Comment conclure et gérer votre bail commercial ?

La CNAIB Spa, toujours au plus près des attentes des professionnels de l’esthétique, a proposé à toutes ses adhérentes pendant les confinements un échange avec les avocats du cabinet SCP BMGB et Associés.

C’est Pascale Monthus, présidente CNAIB du 75, qui a animé ce débat, dont voici un extrait. C’est l’un des très nombreux services de la CNAIB rendus à ses adhérentes.

De manière générale, le bon choix de l’emplacement du commerce est le gage de sa future réussite, mais également un investissement sur lequel vous pouvez capitaliser.

En effet, même si le succès du commerce s’avérait inférieur à ce qui était prévu, la valeur du droit au bail d’un bon emplacement peut compenser cela de manière significative et permettre la réalisation d’une plus-value en cas de cession.

Il est donc très important non seulement de bien choisir votre emplacement, mais aussi de bien lire et bien négocier votre bail commercial.

La durée du bail 

Un bail commercial est conclu pour une durée minimum de 9 ans, pouvant aller jusqu’à 12 ans dans les centres commerciaux.

Le bail de 9 ans

Lorsque le bail est conclu pour une durée de 9 ans, le locataire peut le résilier librement et sans indemnité au bout de 3 ou 6 années.

De son côté, le bailleur ne pourra pas résilier le bail avant son terme de 9 ans, sauf faute du locataire et certains cas encadrés par la loi.

Le bail supérieur à 9 ans

Attention, si votre bail est supérieur à 9 ans, votre bailleur pourra augmenter votre loyer de manière conséquente (sans plafonnement), lors de son renouvellement.

Il faut donc exclure cette possibilité lors de la négociation du bail. Certains baux, supérieurs à 9 ans, privent le locataire de son droit de résiliation du bail au premier et/ou deuxième terme triennal et ont ainsi une durée minimale «ferme» de 6 ou de 9 ans.

Dans ce cas, si le locataire renonce à son droit de résiliation triennale, il peut négocier une contrepartie : comme la prise en charge d’une partie des travaux par le bailleur, une franchise de loyers importante au début de l’activité, etc.

La destination du bail 

Les parties déterminent librement la «destination du bail», c’est-à-dire la ou les activités qui peuvent y être exploitées.

Toute autre activité est alors interdite au locataire, sous peine de résiliation du bail à ses torts et toute modification de cette activité (sauf activités dites «connexes») donnerait lieu au paiement d’une «indemnité de déspécialisation» au profit du bailleur pour obtenir son accord.

Privilégiez le «tout commerce»

La destination du bail ne doit pas être rédigée de manière trop restrictive, plus l’activité stipulée au bail est large, plus sa valeur sera importante.

Ainsi, les baux «tout commerce» se vendent à des prix largement supérieurs à ceux des baux spécialisés.

L’enseigne 

Évitez de mettre dans le bail le nom de votre enseigne sous laquelle sera exploité le local loué. Outre le fait que la restriction à une enseigne précise n’est pas légale, chaque changement nécessitera l’accord express du bailleur, avec le respect du formalisme prévu dans le bail et donc le paiement d’éventuels frais (frais de dossier, honoraires, frais de changement du bail, etc).

Le loyer 

Le montant du loyer est librement fixé par le bailleur et son locataire, mais doit rester cohérent avec les prix pratiqués dans le voisinage, la destination et les caractéristiques des locaux, et l’environnement commercial.

Le loyer peut être :

- un loyer variable (un pourcentage du chiffre d’affaires généré par le locataire) et qui peut le cas échéant être couplé à un loyer minimal fixe,

- un loyer fixe, HT et hors charges, révisable aussi bien à la hausse qu’à la baisse. La mention d’une révision uniquement à la hausse n’est pas légale.

La révision du loyer

Le loyer peut tout d’abord subir une «révision» annuelle en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC) publié par l’INSEE. Il peut ensuite faire l’objet d’une «révision triennale» à la troisième ou à la sixième années.

Cette révision, qui est à l’initiative, tant du locataire que du bailleur, ne peut en principe excéder le coût de variation de l’indice ILC.

