Conclure et gérer son bail commercial

Il est indéniable que le bon choix de l’emplacement d’un commerce est le gage de la réussite de la future activité commerciale, mais également un investissement sur lequel on peut capitaliser. En effet, même si le succès du commerce s’avérait inférieur à celui qui était prévu entrainant ainsi, dans l’hypothèse d’une vente, une valeur de fonds de commerce peu élevée, la valeur du droit au bail d’un bon emplacement peut compenser cela de manière significative et permettre la réalisation d’une plus-value en cas de cession.

Il est donc très important non seulement de bien choisir votre emplacement, mais aussi de bien lire et bien négocier votre bail commercial.

Bien lire et négocier son bail

Durée
Un bail commercial est conclu pour une durée minimum de 9 ans, pouvant aller dans la pratique jusqu’à 12 ans.
S’il peut être conclu pour une durée plus longue, il ne peut l’être pour une durée indéterminée.

Attention, si votre bail est supérieur à 9 ans, votre bailleur pourra augmenter votre loyer de manière conséquente (sans plafonnement) lors de son renouvellement. Il faut donc exclure cette possibilité lors de la négociation du bail.

Lorsque le bail est conclu pour une durée de 9 ans, le locataire peut librement donner au bailleur un «congé triennal» aux 3ème et 6ème anneées. Pour sa part, le bailleur ne pourra pas résilier le bail avant son terme de 9 ans, sauf faute du locataire et certains cas encadrés par la loi.

Certains baux, supérieurs à 9 ans, privent le locataire de son droit de résiliation du bail au premier et/ou deuxième terme triennal (3 ans et/ou 6 ans). Dans ce cas, si le locataire renonce à son droit de résiliation triennale, il peut négocier une contrepartie : par ex, prise en charge d’une partie des travaux par le bailleur, franchise de loyers importante au début de l’activité, etc.

Destination et enseigne
Les parties déterminent librement la «destination du bail», c’est-à-dire la ou les activités qui peuvent y être exploitées. Toute autre activité que celle stipulée dans le bail est interdite au locataire, sous peine de résiliation du bail à ses torts.

La destination du bail ne doit pas être rédigée de manière trop restrictive, afin de permettre l’exploitation du fonds de commerce et du concept du réseau, ainsi que de ne pas diminuer la valeur du droit au bail. En effet, plus l’activité stipulée au bail est large, plus sa valeur sera importante. Ainsi, les baux «tout commerce» se vendent à des prix largement supérieurs aux baux spécialisés.

Il faut éviter la stipulation de l’enseigne sous laquelle sera exploité le local loué. Outre le fait que la restriction à une enseigne précise n’est pas légale, chaque changement d’enseigne nécessitera l’accord express du bailleur, avec le respect du formalisme prévu dans le bail et donc le paiement d’éventuels frais (frais de dossier, honoraires, frais de changement du bail, etc).

Loyer et autres conditions financières
Le montant du loyer
Le montant du loyer est librement fixé par le locataire et le bailleur mais doit rester cohérent avec les prix pratiqués dans le voisinage, la destination et les caractéristiques des locaux, et l’environnement commercial.

Le loyer peut être :
- soit un loyer variable correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaires généré par le locataire – et qui peut le cas échéant être couplé à un loyer minimal fixe,
- soit un loyer fixe, HT et hors charges, révisable dans les conditions suivantes :
• la révision du loyer doit pouvoir être opérée aussi bien à la hausse qu’à la baisse. La mention d’une révision uniquement à la hausse n’est pas légale,
• le loyer peut tout d’abord subir une «révision» annuelle en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC) publié par INSEE, 
• il peut ensuite faire l’objet d’une «révision triennale»  aux 3ème et 6ème années. Cette révision, qui est à l’initiative tant du locataire que du bailleur, ne peut en principe excéder le coût de variation de l’indice ILC.

Toutefois, lors de ces révisions, le bailleur peut demander une augmentation plus importante du loyer dans les cas prévus par la loi, qui ne peut toutefois être supérieure, pour une année, à 10 % du montant du loyer versé l’année précédente.

Cependant, cette disposition n’étant pas d’ordre public, le bailleur pourrait être tenté d’y faire renoncer le locataire par une clause du bail. Attention, si le bail comporte cette renonciation, vous pouvez vous retrouver avec une augmentation très significative des loyers par rapport au bail initial.

Les autres conditions financières
Concernant les autres conditions financières, il s’agit géneéralement du versement d’un dépôt de garantie qui ne peut être supérieur à 2 termes de loyer (deux mois pour le loyer mensuel, 6 mois pour un loyer trimestriel).

