Comment j'ai géré de graves dégâts dans mon institut ?

J'ai un institut de 71m2 avec trois cabines. Le statut juridique de mon établissement est l'Entreprise individuelle. Je travaille seule avec la marque Etanaé. Je propose des massages en particulier autour de l'ayurvéda, du maquillage permanent et de la lumière pulsée. 

Lorsque tout a basculé...

Lors du premier confinement en 2020, je me rendais régulièrement à mon institut afin de m’assurer que tout allait bien et pour faire fonctionner mes appareils. Le 14 mai, la veille de la réouverture de mon institut, tout allait bien. Mais le lendemain, quand je suis arrivée, les murs, mes appareils, mes meubles, tout mon institut était recouvert d’excréments ! Tout était abîmé à cause de l’humidité. Mon institut est situé au rez-de-chaussée d’un immeuble et j’ai récupéré toute la saleté de l’immeuble entier ! À ce jour, je ne sais toujours pas ce qu’il s’est passé... Personne n’est capable d’expliquer ce qui a pu arriver !

La guerre des assurances

J’ai donc appelé le syndic de l’immeuble qui a fait appel à un ouvrier et une société spécialisée dans les fosses septiques pour faire le shuntage de la fosse septique. Problème, ils n’ont jamais trouvé la fausse sceptique malgré leur appel à l’aide auprès d’une autre société. Les causes du dommage n’arrêtent pas de changer, c’est une véritable bataille que se sont livré mon assurance et celle de l’immeuble. J’ai donc fait appel à un expert en dehors des assurances pour déterminer avec certitude de quoi il s’agissait, j’attends toujours un retour. Les dégâts étaient très importants, il a fallu arracher le parquet. Malgré les appareils d’assèchement, il a fallu refaire entièrement les murs et l’électricité. On a tout reconstruit. En ce qui concerne mon matériel, j’ai tout perdu sauf mon appareil LPG et mon appareil d’épilation définitive que j’ai pu sauver.

Des démarches compliquées

L’expert de mon assurance est intervenu en juin 2020 et le contre expert est venu courant juillet. Dans un premier temps, on m’a dit que c’était un tuyau qui avait explosé. Ensuite, les entreprises qui sont intervenues ont cherché la fosse septique qu’ils n’ont jamais trouvée. Lorsque je suis allée faire ma déclaration de sinistre auprès de ma société d’assurance, qui normalement assurait mon institut et l’immeuble, on m’a indiqué que l’immeuble n’était plus assuré chez eux. Cela a été le premier gros souci auquel j’ai été confrontée. J’ai découvert que le syndic avait modifié les contrats d’assurance sans en avertir les copropriétaires, dont moi ! Tout cela m’a fait perdre un certain temps avant d’entamer des démarches pour être indemnisée.

Le mot de l’assureur : pour que le syndic d’un immeuble puisse changer les contrats d’assurance, il doit le faire avec l’accord des copropriétaires. Ce type de décision se prend lors des assemblées générales annuelles. Dans le cas de Laetitia Arnould, le syndic n’a donc pas respecté ses obligations.

Quelques conseils

Sortez ce que vous pouvez

En découvrant les dégâts, j’ai pris tout de suite conscience de la gravité de la situation, j’ai donc essayé de sauver ce que je pouvais. Il est important de savoir que l’on peut sortir ce qu’il y a dans l’institut mais il faut aussi faire attention aux dates d’achat. En effet, les assurances indemnisent à neuf (c’est indiqué dans le contrat qu’il faut bien prendre le temps de lire avant signature). La vétusté est prise en compte en fonction de la date d’achat. Cela signifie que plus votre appareil est vieux, plus il est considéré comme vétuste et moins vous êtes indemnisée. J’ai donc sorti tout de suite mon appareil LPG ainsi que mon appareil d’épilation définitive qui étaient récents. Et j’ai bien fait car si cela avait été abîmé, je n’aurais pas eu de quoi racheter un seul des deux appareils ! J’ai dû racheter tout le reste jusqu’aux pinces à épiler qui étaient rouillées.

Le mot de l’assureur : la valeur à neuf est destinée à l’immobilier, le stock en valeur d’achat et le matériel sont indemnisés vétusté déduite. Vous pouvez souscrire en option la valeur à neuf pour votre matériel.

