Esthétique à La Réunion : un secteur en plein essor mais sous tension
Instituts de beauté à La Réunion : un boom des créations mais une rentabilité fragile
Selon une étude commandée par la CNAIB, l’île de La Réunion comptait en 2023 1 024 instituts. Corine Bédier, qui préside le syndicat local depuis 20 ans, estime qu’ils sont aujourd’hui au nombre de 1 300. Les choses vont en effet très vite, puisqu’en 2022, il s’était créé 227 instituts, soit quasiment un quart des établissements de l’île.
Pour autant, s’il est assez simple de s’installer, il n’est pas si évident d’en vivre et de profiter d’une clientèle durablement. C’est ainsi que, selon cette étude, pour les esthéticiennes qui travaillent hors institut, le taux de survie des entreprises à 5 ans plafonne à 34 %. Autrement dit, un micro-entrepreneur sur trois exerçant à domicile ne franchit pas le cap des 5 ans d’activité. À l’opposé, lorsque l’activité se fait en institut, le taux de pérennité des établissements s’élève à 69 %.
Esthéticiennes réunionnaises : un chiffre d’affaires en baisse dans un contexte économique tendu
Près de 7 instituts de beauté sur 10 ont fait part d’une baisse de leur chiffre d’affaires en 2023, comparativement à 2022. Dans 20 % des cas, la contraction des recettes excède les 15 % du chiffre d’affaires.
A contrario, seuls 21 % des instituts déclarent une progression de leur activité au cours de l’année écoulée.
Aussi, 41 % des esthéticiennes ont maintenu leurs tarifs au détriment de leurs marges commerciales et près de la moitié d’entre elles (48 %) se disent inquiètes pour l’avenir.
Pourquoi les instituts de beauté à La Réunion peinent à survivre ?
Corine Bédier donne plusieurs explications à cette situation compliquée. En premier lieu, la crise du pouvoir d’achat impacte La Réunion plus que la métropole, puisque l’on estime que le coût de la vie y est de l’ordre de 30 % plus élevé. Les coûts ont beaucoup augmenté… Il est difficile de se fournir en matières premières : par bateau cela prend du temps, par avion c’est beaucoup plus cher.
L’esthéticienne souligne également le niveau de salaires très bas parmi la population insulaire. Enfin, le fait que 9 esthéticiennes sur 10 travaillent seules limite les démarches de redressement judiciaire. « Alors, elles ferment tout bonnement leur institut », explique-t-elle.
Concurrence illégale et travail non déclaré dans l’esthétique
À La Réunion, les esthéticiennes sont victimes du travail illégal et de personnes non formées qui s’installent sans compétences ni diplômes, un phénomène courant dans l’artisanat.
« Nous devons donc monter en compétence et les faire reconnaître. Nous touchons au corps humain. Le consommateur doit prendre conscience de cela… En ce qui nous concerne, s’ajoute une notion de santé publique que celles et ceux qui exercent illégalement notre métier ne maîtrisent pas », insiste Corine Bédier.
Formation esthétique et nouvelles compétences : un levier d’avenir pour les professionnelles
C’est du moins ce qui ressort de l’enquête : 49 % des cheffes d’entreprises déclarent avoir besoin d’un renforcement de leurs compétences. Pour Corine Bédier, cette évolution est aussi un moyen de lutter contre la concurrence illégale.
Elle plaide pour un accès raisonné aux nouvelles technologies, avec des appareils plus abordables financièrement. « Nous devons aussi développer l’expertise de nos mains et faire du bien vieillir ou de l’anti-aging avec elles… »
Monter en compétence, c’est aussi viser des formations de haut niveau, ce qui n’est pas incompatible avec les métiers manuels. « Nous avons la faculté de l’intelligence des mains et la technologie peut permettre d’optimiser cette intelligence. »
Communication, réseaux sociaux et gestion : des clés pour la pérennité des instituts de beauté
« Nous devons nous mettre sans cesse à niveau, car nos clientes sont curieuses des nouveautés qu’elles découvrent. Nous devons suivre le mouvement pour offrir la nouveauté que notre clientèle attend. »
La formation concerne aussi la communication et les réseaux sociaux, pour mieux faire connaître ses compétences. Sans oublier le marketing et la gestion d’entreprise, car les esthéticiennes ne doivent jamais oublier qu’elles sont avant tout des cheffes d’entreprises.
À La Réunion, des offres de formation existent, mais il reste possible de se rendre en métropole pour assister au Congrès International Esthétique & Spa.