Et si vous recrutiez un esthéticien ?

Même si le phénomène est encore timide, l’entrée des hommes dans les métiers de l’esthétique se confirme d’année en année. Au nom de l’égalité des sexes et grâce à l’évolution des mentalités, ils osent enfin franchir les portes des écoles d’esthétique où ils sont accueillis avec de moins en moins de réticences.

«Si les esthéticiens ont réussi à trouver leur place dans les spas, ils sont toutefois encore rares dans les instituts de beauté» modère Julien Cannessant-Molla, qui a, pour sa part, travaillé essentiellement en spas avant d’ouvrir son propre institut à Évian, il y a maintenant quatre ans. «L’une des raisons est qu’il existe encore peu d’esthéticiens véritablement polyvalents» souligne-til.

En effet, les hommes qui se lancent dans cette profession, souvent par crainte de ne pas trouver de débouchés, ont tendance à se spécialiser, dans le massage ou dans le maquillage notamment, en délaissant les autres soins.

Cela peut être un frein à l’embauche pour une responsable d’institut qui a besoin d’un personnel rompu à toutes les activités. Ce n’est pas le seul écueil.

Intégrer un homme dans un milieu traditionnellement féminin suscite encore des hésitations alors que cela peut se révéler positif à plusieurs niveaux pour l’institut.

De l'effet de mode à la réalité terrain

La présence masculine n’est pas nouvelle dans l’univers féminin. On peut citer l’univers de la mode où les créateurs habillent les femmes depuis des décennies, celui de la parfumerie, qui a longtemps donné l’exclusivité aux «nez» masculins, tout comme le secteur du luxe qui a mis en lumière une pléiade de grands maquilleurs artistiques.

Si le secteur de l’esthétique est gagné par cette «masculinisation», c’est en grande partie grâce à l’émergence d’émissions de télévision et de blogueurs influenceurs qui s’intéressent depuis quelques années à l’univers des cosmétiques. Ils testent, conseillent en ligne comme sur le petit écran et, grâce à cette mise en avant, bénéficient d’une aura d’expert qui séduit les femmes.

Sur le terrain, cette tendance à accorder le bénéfice de l’expertise à un professionnel se confirme. La présence d’un esthéticien ou d’un spa praticien surprend positivement la clientèle qui écoute avec attention ses conseils et se laisse plus facilement convaincre, avec des retombées positives sur les ventes de produits.

Ce n’est pas le seul avantage : compter un homme dans son équipe, c’est également l’opportunité de proposer des soins différents. En particulier dans les protocoles de massage, il est incontestable que des mains masculines, plus larges et plus puissantes, ont un effet plus en profondeur qui est apprécié par une partie de la clientèle, féminine ou masculine.

Des soins plutôt que d'autres ?

«Cantonner une recrue masculine aux massages est une tentation à laquelle il ne faut pas céder. L’égalité des sexes doit jouer dans les deux sens !» affirme Julien Cannessant- Molla. Il est faux de penser qu’un homme est moins apte à réaliser certains soins.

À formation égale, il a les mêmes compétences et, paradoxalement, il peut même parfois se révéler plus délicat et sensible à la douleur.

«Un homme a une pilosité plus fournie et plus difficile à épiler et il sait qu’une épilation peut être une opération douloureuse, explique Julien Cannessant-Molla. Il sera donc vigilant à faire le moins de mal possible, en appliquant des bandes plus petites, par exemple.»

Un homme pour les clients hommes

Par ailleurs, la présence d’un esthéticien est un sérieux atout pour élargir votre clientèle.

Les hommes sont de plus en plus nombreux à souhaiter l’accès aux soins esthétiques mais certains n’osent pas encore franchir le pas par crainte de se trouver confrontés à des regards féminins.

Être reçu par un homme qui a les mêmes problématiques beauté est un facteur de fidélisation important car, une fois qu’ils ont sauté le pas et qu’ils se sentent à l’aise, ils n’ont aucune envie de changer, contrairement aux femmes beaucoup plus volatiles dans leurs comportements beauté.

La nouvelle génération, baptisée Y (pour ceux nés entre 1980 et 2000) ou Z (nés au début des années 2000) est également une clientèle qui peut être séduite par le choix de recruter un homme pour les soins esthétiques.

Plus décomplexés que leurs aînés par rapport à l’identité sexuelle, ils ont tendance à apprécier cette mixité dans les lieux de beauté et participent activement à la levée de certains tabous.

Les écueils à éviter 

On ne peut nier toutefois qu’il existe encore des réticences, même si elles ne sont pas forcément du côté de la clientèle, comme le fait remarquer Julien Cannessant-Molla : «Les freins à recevoir des soins par un esthéticien proviennent souvent de ce que la responsable de l’institut ou le reste de l’équipe transmet comme message à leurs clientes».

Et le plus souvent, c’est subliminal.

Par contre, ce sera un homme…

«Quand on prend le rendez-vous et que l’on conclut en disant : «Par contre, votre soin sera effectué par un homme, est-ce que cela vous dérange… ?», la cliente va percevoir cette hésitation et se poser des questions ou même refuser.

La manière idéale, quand on confirme le rendez-vous, est de conclure avec naturel “C’est untel qui s’occupera de vous”. Dans ce cas, les refus sont très rares».

Mélanger les hommes et les femmes !

L’autre point essentiel, si vous voulez profiter de l’arrivée d’un esthéticien pour faire cohabiter une clientèle masculine et féminine dans votre institut, c’est de toujours mettre en place des procédures qui permettent de garantir à vos clients un espace rien que pour eux et leur éviter ainsi d’attendre dans un lieu où ils peuvent croiser d’autres clientes.

«Dans mon institut, je fais toujours en sorte que la cabine prévue pour le soin homme soit prête cinq à dix minutes avant, ainsi le client peut s’y installer tranquillement sans passer par l’espace attente», explique Julien Cannessant-Molla.

Un élément modérateur dans l'équipe 

Le recrutement d’un nouveau membre est toujours un événement particulier pour une équipe déjà constituée car elle fait forcément bouger les lignes et peut remettre en question son équilibre. L’arrivée d’un homme est-elle encore plus perturbante ?

Tout dépend de votre attitude en tant que manager. Vous devez déjà être vous-même convaincue de votre choix, des bénéfices que cela va apporter à votre institut et pas seulement céder à un effet de mode.

D’autre part, il est essentiel d’en parler en amont et d’en expliquer les raisons avec votre équipe, mais également de bien cerner les missions que vous souhaitez confier à l’esthéticien que vous embauchez, que ce soit une création ou un simple remplacement après un départ.

De même, il est important de laisser chaque membre de l’équipe s’exprimer afin de mettre au jour d’éventuelles difficultés, qui peuvent être de l’ordre de la pudeur (partage de l’espace vestiaire, par exemple) ou religieux.

C’est plus simple de déminer le terrain avant la prise de fonction de votre nouvelle recrue, plutôt que de les découvrir une fois qu’il est en place.

Lorsque ce travail est fait, ce nouveau collègue a toutes les chances d’être bien accueilli et, selon Julien Cannessant-Molla, une présence masculine est souvent un élément modérateur dans une équipe essentiellement féminine.

Il porte un regard différent sur les problématiques que l’on rencontre au quotidien avec la clientèle, le matériel… Et cette simple différence crée une atmosphère plus sereine.