Incontournables et pourtant si secrètes : les bases de Laire

par Frédéric LEBEL

De la petite usine du quartier de Grenelle...

L’histoire des Fabriques de Laire remonte à la fin du XIXe siècle. À cette époque, la parfumerie prend un nouveau tournant. Elle ne copie plus la nature mais entre dans l’abstraction grâce à la chimie. On passe de la deillegalillegalscription à l’évocation. Les Fabriques de Laire et leurs célèbres bases incarnent cette métamorphose. Première innovation vers 1880 : la production de vanilline obtenue grâce à l’essence de clou de girofle. Vient ensuite l’exploitation du brevet du musc Baur, le premier corps odorant de synthèse capable de remplacer le musc naturel. Puis l’introduction du terpinéol, indispensable en parfumerie pour la compo- sition de notes lilas. Découvertes à la fin du siècle (1892) : l’irone et l’ionone. Ces corps de synthèse permettent de reproduire le parfum de la violette. Un véritable succès, les notes de violette étant particulièrement en vogue dans les années 1900.

L’idée de génie revient à Marie-Thérèse de Laire. À l’époque, les parfumeurs avaient du mal à appré- hender des molécules de synthèse. Marie-Thérèse, elle, sut associer ces molécules à d’autres ingrédients très tendance à l’époque, comme la rose et le jasmin.

Dorénavant, ces bases allaient devenir indispensables, même aux plus grands nez...

À l'entreprise internationale Symrise

Plusieurs usines plus tard (Calais, New- York, Issy-les-Moulineaux), Edmond Roudniska, le grand compositeur de parfums, le créateur de «Diorossimo» (Dior), l’«Eau Sauvage» (Dior), l’«Eau d’Hermès», «Femme» (Rochas), etc., rejoint de Laire comme «composi- teur d’odeurs» et crée de nouvelles bases. D’autres nez talentueux tels Henri Robert (Chanel : «N°19», «Pour Monsieur», «Cristalle»), Guy Robert («Calèche» d’Hermès, «Madame Rochas») entrent plus tard chez de Laire. Chacun créant d’autres bases. Après plusieurs ventes et rachats de la société, Symrise en est maintenant propriétaire. Non seulement, elle est détentrice des formules des célèbres bases, mais après presque dix ans de travail collégial impliquant les parfumeurs Symrise, elle présente douze nouvelles bases. Certaines furent pré- sentées à l’occasion des WPC (World Perfumery Congress) à Nice.

Un regard de parfumeur

Pascal Sillon, parfumeur chez Symrise, est un passionné des bases de Laire. Elles ont même été le sujet de son mémoire de fin d’études. Il fait partie des parfumeurs qui ont travaillé de nouvelles bases, des «pré-parfums» relancés en 2016. «Initialement, l’objectif de ces bases était de procurer un outil dont les parfumeurs comme Coty ou Guerlain pouvaient se ser- vir facilement.» Les bases ne sont pas en effet de simples mélanges d’ingrédients. «Ce sont déjà des parfums, avec une vraie complexité, des facettes...» Les bases, elles-mêmes composées de sous-bases, complexifient les accords. «Si elles ont été un peu oubliées au cours des dernières décennies, c’est uniquement parce que l’écriture des parfums a changé depuis les années 90. Les formules se sont raccourcies» souligne Alienor Massenet. Mais aujourd’hui, leur signature intemporelle est toujours d’actualité. La meilleure preuve : de toutes nouvelles bases sont élaborées «pour nous faire plaisir et raconter de belles histoires», précise Pascal Sillon. 

Les 12 nouvelles bases Symrise

Elles ouvrent un champ d’expérimentation aussi inédit qu’exclusif aux parfumeurs de la Maison Symrise qu’ils intègrent dans leurs créations. Ils les dosent avec précision et les associent de manière originale. Les douze nouveaux diamants olfactifs : Rouge Groseille DL, Miel Essentiel DL, Mousse de Saxe 18 DL, Noir Prunol DL, Tabac Bourbon DL, Ambre 84 DL, Osmanthus Guilin DL, Poivre Piqué DL, Cuir Velours DL, Tubéliane DL, Lily Cristal DL et Ambre d’Or DL. De vraies pépites. www.symrise.com