur famille ou bénéficiant du soutien d’un proche, voire d’un professionnel. On parle aujourd’hui régulièrement du vieillissement de la population et de sa prise en charge.

Le vieillissement peut être normal (sénescence) ou pathologique (gériatrie). Il sera toujours la somme des pertes. Même si l’objectif est de rester le plus longtemps possible chez soi, l’entrée en EHPAD devient parfois inévitable quand la personne devient dépendante (physiquement, psychologiquement, socialement).

Rappelez-vous que cette institution médicalisée est aussi un «lieu de vie» et souvent la dernière demeure. Vous aurez à titre personnel ou professionnel à vous occuper d’un proche dépendant, d’une résidente en EHPAD ou une cliente à domicile. Alors prenez-en bien soin.

L’esthéticienne en EHPAD

Vous pourrez, grâce à votre métier d’esthéticienne, soulager, accompagner et rendre visible ces femmes et ces hommes qui ont encore le droit d’exister et de vivre leur beauté avant de mourir et même après la mort (thanatopraxie, autre métier).

Votre rôle sera très gratifiant car vous apporterez, en plus de votre professionnalisme, une présence, une écoute, de la conversation pour rompre l’isolement, un toucher pour exister, des odeurs pour stimuler les souvenirs.

Vous serez un repère dans une notion du temps qui s’évanouit, se distend, se perd parfois (la maladie d’Alzheimer). Et surtout une approche non médicalisée.

Quelques rappels sur la personne âgée dépendante du 4ème âge 

Il s’agit de personnes de 80 ans environ jusqu’à plus de 100 ans. Les capacités physiques et psychiques de ces personnes sont altérées, ce qui peut avoir plusieurs conséquences : altération, déficience, incapacité, handicap et/ou les soins palliatifs.

Concrètement, vous constaterez la diminution ou la perte des cinq sens ensemble ou séparément : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, ainsi que de la mobilité et des capacités cognitives. Se greffent parfois des pathologies autres (hypertension, diabète, cancer, maladie d’Alzheimer, etc.).

Tout cela va influencer le comportement, la psychologie et le caractère de la personne. Les vies familiale et sociale en sont évidemment impactées.

Votre place en tant que socio-esthéticienne 

Vous devez présenter votre activité d’esthéticienne ou de socio-esthéticienne à l’ensemble du personnel médical et paramédical lors de votre prise de fonction.

En effet, cela évitera les caricatures et la confusion sur notre mer- veilleux métier. Vous n’êtes pas là pour faire de l’hygiène (vous devez travailler sur une peau propre et saine).

La coupe simple des ongles appartient à la toilette (effectuée donc par des soignants, sinon vous ne ferez que cela). Vous faites des manucuries complètes (coupe d’ongles, modelage, vernis...), vous n’êtes pas là non plus pour «pouponner» les résidents (ce ne sont pas des enfants), même si vous vous devez d’être dans l’empathie, à l’écoute, patiente, joyeuse, solaire.

Je vous conseille de demander une réunion pour expliquer votre pratique et vos objectifs et surtout préciser où s’arrête votre prise en charge.

La socio-esthéticienne et les autres membres de l’équipe

Les personnes charnières pour votre implantation sont votre cadre, le médecin coordinateur, la psychologue, l’équipe d’animation (pour les ateliers collectifs).

Évidemment, vous essaierez d’installer une complicité avec les équipes soignantes (infirmières, aides soignantes). C’est ce qu’on appelle le travail en pluridisciplinarité.

Tout le monde n’adhère pas à notre discipline, ce n’est pas grave, ne vous vexez pas, travaillez avec ceux qui comprennent et vous assisteront. Les familles et les proches vous permettront de mieux connaître les habitudes de vie de leurs parents, elles sont précieuses.

Vous aurez parfois à les écouter et également à les rassurer.

La mission de la socio-esthéticienne

L’axe principal de votre travail consiste à croiser les demandes de l’équipe (indication médicale), de la famille, le souhait du résident et votre expertise. En amont, il est fondamental de prendre les informations médicales qui vous autorisent à pratiquer votre soin.

