Massages bien-être : la fin du monopole des kinésithérapeutes

Or, pour la première fois, la Cour de cassation a appliqué des dispositions légales mettant un terme à ce monopole, notamment pour les massages dits de «bien-être », les seuls que vous avez toujours pratiqués et pour lesquels vous êtes parfaitement formées.

En 2015, le Conseil National de l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes avait porté plainte pour exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute et s’était constitué partie civile contre une infirmière qui proposait des massages bien-être.

Le juge d’instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu, laquelle avait été confirmée en appel, la cour d’appel ayant considéré que la loi du 26 janvier 2016, dite de «modernisation du système de santé», avait sorti le massage bien-être, à visée non-thérapeutique, du monopole des masseurs-kinésithérapeutes, lesquels ne disposant plus alors d’un monopole que pour les seuls massages à visée thérapeutique.

Deux arrêts en date du 29 juin 2021

Le Conseil National de l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes s’était alors pourvu en cassation arguant que tout massage, qu’il soit ou non à visée thérapeutique, relève bien du monopole légal de la profession de masseur-kinésithérapeute.

Dans deux arrêts en date du 29 juin 2021 (Pourvois n° 20-83.292 et 20-83.294), la Cour de Cassation applique, pour la première fois, le nouveau texte et les nouvelles dispositions légales qui remettent en cause celles antérieures à la loi de 2016.

Des dispositions qui devraient théoriquement s’appliquer à ces deux affaires qui remontent à 2015. Rappelons qu’avant la loi du 26 janvier 2016, le monopole des masseurs-kinésithérapeutes concernait aussi bien les massages à visée thérapeutique que ceux à visée non thérapeutique.

Les tribunaux, comme la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat concluaient dans ce sens dans les nombreuses affaires ayant opposé les masseurs-kinésithérapeutes en particulier aux esthéticiennes pratiquant des massages.

Un mot sur le principe de la «loi pénale plus douce». Lorsqu’il s’agit d’une mise en cause pénale, comme c’est le cas dans celui qui nous préoccupe, le principe de la loi pénale la plus douce doit s’appliquer : elle peut être invoquée pour toutes les infractions n’ayant pas donné lieu à une condamnation.

Donc, tant qu’une infraction n’a pas été définitivement jugée, la loi nouvelle plus douce doit lui être appliquée.

Ce qui signifie qu’il est possible d’appliquer rétroactivement une nouvelle loi dès lors que ses dispositions sont plus favorables à la personne poursuivie.

La compétence exclusive des kinés restreinte aux massages thérapeutiques

La Cour de Cassation considère qu’il résulte des dispositions combinées des articles R. 4321-1 et R. 4321-3 du code de la santé publique, que «seul est qualifiable d’acte professionnel de masso-kinésithérapie le massage qui a pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer».

Elle ajoute que «la compétence exclusive des masseurskinésithérapeutes est donc restreinte aux massages à but thérapeutique».

Les juges considèrent en outre que «les risques sanitaires qui résulteraient de la pratique des massages à finalité non thérapeutique par des personnes autres que des professionnels qualifiés ne sont pas avérés en l’état par les pièces produites et ne peuvent suffire à considérer que tout massage, quelle que soit sa finalité, serait un acte thérapeutique».

Enfin, la loi du 26 janvier 2016 excluant du monopole des masseurs-kinésithérapeutes le massage à visée non thérapeutique, le principe de la loi la plus douce s’appliquant, la Chambre de l’Instruction conclut «qu’il n’existe ainsi pas de charges suffisantes prouvant que la personne incriminée s’est livrée à l’exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute».

À cet égard, la Chambre de l’Instruction souligne que l’infirmière «n’a jamais entretenu de confusion entre les massages qu’elle pratique et des actes thérapeutiques».

Les études pour devenir masseur-kinésithérapeute sont désormais sanctionnées par un diplôme de grade Master.

Elle est en passe d’obtenir un accès direct sans preillegalillegalscription médicale, puisque des expérimentations pourraient être menées prochainement dans ce sens. Elle se dirige doucement vers le statut de profession médicale à compétences définies.

Comme nous l’écrivions ici en 2016 :«Ce nouveau statut qui médicalise encore un peu plus la profession de masseur-kinésithérapeute pourrait bien les faire se consacrer, plus que jamais, à leur mission première, qui est thérapeutique, le massage étant un outil, parmi d’autres, pour mener à bien des protocoles thérapeutiques.

Aussi, les masseurs-kinésithérapeutes dont les cabinets ne désemplissent pas n’auront guère de temps pour pratiquer le massage bien-être. Ils pourront ainsi mieux le partager avec les seules ayant suivi une vraie formation pratique et théorique : les esthéticiennes». Ce que confirment les arrêts de la Cour de Cassation.

Le code de la santé publique délimite le cadre d'exercice des kinésithérapeutes et définit le massage 

L’article L. 4321-1 du Code de la santé publique délimite le cadre légal d’exercice des masseurs-kinésithérapeutes.

Modifié par la loi du 26 janvier 2016, il ne fait plus référence au massage et à la gymnastique médicale mais définit la compétence exclusive des masseurs-kinésithérapeutes.

C’est ainsi que «La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement : des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ; des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles».

L’article R. 4321-1 du même code dispose que «La masso-kinésithérapie consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer. Ils sont adaptés à l’évolution des sciences et des techniques».

L’article R. 4321-3 du Code de la santé publique donne cette définition du massage :

«On entend par massage toute manoeuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus».

Le modelage 

Les esthéticiennes, premières à revendiquer le partage du massage de confort avec les masseurs-kinésithérapeutes, avaient trouvé un terrain d’entente avec ces derniers. Elles peuvent pratiquer de manière exclusive le modelage dont la définition avait été entérinée par la loi.

Celle-ci précise en effet que : «Quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l’entreprise, ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci les activités suivantes : (…) les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale.

On entend par modelage toute manoeuvre superficielle externe réalisée sur la peau du visage et du corps humain dans un but exclusivement esthétique et de confort, à l’exclusion de toute finalité médicale et thérapeutique. Cette manoeuvre peut être soit manuelle, éventuellement pour assurer la pénétration d’un produit cosmétique, soit facilitée par un appareil à visée esthétique».