Les Français sont-ils devenus propres ?

En 1951, le magazine Elle publiait une enquête qui a fait scandale en mettant en évidence les conditions déplorables d’hygiène corporelle des Françaises qui souffraient encore, en cette période de reconstruction, d’un manque criant d’accès au confort sanitaire de base (ex : eau chaude, salle de bains ou douche).

Soixante-dix ans après cette enquête, qui con rmait les clichés sur le manque de propreté du Français -illustré alors à Hollywood par le personnage malodorant de «pépé le putois» oscarisé en 1949-, l’IFOP publie une nouvelle étude qui permet de faire le point sur la propreté des Français dans un contexte de Coronavirus où le respect des bonnes pratiques en la matière est plus que jamais d’actualité : l’application des règles d’hygiène de base comme le lavage des mains après avoir été aux WC ou avoir pris les transports en commun étant désormais un enjeu de santé publique.

Réalisée pour le compte de Diogène France, société de nettoyage insalubre, cette enquête montre que, si globlement l’hygiène des Français a radicalement changé depuis les années 1950, une part de la population reste encore éloignée des standards de propreté et des bons usages face aux infections virales saisonnières. 

Une toilette complète pas toujours quotidienne

• En 2020, seuls trois Français sur quatre (76 %) procèdent à une toilette complète tous les jours, les femmes se montrant sur ce point plus exigeantes que les hommes : 81 % des Françaises se lavent entièrement tous les jours, contre seulement 71 % des hommes.

• Comparée à leurs aînées dont l’IFOP avait mesuré les pratiques au début des années 50, l’hygiène corporelle des Françaises s’est beaucoup améliorée : la proportion de Françaises procédant quotidiennement au lavage de leur corps et de leur visage étant passée de 52 % en 1951 à 74 % en 1986 pour s’élever désormais à 81 %.

• L’absence de toilette quotidienne reste néanmoins aujourd’hui un phénomène masculin, affectant avant tout les seniors dont les normes en matière d’hygiène ont été inculquées à cette époque : 57 % seulement des hommes de 65 ans et plus se lavent entièrement tous les jours.

Les autres catégories de la population où la pratique est faible sont généralement des personnes isolées géographiquement (59 % des ruraux), professionnellement (60 % des chômeurs) ou socialement (60 % des femmes ne recevant jamais personne à leur domicile), signe que l’hygiène repose beaucoup sur la prise en considération de sa sociabilité et du regard d’autrui dans la gestion de son apparence corporelle.

Confort sanitaire et douche quotidienne  

L’amélioration du confort sanitaire de base ne se traduit pas toujours par la prise d’une douche quotidienne. 

• Le fait qu’au début des années 50, seule une femme sur deux se lavait quotidiennement tient à un manque criant d’accès au confort sanitaire de base : seules 51 % des Françaises avaient alors accès à l’eau chaude, 10 % à une salle de bains (contre 98 % en 2020) et à peine 3 % avaient accès à une douche ou une baignoire (contre 99,5 % en 2020).

• Mais si aujourd’hui, près de neuf Français sur dix (88 %) ont accès à une douche dans leur résidence principale, ils sont moins de deux sur trois (63 %) à prendre une douche quotidiennement, ce qui est le signe de la persistance d’autres moyens de se laver dans une grande partie de la population.

• Là aussi, on observe que la «douche quotidienne» a moins d’adeptes chez les hommes et en particulier chez les hommes de 65 ans et plus qui ne sont que 36 % à prendre une douche quotidiennement (contre 46 % des femmes du même âge). 

Lavage des cheveux 

La fréquence de lavage des cheveux reste très genrée.

• À l’heure où le discours sur la fréquence de lavage des cheveux tend plutôt à inciter à la modération, il est intéressant de noter que les pratiques en la matière restent très genrées.

En effet, si trois hommes sur dix se lavent les cheveux tous les jours, ce n’est le cas que de 8 % des femmes. La norme chez les femmes est plutôt à un rythme tous les deux jours ou deux fois par semaine (62 %, contre 51 % chez les hommes).

