Ma vie de formatrice internationale (2)

Alice Zanon, Ex-formatrice internationale pour L'Occitane, Responsable de boutique Oh My Cream, Belgique

Chez L'Occitane, nous avons plusieurs pôles pour la formation à l'international Amérique du Sud, Asie et Afrique, Europe, Moyen-Orient, Amérique du Nord. J'ai la charge de ce dernier pôle. 

Est-ce que le métier correspond à vos attentes ?

Être formatrice à l'international et en France est diffé­rent. En France, nous avons une certaine exigence, nous sommes très protocolaires. Les formés ont une expérience dans le spa, des diplômes d'esthétique, alors qu'à l'inter­national, les praticiens sont très à l'aise sur la technique mais moins sur la théorie comme l'anatomie ou la peau. Leurs diplômes sont différents et les exigences le sont aussi. Aussi, à l'étranger, dans certains spas, certains pra­ticiens sont un jour techniciens de surface dans l'hôtel et puis le lendemain ils sont en cabine ! Il est donc néces­saire en tant que formateur de revoir ses exigences et c'est quelque chose à laquelle je ne m'attendais pas, d'autant plus que je ne forme qu'en hôtels quatre ou cinq étoiles. Je m'attendais donc à ce que les exigences soient les mêmes qu'en France. Les élèves ont forcément des bases et savent masser. Cependant «l'exigence à la française» se fait ressentir. C'est plus laxiste pour certains pays. Et pour­tant nous étions très présents chez nos partenaires : nous avions une plateforme en ligne dédiée, nous venions sur site chaque année et nous effectuions des audits pour tes­ter leur parcours client/massage, nous avions des clients mystères, etc. En France, notre parcours est développé. Nous bénéficions de formations pour chaque métier/ chaque massage. 

Quelles sont les difficultés du métier ? 

En général, je pars une fois par mois en formation pendant une semaine, du lundi au vendredi. Si c'est une ouverture de spa, je reste deux semaines sur place. Il faut le vivre pour le comprendre, c'est très prenant. Sur place, je suis investie 100 % de mon temps. Il est hors de question, sur les jours de repos, de sortir de ma chambre d'hôtel en jogging par exemple. Je dois être toujours présentable. Lorsque l'on part en formation du lundi au vendredi, cela signifie que l'on rentre le samedi chez nous mais que l'on repart le dimanche. Ceci est assez contraignant. 

Le rythme est-il tenable ? 

Le rythme est bien équilibré entre ma présence en France et à l'étranger. Néanmoins, il faut savoir être flexible. Parfois, je peux être amenée à ne pas être chez moi pendant près d'un mois si une formation est sur une fin de mois et la suivante sur le début du mois d'après. Le Covid a également ame­né des contraintes au niveau des vols. Avant, nous étions prévenus deux mois à l'avance de notre départ, aujourd'hui, il peut arriver qu'un mois avant de partir on ne sache toujours pas si notre vol est confirmé... Cela fait partie du jeu, on sait dans quoi on s'engage. 

Quelle serait LA qualité indispensable pour être formatrice à l'international ? 

Il faut être flexible. Aucune formation ne va se ressembler. Il y a de nouveaux im­prévus à chaque formation. Et cela nous permet de savoir par la suite gérer les im­prévus auxquels nous avons déjà dû faire face. On envoie des mois à l'avance aux spas le déroulé de la formation et puis parfois on arrive, et il faut changer l'em­ploi du temps. 

Auriez-vous un conseil à donner aux esthéticiennes qui aimeraient devenir formatrice internationale ?

Il faut toujours se mettre à la place des thérapeutes. Les formations que j'ai pré­férées en tant que praticienne sont celles où j'ai senti une réelle connexion avec le formateur. J'avais envie de lui faire plaisir et de m'accrocher. C'est ce que j'essaye d'instaurer avec mes élèves. Je propose des jeux, je les mets à l'aise le mieux pos­sible. Il est également important de rester soi-même et ne pas prendre la grosse tête. Le but étant de fédérer les équipes autour de la marque pour laquelle on travaille, c'est un partenariat sur le long terme. Et souvent, le seul contact qu'ont les équipes avec la marque est le forma­teur. L'humain est le plus important. 

Y a-t-il des différences en termes de savoirs dans le monde ? 