Le bailleur peut en outre demander des garanties pour le paiement des sommes dues par le locataire. Il s’agit soit d’une caution personnelle, simple ou solidaire, soit d’une garantie à première demande par laquelle une banque s’engage à payer à la simple demande du bailleur une somme d’argent déterminée, sans pouvoir contester le montant ou s’opposer à la demande de paiement. Attention, la garantie bancaire à première demande représente un coût pour le locataire : soit la banque va vous facturer annuellement ce service, soit, le plus souvent, elle va vous demander de bloquer sur un compte spécial le montant égal au montant de la garantie demandée par le bailleur. Un conseil : négociez plutôt une caution simple que solidaire et évitez la garantie bancaire à première demande.

Enfin, le bailleur peut demander le versement d’un «droit d’entrée» ou de «pas-de-porte», il s’agit en quelque sorte d’un paiement pour obtenir la mise à disposition des locaux, c’est une somme assez conséquente payée une fois, à la signature du bail. Sa nature doit être précisée dans le contrat, puisque le locataire pourra le déduire des bénéfices imposables s’il s’agit d’un supplément de loyer, mais non s’il s’agit d’une indemnité.

Négociez plutôt une caution simple que solidaire

Charges et travaux
La répartition des charges et des dépenses entre le locataire et le bailleur doit obligatoirement figurer dans le contrat de bail dans un inventaire précis et limitatif.

Le locataire doit supporter les dépenses d’entretien et de réparations courantes liées aux locaux loués et les impôts et taxes relatives à son activité. Sont considérées comme étant liées à l’occupation des locaux, et donc incombant au locataire, les charges suivantes :
- dépenses courantes d’eau, de gaz et d’électricité,
- dépenses d’entretien et de réparations courantes : peintures, papiers peints, moquettes, appareils de chauffage, compteurs, sanitaires, volets extérieurs...,
- dépenses d’équipement de la copropriété : quote-part des frais d’ascenseurs ou des charges du personnel d’entretien,
- travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique,
- impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont bénéficie le locataire : taxe foncière, taxes additionnelles à la taxe foncière, voirie, enlèvement des ordures ménagères..., que le bailleur peut contractuellement mettre à la charge du locataire.

En revanche, les charges suivantes ne peuvent plus être contractuellement transférées au locataire et doivent être assumées par le bailleur :
- les dépenses relatives aux gros travaux de l’article 606 du code civil (appelés «le clos et le couvert»),
- les dépenses relatives aux travaux liés à la construction ou de mise aux normes lorsqu’il s’agit de gros travaux de l’article 606 du code civil,
- les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local loué,
- les impôts, taxes et redevances liés à la propriété des locaux (sauf les taxes foncière et additionnelles), ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage des locaux loués ou de l’immeuble ou à un service (contribution économique territoriale, taxes sur les parkings, etc.),
- les charges, impôts, taxes, redevances et coût des travaux portant sur des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.

Sort des améliorations et travaux du locataire
Quand bien même il ne participe pas à leur financement, le bailleur bénéficiera des travaux et améliorations réalisés par le locataire, sans avoir à l’indemniser.

Il est recommandé de prévoir que le bailleur deviendra propriétaire des travaux et des améliorations «à la fin de jouissance» (appelée «clause d’accession en fin de jouissance»), c’est-à-dire lorsque le locataire quitte définitivement les locaux, et non pas «en fin du bail», c’est-à-dire au moment du renouvellement. En effet, s’il est prévu une «accession en fin de bail», le bailleur pourra se prévaloir de ces améliorations et travaux pour augmenter le loyer lors du premier renouvellement du bail.

Plus l’activité stipulée au bail est large et plus sa valeur sera importante

Annexes
Les annexes suivantes doivent obligatoirement être communiquées par le bailleur ou le locataire :
- un diagnostic technique relatif aux risques naturels et technologiques, aux performances énergétiques, etc.,
- un état récapitulatif des travaux que le bailleur a réalisé dans les trois années précédant la prise d’effet du bail et un état prévisionnel des travaux du bailleur,
- un état des lieux d’entrée ou de sortie qu’il est conseillé d’établir par un huissier, dont les frais seront partagés entre le bailleur et le locataire,
- pour les surfaces supérieures à 2 000 m2, une annexe environnementale comprenant un deillegalillegalscriptif des caractéristiques énergétiques des équipements et des systèmes de chauffage, d’eau, de tri, etc. du bâtiment et des locaux loués, leur consommation réelle d’eau et d’énergie, et la quantité de déchets générée.

Bien gérer le renouvellement de son bail

A l’arrivée du terme du bail (généralement, 9, 10 ou 12 ans), le bailleur peut notifier au locataire un congé simple (non-renouvellement du bail) ou un congé avec une offre de renouvellement dans les mêmes conditions ou avec une augmentation du loyer.