Toutefois, lors de ces révisions, le bailleur peut demander une augmentation plus importante du loyer dans les cas prévus par la loi, qui ne peut toutefois excéder, pour une année, 10 % du montant du loyer versé l’année précédente.

Cette disposition n’étant pas d’ordre public, le bailleur pourrait être tenté d’y faire renoncer le locataire par une clause du bail.

Attention, si le bail comporte cette renonciation, vous pouvez vous retrouver avec une augmentation très significative des loyers par rapport au bail initial.

Autres conditions financières

Concernant les autres conditions financières, il s’agit généralement du versement d’un dépôt de garantie. Si le montant de ce dépôt de garantie est supérieur à deux termes de loyer (deux mois pour le loyer mensuel, six mois pour un loyer trimestriel), il produira des intérêts à votre profit pour la partie excédante.

Les garanties

Le bailleur peut demander des garanties pour le paiement des sommes dues par le locataire. Il s’agit soit d’une caution personnelle, simple ou solidaire, soit d’une garantie à première demande par laquelle une banque s’engage à payer à la simple demande du bailleur une somme d’argent déterminée, sans pouvoir contester le montant ou s’opposer à la demande de paiement.

Attention, la garantie bancaire à première demande représente un coût pour le locataire : soit la banque va vous facturer annuellement ce service, soit, le plus souvent, elle va vous demander de bloquer sur un compte spécial le montant égal au montant de la garantie demandée par le bailleur.

Un conseil : négociez plutôt une caution simple que solidaire et évitez la garantie bancaire à première demande.

Droit d'entrée et pas-de-porte

Le bailleur peut demander le versement d’un «droit d’entrée» ou de «pas-de-porte». Il s’agit en quelque sorte d’un paiement pour obtenir la mise à disposition des locaux.

C’est une somme assez conséquente payée une fois, à la signature du bail. Sa nature doit être précisée dans le contrat, puisque le locataire pourra la déduire des bénéfices imposables s’il s’agit d’un supplément de loyer, mais pas s’il s’agit d’une indemnité.

Charges et travaux 

La répartition des charges et des dépenses entre le locataire et le bailleur doit obligatoirement figurer dans le contrat de bail dans un inventaire précis et limitatif.

Les charges du locataire

Le locataire doit supporter les dépenses d’entretien et de réparations courantes liées aux locaux loués et les impôts et taxes relatives à son activité, telles que :

- dépenses courantes d’eau, de gaz et d’électricité,

- dépenses d’entretien et de réparations courantes : peintures, papiers peints, moquettes, appareils de chauffage, compteurs, sanitaires, volets extérieurs…,

- dépenses d’équipement de la copropriété : quotepart des frais d’ascenseurs ou des charges du personnel d’entretien,

- travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique,

- impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont bénéficie le locataire : taxe foncière, taxes additionnelles à la taxe foncière, voirie, enlèvement des ordures ménagères…

Les charges du bailleur

Les charges suivantes doivent être assumées par le bailleur :

- dépenses relatives aux gros travaux de l’article 606 du Code civil (appelés «le clos et le couvert»),

- dépenses relatives aux travaux liés à la construction ou de mise aux normes lorsqu’il s’agit de gros travaux de l’article 606 du Code civil,

- honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local loué,

- impôts, taxes et redevances liés à la propriété des locaux (sauf les taxes foncières et additionnelles), ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage des locaux loués ou de l’immeuble ou à un service (contribution économique territoriale, taxes sur les parkings, etc.),

- charges, impôts, taxes, redevances et coût des travaux portant sur des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.

Les améliorations et travaux du locataire

Quand bien même il ne participe pas à leur financement, le bailleur bénéficiera des travaux et améliorations réalisés par le locataire, sans à avoir à l’indemniser.

L’accession en fin de bail

Il est recommandé de prévoir que le bailleur deviendra propriétaire des travaux et des améliorations «à la fin de jouissance» (appelée «clause d’accession en fin de jouissance»), c’est-à-dire lorsque le locataire quitte définitivement les locaux, et non pas «en fin du bail», c’est-à-dire au moment du renouvellement.