Vérifiez les conditions de l’achat d’un lot

Je suis propriétaire de mes murs et je suis en copropriété. J’ai acheté 71 m2, les tuyaux de tout l’immeuble passent chez moi sur 17 m2. J’ai donc une réparation sur une valeur de 17 m2.

Mon conseil : il est important que vous vérifiiez les conditions de votre lot et les tantièmes qui lui sont affectés.

Le mot de l’assureur : ceci est régi par le règlement de copropriété. Lors d’un sinistre, l’assurance se réfère à ce règlement.

Déclarez votre chiffre d’affaires auprès de votre assurance

Lorsque vous avez sinistre, vous souscrivez à une perte d’exploitation. La perte d’exploitation est calculée en fonction de votre chiffre d’affaires.

Mon conseil : tous les ans, vous devez déclarer à votre assureur votre chiffre d’affaires. Quand vous le faites, il faut le signer avec l’assureur et en garder une copie. Pour ma part, quand on a parlé de perte d’exploitation avec mon assurance, j’ai découvert que mon chiffre d’affaires avait été divisé par deux, ce qui signifie un calcul de perte d’exploitation qui avait été divisé par deux. Si vous ne l’avez pas fait, vous pouvez toujours donner votre résultat grâce à vos tenues de compte, mais pensez-y, cela vous évitera bien des difficultés.

Le mot de l’assureur : il est en effet plus qu’essentiel de voir tous les ans son assureur pour lui déclarer son chiffre d’affaires, surtout lorsqu’il varie d’une année à l’autre. Aussi, lorsque vous achetez des machines coûteuses, il faut inévitablement les déclarer à votre assurance pour être couverte en cas de dommages. La perte d’exploitation est une perte de marge brute. Une perte de marge brute représente les frais fixes additionnés à la marge, on déduit du chiffre d’affaires les charges variables. On considère que si vous n’exploitez pas, vous n’allez pas consommer d’électricité ou de matières premières, donc l’assureur indemnise le chiffre d’affaires, soustrait aux charges variables.

Conservez vos factures

En ce qui concerne le matériel, il faut garder vos factures et surtout en faire des doubles et les conserver ailleurs. Moi, je ne l’avais pas fait, mes factures ressemblaient à du papier mâché, c’était illisible.

Mon conseil : en plus des factures, il faut prendre des photos dès la livraison des produits, appareils, et de la facture. Ainsi, vous maximisez les justificatifs. Étant donné que les miens étaient complètement détruits, l’expert a compté tout mon matériel, jusqu’aux bandes d’épilation, cela lui a pris trois heures. J’avais tout mis dans des sacs-poubelles : un sac bandes, un sac goupillons, un sac cotons...

Le mot de l’assureur : en tant que professionnelle, vous devez fournir des doubles de vos factures à votre comptable et les stocker ailleurs que dans votre institut. Il existe aujourd’hui des outils informatiques comme le Cloud qui vous permettent de stocker vos documents de façon sûre. Cela fait partie des outils dont doivent disposer les chefs d’entreprise. Certains logiciels de gestion de caisse permettent également de gérer ces documents comptables et administratifs. Il faut par ailleurs avoir une gestion des stocks rigoureuse avec des inventaires réguliers.

Stockez vos livraisons en lieu sûr

Comme pour tout le monde, ma réouverture était prévue post confinement. J’avais reçu mes livraisons de produits le 14 mai, quand tout allait bien. Le 15 mai, quand je suis arrivée, tout était fichu car j’avais laissé les cartons au sol, loin d’imaginer ce qui allait se passer. Entre le 14 et le 15 une vétusté de 50 % a été décomptée !

Mon conseil : il faut toujours ranger votre marchandise dès la réception.

Le mot de l’assureur : une vétusté n’est pas prise en compte sur les produits de vente et les consommables puisque c’est neuf, leur valeur ne se déprécie pas. Toutefois, dans certains contrats, une clause spécifie que l’assuré a l’obligation de stocker ses produits au minimum à 10 centimètres du sol. Dans ce cas, un abattement peut alors s’appliquer sur l’indemnité versée par l’assurance. Aussi, si une partie des produits est endommagée, mais pas la totalité, l’assureur peut estimer qu’une partie est encore vendable, donc il ne dédommagera que la partie qui ne pourra pas l’être.

