Qu'est-ce que l'alimentation intuitive ?
Explications avec Karine Gravel, nutritionniste et docteur en nutrition au Québec, autrice du livre De la culture des diètes à l'alimentation intuitive : réflexions pour manger en paix et apprécier ses cuisses, KO Éditions.
Un concept américain
Apparue en 1995, l’alimentation intuitive a été créée par deux diététiciennes américaines : Elyse Resch et Evelyn Tribole. L’alimentation intuitive est présentée comme une solution alternative aux régimes, comme l’explique Karine Gravel : «L’alimentation intuitive n’a pas pour objectif d’essayer de contrôler son alimentation, de calculer ou d’enlever/ajouter certains aliments. Au contraire, c’est améliorer sa relation avec la nourriture et son corps. Il s’agit d’une approche bienveillante qui permet de manger les aliments que l’on préfère, dans une quantité qui permet de se sentir bien.
Au lieu de se fier à des informations externes, on se fie à ses informations internes. C’est mieux comprendre ses propres comportements alimentaires. Par exemple, est-ce que certaines émotions nous amènent à manger régulièrement au-delà de sa sensation de rassasiement ? Il n’y a pas de posture de jugement ou de critique. On regarde ce qui peut être amélioré pour se sentir mieux et non se contrôler ou se punir».
Objectif : écouter son corps
Insatisfaite des nombreux régimes alimentaires qu’ont pu suivre certaines per-sonnes, Karine Gravel les accompagne vers un bien-être : «Les personnes qui me consultent ont souvent suivi des régimes alimentaires amaigrissants. Elles sont fatiguées des règles alimentaires de contrôle et souhaitent s’en affranchir. Dans ce cas, l’alimentation intuitive peut être une bonne approche. D’autres pa-tients me consultent car ils émettent des inquiétudes à propos de leur poids, bien que l’objectif de l’alimentation intuitive ne soit pas la perte de poids. Nous abordons, en plus des aliments contenus dans les assiettes, l’image corporelle. Il s’agit d’apprendre à se sentir confortable indépendamment de son poids».
L'alimentation intuitive : pour qui ?
Comme toute approche, l’alimentation intuitive pousse à des réflexions et à un investissement personnel. «On doit vouloir s’investir dans une démarche de changement, cela ne se fait pas tout seul ! J’accompagne mes patients en ce sens. Cela nécessite un petit temps avant de se sentir mieux. C’est quelque chose de graduel et plus durable. C’est pour cette raison qu’il est intéressant de comprendre les attentes des patients. L’idée est de savoir de quoi on part pour amener à une réflexion. Dans le cas de personnes qui souffrent de maladies chroniques ou qui ont un état de santé différent, l’alimentation intuitive peut être adaptée.»
L'alimentation intuitive au quotidien
Les principes
L’experte vous explique : «Il ne s’agit pas de manger n’im-porte quoi, n’importe quand. C’est manger des aliments qui vont être satisfaisants, avec lesquels on se sent bien. Si on est dans l’excès, on ne va pas se sentir bien. La première chose à faire est de se demander pourquoi cela vous intéresse ? Votre cliente veut-elle améliorer quelque chose dans sa relation avec l’alimentation ou son corps ? Si oui, c’est une bonne approche. Être accompagnée par un spécialiste peut être intéressant car parfois, seule, cela n’est pas évident. La mise en place est dif-férente pour chaque personne. On peut travailler la perception des aliments, notamment ceux que l’on ne veut pas avoir chez soi car on a tendance à les consommer dans l’excès. On cesse de catégoriser les aliments en «bons» ou «mauvais» car il y a bien plus de nuances. On travaille également sur la senso-rialité des aliments, prendre le temps de déguster, reconnaître ses préférences… C’est aussi prendre le temps de manger, être à l’écoute de ses sensations de faim.»
En pratique
La mise en pratique de l’alimentation intuitive est unique et adaptée à chaque personne comme l’explique la spécialiste : «Chaque personne est unique, elle a son vécu, ses caracté-ristiques personnelles, ses expériences et ses aspirations. Chaque cheminement est différent mais l’accompagnement d’une personne vers l’alimentation intuitive peut comporter les étapes suivantes, pas nécessairement dans cet ordre :
- travailler sur la restriction cognitive et la notion de poids naturel,
- réintroduire graduellement les aliments «interdits», explorer la percep tion des aliments,
- apprendre à faire l’expérience des aliments, par exemple, déguster, explorer ses préférences, ressentir de la satisfaction et du plaisir à manger,
- travailler sur le rythme de la prise alimentaire,
- explorer les raisons qui amènent à manger et cesser de manger, le «pourquoi» on mange,
- observer ses sensations de faim et de rassasiement et prendre conscience de ce qui peut être amélioré,
- travailler sur les besoins et les préférences alimentaires.
D’autres thèmes sont aussi abordés, comme la culture des régimes, les émotions et l’alimentation, l’image corporelle et la perception de l’activité physique».
Les bénéfices de l’alimentation intuitive
Selon la spécialiste, les bénéfices de l’alimentation intuitive sont nombreux, tant sur le plan nutritionnel que sur la relation avec son corps : «En étant à l’écoute de ses préférences, on mange les aliments dont on a envie, dans une quantité qui permet de se sentir bien ou confortable. Ce qui amène à manger certains aliments en quantités excessives, c’est bien souvent le fait de s’en priver ou d’essayer de se les interdire. Si l’on est à l’écoute de son corps et si on sait que les aliments seront encore disponibles à l’avenir, la notion d’excès s’estompe graduellement et n’existe plus. Il n’y a pas d’aliments permis ou interdits, ni de plan alimentaire.
Qu’en disent les études ?
Dans les quelques études disponibles sur l’alimentation intuitive, on constate que le fait de manger intuitivement amène à une consommation plus grande de légumes et de grains entiers, de même qu’à une plus grande variété alimentaire. Cela fait justement partie des recommandations officielles ! Au lieu de se l’imposer ou de tenter d’être dans le contrôle, on dirige plutôt notre attention sur ce que l’on ressent. Donc à la différence d’un régime, on n’est pas dans le contrôle de notre alimentation, mais dans l’écoute et la bienveillance».