En effet, s’il est prévu une «accession en fin de bail», le bailleur pourra se prévaloir de ces améliorations et travaux pour augmenter le loyer lors du premier renouvellement du bail.

Le renouvellement du bail 

À l’arrivée du terme du bail de 9, 10 ou 12 ans, le bailleur peut notifier au locataire un congé simple (non-renouvellement du bail avec une indemnité d’éviction) ou un congé avec une offre de renouvellement dans les mêmes conditions ou avec une augmentation du loyer.

La résiliation du bail

Par le locataire

Le locataire peut notifier lui-même au bailleur un congé simple (non-renouvellement du bail) ou une demande de renouvellement.

Attention, pour la dénonciation du bail, les délais stipulés dans le bail (généralement 6 mois) et la forme (LRAR ou par l’huissier) doivent être respectés.

Par le bailleur

Lorsque le bailleur notifie un congé simple ou refuse la demande de renouvellement faite par le locataire, le bail est résilié.

Le locataire peut soit le contester, en saisissant le tribunal dans un délai de 2 ans, soit l’accepter et demander le paiement d’une indemnité d’éviction (généralement, correspondante à la valeur du fonds de commerce perdu, qui sera déterminée soit par accord entre le locataire et le bailleur, soit par un expert désigné par le tribunal).

Dans l’attente de la décision du tribunal, le locataire sera maintenu dans les locaux et il devra continuer à régler ses loyers. Lorsque le bailleur notifie un congé avec offre de renouvellement, la durée du bail renouvelé est de 9 ans maximum, sauf accord postérieur des parties pour une durée plus longue.

Sans notification du bailleur ou du locataire, le bail se poursuit par tacite prolongation, sans indication de durée. Dans ce dernier cas, le bail devient à durée indéterminée et pourrait être résilié aussi bien par le locataire que par le bailleur à tout moment.

Le montant du loyer du bail renouvelé

Le montant du loyer du bail renouvelé est librement fixé entre le locataire et le bailleur. Il est soumis aux mêmes règles de plafonnement que celles prévues pour la «révision triennale».

Le loyer pourra cependant être déplafonné, notamment lorsque :

- le bail initial (avant le renouvellement) est d’une durée supérieure à 9 ans ;

- le bail initial est d’une durée de 9 ans mais a été tacitement prolongé pour une durée supérieure à 12 ans. Il est donc important de ne pas oublier d’envoyer au bailleur, avant la fin de votre bail initial, la demande de renouvellement du bail !

Attention, l’oubli de demander le renouvellement de votre bail au bailleur peut vous exposer à l’augmentation significative (déplafonnement) de vos loyers ou, encore, à la résiliation de votre bail à tout moment par le bailleur.

La cession du bail 

Le droit au bail

Le «droit au bail» est le droit d’occuper les locaux commerciaux pour exercer une activité professionnelle. Il peut être cédé seul (cession du droit au bail) ou avec le fonds de commerce (cession du fonds de commerce) du locataire.

Dans les deux cas, le nouveau locataire ne pourra, en principe, occuper les locaux que pour la durée restant à courir du bail repris, en bénéficiant du droit à son renouvellement si certaines conditions sont remplies.

Du côté du locataire

Lorsque le locataire cède son droit au bail seul, il doit en demander l’autorisation expresse au bailleur. Ce dernier peut s’y opposer. S’il donne son accord, il peut demander une indemnité, notamment lorsque l’activité exercée par l’acheteur sera différente.

Attention, si vous cédez ou achetez votre seul droit au bail dans le courant de sa dernière période triennale, il faut vous assurer au préalable de l’engagement écrit du bailleur de renouveler le bail avec l’acheteur.

En effet, l’acquéreur qui a acquis le seul droit au bail au cours des trois dernières années peut se voir refuser le renouvellement du bail ou le droit à indemnité, même s’il exerce la même activité que le cédant.