• Les comportements des Françaises en matière d’hygiène capillaire ont ainsi beaucoup évolué depuis le début des années 50, sachant qu’en 1951, les trois quarts d’entre elles se lavaient les cheveux moins d’une fois par semaine (77 %), contre 8 % en 1986 et 4 % en 2020.

Lavage des mains 

Face aux risques de transmission de virus comme le Coronavirus, le comportement des Français en matière de lavage des mains est problématique.

• Cette différence entre les deux sexes se retrouve dans l’application des règles de base édictées par les Pouvoirs Publics (ex : Santé publique France) en matière de lavage des mains qui s’avèrent essentielles pour éviter la propagation des épidémies, notamment en période hivernale.

• En effet, l’étude montre que les hommes respectent toujours beaucoup moins ces règles que les femmes : à peine deux hommes sur trois (68 %) se lavent les mains systématiquement après être allés aux toilettes (contre 75 % des femmes) et moins d’un tiers d’entre eux le font après avoir pris les transports en commun (31 %, contre 42 % des femmes).

 • Et en termes de tendance, la comparaison avec de précédentes enquêtes montre plutôt une inertie sur ce plan en dépit des messages sanitaires martelés chaque hiver sur le sujet.

Hygiène vestimentaire 

Les sous-vêtements ne sont pas toujours changés à un rythme quotidien.

• L’importance du sexe et de l’âge dans les comportements d’hygiène corporelle se retrouve en matière vestimentaire, notamment lorsqu’il s’agit de vêtements très intimes comme les sous-vêtements.

En effet, si la quasi-totalité des femmes (94 %) changent de culotte «tous les jours», c’est loin d’être le cas chez les hommes : à peine trois Français sur quatre (73 %) changent de slip/caleçon «tous les jours».

Là aussi, les «mauvais élèves» sont surreprésentés dans les rangs des séniors -seulement 50 % des hommes âgés de plus de 65 ans changent de slip/caleçon «tous les jours»- et, plus largement, chez les hommes dépourvus de machine à laver (56 %).

• Il est là aussi intéressant de noter que si les séniors sont moins rigoureux quant à la fréquence de changement de sous-vêtements, cela est lié à une fracture générationnelle en la matière.

Cette catégorie de personnes a longtemps été éduquée selon un rythme de changement vestimentaire, de douche ou de toilette moins soutenu qu’aujourd’hui.

Ainsi, malgré des progrès considérables en matière sanitaire, une partie non négligeable des seniors continue à avoir des pratiques hygiéniques proches de celles qu’ils ont connues dans leur enfance.

• Comparée à leurs aînées, l’hygiène vestimentaire des Françaises a sur ce plan radicalement changé dans la mesure où la proportion de Françaises changeant de culotte quotidiennement est passée de 17 % en 1951 à 82 % en 1986 pour s’élever désormais à 94 %. 

Conclusion 

Le point de vue de François Kraus, Directeur du Pôle Genre, Sexualité et Santé Sexuelle à l’IFOP :

«Loin d’être un sujet futile pouvant prêter à sourire, le manque d’hygiène corporelle des Français constitue aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique au regard de cette étude qui montre qu’on ne peut plus le réduire à un cliché déconnecté de toute réalité...

Car en dépit des larges progrès observés depuis l’après-guerre, des «poches de saleté» persistent dans certaines catégories de la population comme les hommes, les personnes âgées et isolées, ce qui explique sans doute pourquoi l’hexagone reste en retard au regard des standards de propreté : la France étant classée au 50ème rang sur 63 pays en matière d’hygiène des mains d’après une enquête internationale publiée en 2015 (Win Gallup International).

Or, dans le contexte à haut risque du Coronavirus, l’application des règles d’hygiène de base comme le lavage des mains n’est plus seulement un devoir envers et pour soi-même mais aussi un devoir envers les autres.

*Étude IFOP pour Diogène-France.fr réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 31 janvier au 3 février 2020 auprès d’un échantilon de 2 005 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine.