Le shiatsu en France : savoir trouver son identité
Cette discipline du «shiatsu» peut être traduite tout simplement par «doigts-pression», et comme pour beaucoup d’arts venus d’Asie, il faut savoir lire entre les lignes pour comprendre le sens profond de ce que «doigts-pression» implique.
Au Japon, l’art d’aider ses proches par le toucher a son histoire propre, ancienne.
La consécration du Shiatsu
La consécration du shiatsu, en tant que médecine officielle au Pays du Soleil Levant, ne date que des années 1950, en partie grâce à des personnalités médiatiques américaines de l’époque comme Marylin Monroe ou Mohamed Ali.
Mais surtout grâce à un homme, Namikoshi sensei, qui prodigua des séances de shiatsu pour ces stars qui à leur tour vantèrent tous les bienfaits du shiatsu.
L’objectif du Shiatsu
Le shiatsu n’a pas le confort comme objectif, néanmoins la relaxation que sa pratique induit peut trouver sa place dans le domaine de l’esthétique en France.
Mais le rôle de l’esthétique n’est pas réduit uniquement à des prestations de confort, le sens même de cette profession concerne directement le lien à l’autre et la volonté d’aider la vie.
Pour l’esthéticienne, l’objectif d’un shiatsu de confort est toujours d’aider à une meilleure circulation de la vitalité.
Pour la cliente qui le reçoit, l’objectif est de soulager les tensions induites par les sollicitations du quotidien et récupérer de l’énergie pour faire face à un nouveau lendemain sereinement.
Déployer la vitalité
L’approche manuelle s’est développée en rapport avec un concept culturel. La vie possède une capacité d’adaptation aux changements permanents. Cette capacité est dépendante des blocages du corps et la relaxation est un moyen et non une finalité.
Grâce aux pressions et autres manoeuvres, le corps, et indirectement le mental, peuvent se relâcher, la vie peut s’exprimer pleinement. C’est le déploiement de la vitalité partout dans le corps. Cette vitalité, aussi appelée énergie, Ki en japonais, CHI en chinois, est très liée au sang et circule dans le corps comme le sang dans les méridiens.
Ce terme de méridien est une traduction erronée, on parle d’avantage «du fil et de la trame».
La pression shiatsu
La pression shiatsu agit, le corps réagit. La pression shiatsu répond à trois critères spécifiques : la verticalité, l’horizontalité, la concentration, pour permettre une réaction correcte du corps, une réaction de réajustement de la condition de tension des méridiens afin d’harmoniser la circulation de la vitalité.
Lorsque les pressions sont correctement dispensées, un premier effet est de soulager les tensions liées aux contraintes du quotidien. En conséquence, le confort induit par un changement de condition entre la contraction et le relâchement contribue à la popularité du shiatsu.
C’est une des raisons de sa notoriété dans le monde. Même si la relaxation n’est pas la finalité du shiatsu, le relâchement est un premier pas, une condition pour l’accompagnement à la santé.
Réveiller le corps !
Au fur et à mesure du temps de la pratique et des expérimentations, les méridiens ont été placés sur le corps selon une cartographie définie. Les pressions, en stimulant le réveil du corps pour revenir à une condition de vitalité sans tension, répondent à un déséquilibre induit par des habitudes de vie, des émotions fortes ou stagnantes.
L’énergie n’est pas séparée du corps, les pressions concernent les trajets sur lesquels circule cette énergie. L’énergie est une capacité à bouger, s’ajuster aux variations de l’environnement pour informer le corps afin qu’il puisse modifier sa condition interne et maintenir son intégrité.
La relaxation comme première étape
Les techniques énergétiques, acupuncture, shiatsu, moxa ont une finalité essentiellement préventive. Pourquoi ? Parce que l’énergie a un rôle préventif pour permettre au corps de s’adapter et ne pas être blessé.
L’énergie circule correctement dans un environnement relâché, autrement dit un corps contracté ne permet pas une distribution harmonieuse de la vitalité.
D’où l’importance de la relaxation comme première approche pour favoriser une bonne distribution de la vitalité dans le corps.
Massage ou médecine ?
En fait, ce débat n’en est pas un et pourtant c’est toute la problématique de la légitimité du shiatsu en France.
Le shiatsu en Asie
Culturellement et historiquement, le «massage familial» est pratiqué au quotidien pour aider à entretenir la santé par la relaxation grâce à des techniques de pressions, de mobilisations, d’étirements après une dure journée de travail.