De même, le locataire peut notifier lui-même au bailleur un congé simple (non-renouvellement du bail) ou une demande de renouvellement. Attention, pour la dénonciation du bail, les délais stipulés dans le bail (généralement 6 mois) et la forme (LRAR ou par l’huissier) doivent être respectés.

Sans notification du bailleur ou du locataire, le bail se poursuit par tacite prolongation, sans indication de durée. Dans ce dernier cas, le bail devient à durée indéterminée et pourrait être résilié aussi bien par le locataire que par le bailleur à tout moment.

Lorsque le bailleur notifie un congé simple ou refuse la demande de renouvellement faite par le locataire, le bail est résilié. Le locataire peut contester cette résiliation en saisissant le tribunal dans un délai de 2 ans ou demander le paiement d’une indemnité d’éviction (généralement, correspondant à la valeur du fonds de commerce perdu, qui sera déterminé soit par accord entre le locataire et le bailleur, soit par un expert désigné par le tribunal). Dans l’attente de la décision du tribunal, le locataire sera maintenu dans les locaux et il devra continuer à régler ses loyers.

Lorsque le bailleur notifie un congé avec offre de renouvellement, la durée du bail renouvelé est de 9 ans maximum, sauf accord postérieur des parties pour une durée plus longue.

Le montant du loyer du bail renouvelé est librement fixé entre le locataire et le bailleur. Il est soumis aux mêmes règles de plafonnement que celles prévues pour la «révision triennale». Le loyer pourra cependant être déplafonné, notamment lorsque :
- le bail initial (avant le renouvellement) est d’une durée supérieure à 9 ans,
- le bail initial est d’une durée de 9 ans mais a été tacitement prolongé pour une durée supérieure à 12 ans ;

Il est donc important de ne pas oublier d’envoyer au bailleur, avant la fin de votre bail initial, la demande de renouvellement du bail !

Attention, l’oubli de demander le renouvellement de votre bail au bailleur peut vous exposer à l’augmentation significative (déplafonnement) de vos loyers ou, encore, à la résiliation de votre bail à tout moment par le bailleur.

N’oubliez surtout pas d’envoyer votre demande de renouvellement du bail

Réussir la cession de son bail commercial

Le «droit au bail» est le droit d’occuper les locaux commerciaux pour exercer son activité professionnelle. Il peut être cédé seul (cession du droit au bail) ou avec le fonds de commerce (cession du fonds de commerce) du locataire. Dans les deux cas, le nouveau locataire ne pourra, en principe, occuper les locaux que pour la durée restant à courir du bail repris, en bénéficiant du droit à son renouvellement si certaines conditions sont remplies.

Lorsque le locataire cède son droit au bail seul, il doit en demander l’autorisation expresse au bailleur. Ce dernier peut s’y opposer. S’il donne son accord, il peut demander une indemnité, notamment lorsque l’activité exercée par l’acheteur sera différente. Attention, si vous cédez ou achetez votre seul droit au bail dans le courant de la dernière période triennale, il faut vous assurer au préalable de l’engagement écrit du bailleur de renouveler le bail avec l’acheteur. En effet, l’acquéreur qui a acquis le seul droit au bail au cours de la dernière période triennale peut se voir refuser le renouvellement du bail ou le droit à indemnité, même s’il exerce la même activité que le cédant.

Le bailleur ne peut cependant interdire au locataire de céder son fonds de commerce (la cession du fonds inclut la cession du droit au bail). Il peut en revanche (si le bail le prévoit) avoir le droit d’agrément de l’acheteur (notamment, pour des raisons de solvabilité de ce dernier) ou encore, le droit d’être informé et être appelé à la signature de l’acte de cession.

Les baux prévoient fréquemment une «clause de solidarité», aussi bien dans le cas de cession du droit au bail que du fonds de commerce, par laquelle le cédant garantit le bailleur des défauts d’exécution et de paiement du nouveau locataire pendant une durée maximum de 3 ans (la durée supérieure à 3 ans n’est pas légale). Cette clause est bien sûr négociable.

Pour mettre en oeuvre cette «clause de solidarité», le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du nouveau locataire dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée. Aucune sanction en cas de manquement du bailleur n’étant prévue par les textes, il doit être prévu dans le bail qu’à défaut d’information, le bailleur ne pourra réclamer au cédant le paiement des sommes dont le nouveau locataire aurait dû s’acquitter.

La lecture du bail commercial par un non-juriste peut s’avérer laborieuse et la négociation de son contenu ou la formalisation de sa cession, complexes, alors que l’importance du bail est primordiale pour un commercant. Il ne faut pas hésiter à vous entourer d’un conseil professionnel pour que votre bail vous soit profitable.