Du côté du bailleur

Le bailleur ne peut cependant interdire au locataire de céder son fonds de commerce qui inclut la cession du droit au bail, de la clientèle et, souvent, de l’agencement et des stocks. Il peut en revanche, si le bail le prévoit, avoir le droit d’agrément de l’acheteur (notamment, pour des raisons de solvabilité de ce dernier) ou encore, le droit d’être informé et être appelé à la signature de l’acte de cession.

La clause de solidarité

Les baux prévoient fréquemment une «clause de solidarité», aussi bien dans le cas de cession du droit au bail que du fonds de commerce, par laquelle le cédant garantit le bailleur des défauts d’exécution et de paiement du nouveau locataire pendant une durée maximum de 3 ans (la durée supérieure à 3 ans n’est pas légale). Cette clause est bien sûr négociable.

Pour mettre en oeuvre cette «clause de solidarité», le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du nouveau locataire dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée.

Aucune sanction en cas de manquement du bailleur n’étant prévue par les textes, il doit être prévu dans le bail qu’à défaut d’information, le bailleur ne pourra réclamer au cédant le paiement des sommes dont le nouveau locataire aurait dû s’acquitter.

Covid 19 et bail commercial 

Crise sanitaire ou pas

La crise sanitaire a mis en difficulté et les locataires, et les bailleurs.

Aucune disposition légale n’oblige le bailleur à consentir une exonération de loyer pendant les périodes de fermeture administrative du fait de la crise sanitaire. Les tribunaux saisis par les locataires n’ont pas retenu, non plus, de manière certaine aucun des moyens invoqués pour leur permettre d’échapper au paiement des loyers (force majeure, exception d’inexécution face au défaut de délivrance du bailleur, perte de la chose louée…).

Cette jurisprudence reste cependant évolutive.

Le risque en ne payant pas

Une chose est certaine, si le locataire ne paye pas ses loyers correspondant à ces périodes de fermeture administrative, le bailleur pourrait demander leur paiement en justice ou mettre en jeu la clause résolutoire du bail.

Les arguments pour négocier

Aujourd’hui, si le locataire souhaite obtenir un abandon, un report ou un échelonnement de loyers correspondant à ces périodes de fermeture administrative, il devra tenter de convaincre le bailleur à l’amiable à l’aide de plusieurs arguments :

- son obligation de bonne foi qui l’oblige à faciliter l’exécution par le débiteur, confronté à des difficultés exceptionnelles, ou de ne pas alourdir sa situation (solution retenue par le Tribunal judiciaire de Paris le 10 juillet 2020 (n°20/04516) pour qui, au nom de cette obligation de bonne foi : «Les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives»,

- le bailleur et son locataire sont des partenaires commerciaux et que la pérennité du commerce a un effet positif sur la valeur de l’immeuble loué et sur l’établissement d’une relation de confiance sur le long terme,

- le crédit d’impôt dont il bénéficie, s’il procède à un abandon de loyer pour novembre 2020, et qui a pour objet 50 % de ces sommes abandonnées (vérifiez tout de même les conditions d’exigibilité relative à l’entreprise locataire).

Attention, ce crédit d’impôt n’est activable que jusqu’au 31 décembre 2021.

En cas de difficultés à discuter avec le bailleur, l’intervention du médiateur des entreprises mis en place par le ministère de l’Économie et des Finances dans le cadre de la crise Covid- 19 ou de la commission départementale de conciliation des baux commerciaux, pourrait s’avérer utile.

Enfin, à défaut d’obtenir un accord satisfaisant du bailleur et, si celui-ci engage une procédure judiciaire ou met en jeu la clause résolutoire du bail, il reste la possibilité de demander au juge un délai de paiement ou un délai de grâce qui aura pour effet de suspendre l’exigibilité des loyers impayés.

La lecture du bail commercial par un non-juriste peut s’avérer laborieuse et la négociation de son contenu ou la formalisation de sa cession, complexes, alors que l’importance du bail est primordiale pour un commerçant. Il ne faut pas hésiter à vous entourer d’un conseil professionnel pour que votre bail vous soit profitable.