Lisez bien votre contrat d’assurance

La perte d'exploitation 

Quand nous signons notre contrat d’assurance et que l’on voit le paragraphe concernant la perte d’exploitation, on se dit qu’en cas de catastrophe nous serons couverts. Il est très important de bien lire toutes les conditions. La perte d’exploitation est une indemnité qui est versée aux travailleurs indépendants en cas de sinistre pour leur permettre de vivre tout le temps de la fermeture. Pour ma part, je serai indemnisée à la réouverture. Il faudra que j’apporte la preuve d’avoir ré-ouvert pour percevoir mon indemnisation. En attendant, j’ai dû faire des petits boulots pour vivre, mais j’ai dû aussi arrêter car je n’avais pas le droit ! On m’a averti que lorsque l’on occupe un poste de salarié, nous ne pouvons pas être indemnisé car nous ne sommes pas considérés comme sinistré. Alors on survit.

Mon conseil : il faut lire toutes les clauses et conditions de votre contrat concernant la date à laquelle vous serez indemnisée.

Le mot de l’assureur : on parle de conditions particulières dans le cadre d’un contrat, qui sont régies par les conditions générales. Les conditions particulières décrivent ce qui est assuré : le type d’activité, la surface des locaux, la valeur du stock et le montant du chiffre d’affaires. Les conditions générales vont définir ce qui est garanti et comment. Toutefois, les conditions générales sont assez techniques, il n’est pas toujours évident de tout comprendre. La perte d’exploitation est liée à la reprise d’activité. Si vous ne reprenez pas votre activité, il n’y a pas de perte d’exploitation. Pour pouvoir être indemnisé, il faut reprendre l’activité. Dans la gestion du sinistre, l’assureur indemnise donc à la reprise d’activité. Le montant total de la perte d’exploitation ne peut donc être défini qu’à la fin du litige. En temps normal, l’assureur fait des avances notamment sur le matériel pour que l’assuré puisse réinvestir et rouvrir. Le plus sécuritaire est de passer par un réseau d’agents ou de courtiers pour souscrire une assurance.

S’organiser pour surmonter

Après le confinement, mon planning était complet, j’ai dû me débrouiller pour honorer les rendez-vous de ma clientèle. Je ne pouvais pas recevoir la cliente que j’avais tatouée et qui devait faire sa retouche. Stéphanie, une esthéticienne de mon entourage, a fait preuve de beaucoup de solidarité et a mis en place une cagnotte en ligne. Grâce à cela, j’ai eu 1 300 euros Un fournisseur qui ne me connaissait pas m’a envoyé des cartouches de cire, des bandes d’épilation et des pinces à épiler, pour pouvoir prendre en charge un minimum de clientèle. J’ai pris en charge ma clientèle pendant trois semaines à leur domicile. Mon objectif n’était même pas de gagner de l’argent, mais de ne pas perdre mes clientes. Mes clientes ont bien vu que, même dans la panade, je ne les ai pas lâchées.

Des inconvénients post litige

Concernant mon indemnisation, je ne sais pas combien je percevrai, ni si ce sera d’un coup ou petit à petit. Il y a un moment pendant lequel je me suis dit que j’allais me sauver puis vendre pour éviter d’avoir un nouveau sinistre. Je n’ai pas le droit, je suis tenue de ré-ouvrir à la même adresse et tenir minimum un an. Si par malheur dans l’année je fais un dépôt de bilan, je devrais rembourser la totalité des travaux à l’assurance. Étant donné que c’est l’assurance qui va payer les travaux, ils font cela pour éviter les abus. Au total, le coût des travaux, sans compter le matériel esthétique, s’élève à 42 000 euros. Encore une fois, la déclaration de votre chiffre d’affaires à votre assurance permet de définir votre plafond de remboursement en cas de sinistre.

La réouverture

J’ai ré-ouvert l’institut le 1er février 2022 comme prévu après presqu’un an de travaux. J’appréhendais beaucoup. Mais je suis très contente, les clientes sont au rendez-vous. J’ai 50 % de nouvelles clientes, je ne m’y attendais pas. J’ai toujours des problèmes avec les assurances, tout n’est pas encore réglé. Toutefois, la communication auprès de mes clientes et sur mes réseaux sociaux m’a permis de rouvrir de façon assez sereine. Je fais également des offres exceptionnelles sur les prix de mes prestations, à savoir -20 %, pour faire revenir du monde. J’ai pu aussi rencontrer Stéphanie, l’esthéticienne qui avait mis en place une cagnotte en ligne pour m’aider. Nous allons travailler ensemble prochainement, il faut réussir à voir le côté positif même quand tout semble noir.