Après toute intervention, il est indispensable de faire une transmission ciblée obligatoire de vos soins.

Cela comprend : le constat, les demandes, l’objectif et le résultat. L’équipe tout entière est informée. Cela vous protégera aussi personnellement et professionnellement.

Les soins 

Les principaux soins pour une prise de contact et la mise en place d’une relation de confiance sont : la manucurie, les épilations et le rasage du visage, le soin du visage, le maquillage. Les soins du corps arrivent après et que dans certaines conditions. Aujourd’hui, nous parlerons des soins des mains.

Les soins des mains 

Votre matériel

Vous travaillez dans une cabine et/ou avec un chariot de soin, entretenus selon les règles d’hygiène de l’esthétique mais aussi du monde médical. L’hygiène ne supporte pas «l’à peu près» dans un EHPAD.

Tout le matériel doit être lavable et supporter la décontamination des produits en usage à l’EHPAD (ex : Ultra-bac, Anios, etc.). Pour les hommes, même pratique mais avec un polissoir pour chaque utilisateur. La lime sera en verre pour pouvoir la désinfecter entre deux résidentes.

L’installation

Votre cliente sera installée dans un fauteuil ou sera elle-même en fauteuil roulant. Mettez-lui une serviette à usage unique sur ses genoux pour le soin, qui devra être relativement court car les résidentes ne sont pas toujours patientes.

Ayez des gestes doux car elles sont fragiles à cause de l’ostéoporose et des fractures possibles.

Le soin en lui-même

Lavez toujours les mains de la résidente avant tout soin pour l’hygiène et pour ramollir la peau et les ongles. Attention à la coupe des ongles car l’hyponychium se développe souvent avec l’âge et se confond avec l’ongle.

La coupe peut provoquer des saignements abondants et certaines résidentes sont sous anti-coagulant.

Ne coupez les cuticules que si vraiment elles dépassent et sont douloureuses (attention avec les personnes diabétiques). Repoussez mais ne coupez pas les bourrelets car ils s’effilochent et font des petites peaux douloureuses.

Le système immunitaire est souvent affaibli, alors méfiez-vous du panaris. Soyez attentive à la température, les résidentes ont souvent les mains froides mais sensibles à la chaleur.

Selon la finesse de la peau, pratiquez ou pas un gommage. Les résidentes en fauteuil roulant ont parfois des cals dans la paume des mains, pensez à les assouplir. Le modelage des mains est souvent très apprécié mais parfois douloureux avec l’arthrose.

Choisissez une crème de modelage assez olfactive mais pas trop grasse. Les personnes de cette génération ne sont pas toutes habituées aux cosmétiques. Ils constitueront pour certaines (mais peut-être pas pour toutes) une découverte agréable.

Les personnes atteintes d’hémiplégie ont souvent une main rétractée, c’est la main spastique, dont les ongles en poussant entrent dans la peau. Il est donc important de suivre la coupe d’ongles régulièrement.

Nettoyez entre les doigts (parfois avec une lotion olfactive agréable pour contrer les odeurs) et séchez bien après, et ne mettez pas de crème afin de ne pas créer un milieu humide favorable aux mycoses.

Le modelage, avec l’accord du médecin et du kinésithérapeute, peut se faire à sec. Après le soin, placez si possible un papier absorbant roulé dans le creux de la main pour absorber la transpiration.

La pose de vernis

La pose se fera par transfert de vernis dans une coupelle, l’application se fera ensuite sur les ongles avec un pinceau différent de celui du flacon. Il sera plus facile de le laver après au dissolvant et de le désinfecter.

Cette pratique évite la contamination de votre flacon de vernis par des microbes, germes, bactéries, mycoses et de les transmettre à d’autres personnes.

Pour celles atteintes de pathologie comme la maladie d’Alzheimer, de démences, de maladies psychiatriques, la difficulté tient dans le temps que vous avez pour appliquer le vernis et celui du séchage.

Ne vous embarrassez pas de base et de top-coat, passez directement au vernis de couleur en une seule couche. Votre objectif est en effet d’obtenir un résultat réjouissant et pas de pratiquer de manière scolaire. La résidente choisit sa couleur, ce qui lui redonne un pouvoir de décision.

On peut vous demander d’appliquer un vernis contre les mycoses prescrit par le médecin mais faites toujours valider par écrit cette demande car c’est un geste médical.

La relation avec le patient-client 

Évidemment, ce soin sera aussi un temps d’échange confidentiel (loi de 2002-2 du 2 janvier 2002). Il est très important et indispensable de consulter cette loi dans le cadre de votre travail.

Une résidente peut vous demander de parler à sa place à un autre professionnel, mais ne le faites jamais sans son accord.

Familles : ne leur communiquez pas d’informations concernant les résidentes, même si elles vous le demandent. Dites-leur de s’adresser aux équipes soignantes.

Exemple de bonne pratique : la famille et les équipes soignantes souhaiteraient que les ongles de Madame X soient coupés. La famille le désire pour des raisons esthétiques et les soignants ne peuvent pas toujours le faire (intégré à leur nomenclature des soins, ça fait partie de la toilette comme les oreilles, le nombril...).

En discutant avec la résidente, je découvre qu’elle a besoin d’une certaine longueur pour ouvrir l’opercule des yaourts, confitures, beurre. Cela la rassure de pouvoir se défendre avec ses ongles si besoin quoiqu’elle ne le fasse jamais.

Après négociation, elle accepte de les raccourcir et de mettre du vernis (ce qu’elle ne faisait pas jusque-là).

La famille s’étonne un peu du choix de couleur et les soignants acceptent la longueur. L’important était de respecter les goûts et les besoins de la résidente : lui imposer votre avis, votre pratique, relève de la maltraitance.

Évidemment, n’hésitez pas à expliquer les décisions que vous prenez et les choix que vous faites en accord avec la patiente (charte de 2002).

Prête ?

J’espère que ces conseils vous permettront d’améliorer votre pratique et de vous sentir plus à l’aise. Si vous avez envie de travailler en EHPAD, allez-y sans hésiter, vous y serez vraiment utile.

Évidemment vous trouverez d’autres astuces et pratiques car je ne vous ai donné qu’un tout petit aspect du métier de socio-esthéticienne.

La règle est de s’adapter à chaque résidente et chaque situation dans le respect, la dignité et avec beaucoup d’empathie et d’humanité.

Les pathologies des mains 

Voici quelques pathologies des mains rencontrées auprès de ce public du 4ème âge mais qui peuvent arriver avant. Pour les ongles, en tant qu’esthéticiennes diplômées, vous pourrez réviser vos cours de dermatologie.

Mais pour les pathologies des ongles et de la main, demandez toujours conseils aux équipes médicales avant d’intervenir.

La maladie de Dupuytren : c’est une fibrose rétractile irréductible de l’aponévrose palmaire de la main avec rétraction et flexion des doigts, perception de nodules durs et épaississement de l’aponévrose palmaire moyenne.

Mains spastiques : c’est le nom donné aux différentes formes de paralysies de la main d’origine centrale. C’est-à-dire aux conséquences des atteintes du système nerveux central (cerveau) sur la main.

Griffe cubitale et syndrome de Volkmann : c’est une manifestation anatomo-clinique caractérisée par une rétractation ischémique des longs fléchis- seurs des doigts, aboutissant à une main caractéristique en forme de griffe.

Conclusion 

Au-delà de l’esthétique est née la socio-esthétique, cette formation qui permet d’accompagner autrement les personnes du quatrième âge en souffrance physique, psychique ou sociale. En effet, beaucoup d’esthéticiennes pratiquent en EHPAD ou à domicile auprès de personnes dépendantes.

Un professionnalisme et une formation s’imposent pour leur prise en charge. Alors formez-vous pour être encore plus performante dans le don de soi, car le cœur ne suffit pas toujours.