Oui beaucoup. En Europe, cela res­semble globalement à la France. Il n'y a que dans les pays de l'est où les thérapeutes apprennent beaucoup sur le terrain. Les pays asiatiques comme les Philippines ou la Thaïlande sont très réputés pour leurs mas­sages, ils ont la technique mais moins l'expertise spa que l'on attend en cinq étoiles en France par exemple. 


Pauline Jannière, Formatrice internationale Phytomer

Je suis formatrice de­puis six ans dont quatre ans à l'international. Je suis amenée à intervenir dans les 80 pays où est implantée la marque, dont la France. Nous somme trois formatrices pour l'export et la France, et une exclusivement dédiée à la France. 

Est-ce que l'image que vous aviez du métier correspond à la réalité ? 

Oui, je dirais même que cela va au-delà de mes attentes. Il y a un échange très large avec les distri­buteurs. On n'est pas que dans la formation pure. À l'internatio­nal, notre champ d'action en tant que formateur est bien plus large. Nous sommes des ambassadrices de la marque, tournées vers le commercial, dans le coaching. On peut être amenées à former les distributeurs et leurs clientes esthéticiennes mais aussi les commerciaux. On est également amenées à effectuer des lance­ments de nouveautés auprès de la presse. Je ne pensais pas que la mission serait aussi large, ce qui rend le poste très intéressant, po­lyvalent et riche. C'est un métier qui fait grandir. 

Quelles sont les difficultés de la formation à l'international ? 

C'est à la fois une difficulté et un challenge, il faut savoir s'adapter à la culture du pays. Il faut réussir à trouver les bons arguments pour chaque pays, les formées et les consommateurs ayant des attentes et des besoins différents. La langue peut également être une barrière. Nous parlons anglais, mais pas né­cessairement nos distributeurs...

Dans ce cas, un traducteur est nécessaire. Il faut être très attentive à ce qui est répété. Cela ajoute une difficulté et l'exercice est donc différent. Il faut prendre son temps pour parler, être précise, savoir également être concise, le temps de la présentation étant multiplié par deux. Les études qu'ont suivies les personnes que l'on forme sont différentes de celles proposées en France. Sur les soins visage, il est parfois nécessaire de repartir de la base comme ré­apprendre le démaquillage ! Les protocoles dans certains pays peuvent ainsi être simplifiés. La technicité n'est pas la même qu'en France, alors il faut être en mesure de coacher les équipes afin que le soin soit réalisé comme en France. 

Le rythme entre le travail en France et celui à l'étranger est-il tenable? 

Tout dépend de chaque entreprise. Chez Phytomer, chaque for­matrice réalise deux déplacements par mois (en France ou à l'étranger), soit deux semaines. Nous sommes également ame­nées à réaliser des présentations en visio. Nos clients viennent aussi se faire former au sein de notre siège à Saint-Malo. Le rythme, lorsque nous sommes à l'étranger, est assez soutenu. Les repas sont souvent partagés avec les clients. Cela donne des journées intenses, mais riches en échanges et passionnantes. 

Quel est votre meilleur souvenir en tant que formatrice internationale ? 

Il y en a beaucoup. Les meilleurs souvenirs sont tous les échanges avec les clients, c'est de m'immerger dans la culture d'un pays. Souvent, on me demande si j'ai le temps de visiter, hormis le soir, le temps est souvent très limité. Mais les semaines de formation à l'export sont de véritables expériences humaines. Ici, ce sont les locaux qui m'immergent dans leur quotidien, leur vie profession­nelle et, le soir, parfois, ils me font découvrir leur environnement, contrairement à un voyage à titre personnel, où l'on découvre un pays par le biais d'un guide ou d'un livre que l'on a lu. Je fais aus­si ce métier pour ces moments de partage et la richesse humaine qu'il m'apporte. 

Auriez-vous un conseil à donner aux esthéticiennes qui aimeraient devenir formatrices internationales ? 

Il faut exercer ce métier avec passion. Il ne faut pas le choisir uni­quement pour l'attrait du voyage, la passion est primordiale. La qualité principale pour une formatrice est de savoir s'adapter à toutes les situations, les formations ne se déroulent pas toujours comme nous le prévoyons. Il faut savoir prendre en compte les caractéristiques de chaque pays, que l'on découvre parfois sur place. Foncez, c'est un métier formidable !