Il s’agit là d’une forme de shiatsu de base, sans codification particulière, sans référence à la médecine traditionnelle.
À l’image des médecines de campagne, cette façon de soulager est avant tout préventive, à tel point que le shiatsu à l’époque s’appelait «TeAte», c’est-à-dire poser «la main au bon moment».
Le massage avait une fonction préventive pour éviter, autant que possible, de tomber malade. À l’époque, tomber malade pour des causes aujourd’hui bénignes, impliquait de lourdes conséquences pour la personne mais aussi pour l’équilibre de la famille, du village.
Petit à petit, la pratique manuelle a pris sa place dans l’arsenal de la médecine traditionnelle orientale, dont l’acupuncture est une des branches les plus connues.
Le shiatsu en France
En France, le shiatsu est présent depuis une quarantaine d’années mais souffre cependant d’un manque de notoriété auprès du grand public. Selon moi, cette problématique naît d’une difficulté de positionnement, d’identité, puisque le lien à la relaxation est différent dans notre pays.
Le shiatsu s’est fait connaître pour ses vertus relaxantes. Cependant, dans cette pratique, la relaxation n’est pas le but mais un moyen pour faciliter la circulation de l’énergie dans les fameux méridiens propres à la Médecine Traditionnelle Chinoise.
Cependant, pratiquer le shiatsu dans une optique médicale en France n’est pas autorisé. Il est alors parfois difficile d’en parler…
Le shiatsu comme médecine
Par ailleurs, pour les praticiens spécialistes qui ont suivi des formations longues et voient le shiatsu comme une discipline d’accompagnement à la santé, il existe ce risque identique d’exercice illégal de la médecine mais bien souvent il est presque inenvisageable de proposer le shiatsu comme une approche uniquement dédiée à la relaxation, comme un massage proposé en institut de beauté ou en spa.
Le shiatsu est pluriel
Finalement, massage ou médecine : pourquoi les choses devraient-elles être tranchées à ce point ? Bien sûr, il faut tenir compte de notre culture, du droit. La réflexion consiste à savoir comment trouver un cadre d’intervention de disciplines venues d’autres pays.
Ma proposition est de faire baisser l’animosité et suggérer l’idée qu’en France la place du shiatsu peut s’écrire au pluriel, pour permettre des espaces de discussions, de concertations permettant à chacun de pratiquer cet art ancestral selon ses objectifs, son cadre d’intervention et ses aspirations à évoluer pour le bien de toutes et de tous.
La future place du Shiatsu en France
Depuis que je suis installé, cette difficulté de positionnement entre le bien-être comme finalité et la proposition de participer à la résolution de problèmes de «santé» selon la définition de l’OMS, n’a jamais cessé d’exister.
C’est peut-être bien cela la place future du shiatsu, plutôt du shiatsu en France : le shiatsu de confort pour les personnes qui apprécient les bienfaits de cet art (le bien-être participe à la libre circulation de l’énergie) même si ce n’est pas sa finalité.
J’ai formé plusieurs esthéticiennes à des protocoles de relaxation par le shiatsu et qui s’appropriaient rapidement, grâce à leur expérience, les techniques propres au shiatsu de confort.
Le Shiatsu dans une prise en charge médicale
Il est possible de pratiquer un shiatsu selon un cadre d’intervention pour accompagner une problématique de santé dans une prise en charge médicale, para-médicale encadrée et définie. Depuis trois ans, je propose des initiations à la pratique du shiatsu pour les élèves psychomotriciens du CHU de Rouen.
La psychomotricité est une profession qui correspond tout à fait au cadre d’intervention du shiatsu dans cette perspective.
Physchomotricité et shiatsu
La psychomotricité est une méthode thérapeutique destinée aux personnes ayant des difficultés sur le plan moteur, comportemental, relationnel ou émotionnel. Elle étudie les interactions entre perception, sentiments, pensée, mouvement et comportement.
Elle observe la façon dont ces interactions se manifestent sur le plan corporel et influencent le mouvement. Le corps en mouvement constitue donc la base du travail en psychomotricité. Le shiatsu peut être utile tant sur le plan psychomoteur que sur le plan émotionnel. Dans le langage psychomotricien, le shiatsu est efficace pour harmoniser le couple «tonico-émotionnel».
La préoccupation principale de l’ancienne approche orientale est de maintenir la capacité d’adaptation de la vie, alors sachons nous adapter et partager les techniques qui jaillissent partout dans le monde pour développer nos compétences et en faire profiter à nos clientes pour le mieux-être de l’humanité. Non ?