Zoom sur les cosmétiques végans

Pour rappel, selon le label Eve Vegan, les cosmé­tiques végans répondent à la définition suivante : «Produit exempt de toute substance d'origine animale, n'ayant pas fait appel à des agents techniques d'origine animale et n'ayant été testé en aucune façon sur eux. La fabrication d'un produit explicitement végan impose l'exclusion, autant que possible, de toute forme de partici­pation au commerce des animaux pour son élaboration». Mais cela ne signifie pas que, par opposition, ils ne vont contenir que des ingrédients d'origine végétale, comme le souligne Céline Couteau, docteure en pharmacie, spécialiste en cosmétologie, co-créatrice du blog Regard sur les Cosmétiques : «En effet, bien souvent, et à tort, les cosmétiques végans sont associés à la notion de «green», alors que cela ne l'est pas forcément...». 

Le véganisme n'est pas nouveau

Nous n'avons pas inventé le véganisme à notre époque, bien que ce mode de vie soit devenu tendance depuis quelques années. «Cela se rapporte au végétarisme qui est quelque chose de très ancien. Nous avons déjà des traces de ce végétarisme au VI ème siècle avant J-C. Pythagore a établi pour ses «adeptes» une liste d'aliments bons à consommer et une d'aliments à ne pas consommer. Dans cette dernière, on retrouve le bœuf et d'autres animaux. Cela est considéré comme un mode de vie rattaché à une philosophie de vie. Pour Pythagore, cela était comme une forme de condamnation de la religion et en particulier des sacrifices animaux - jugés peu moraux - pratiqués en l'honneur des dieux. De la même façon, le mode de vie végan est dicté par une certaine forme de croyance. Ce mode vie se base sur le fait que tous les êtres existants sur la planète ont la même valeur et qu'on ne doit pas réaliser de sacrifices d'animaux» détaille Céline Couteau. 

Végan VS naturalité

Les cosmétiques végans ne sont pas nécessairement synonymes de natura­lité. En effet, certains produits peuvent contenir des silicones, issus de la pétro­chimie. Néanmoins, selon la spécialiste, les silicones qui ont mauvaise réputa­tion ne sont pas à vilipender car ils sont porteurs de nombreux avantages en cosmétologie : «En matière de sécu­rité, pour la peau, les silicones sont de très bons ingrédients. Ils conviennent à tous les types de peau et en particulier à la peau jeune. Pour l'acné par exemple, nous n'avons pas à notre dispo­sition pléthore d'ingrédients. Les silicones sont très bien, cela s'étale facilement, le toucher est doux, cela a une fonc­tion barrière... Néanmoins, on ne peut pas nier le caractère polluant de ces matières premières». 

10 labels végans !

10 labels certifient les cosmétiques végans dans le monde, dont le Français Eve Vegan. Selon la spécialiste, le problème serait que derrière chaque label certifiant qu'un cosmétique est végan, le consommateur ne sait pas ce qui se cache réelle­ment: «La labélisation est un point d'interrogation. Lorsqu'un cosmétique est labellisé végan, cela signifie uniquement que celui-ci ne contient aucun ingrédient d'origine animale. Ensuite, il s'agit tout simplement de respecter la réglementa­tion européenne» détaille la spécialiste. 

Interrogée par nos soins, la société The Vegan Society communique de façon transparente à propos de son cahier des charges pour obtenir son label. Les produits que la société certifie doivent être : 

- sans ingrédients d'origine animale, y compris le développe­ment d'organismes génétiquement modifiés et la minimisation de la contamination croisée,

- exempt d'exploitation animale dans le développement, la production ou la fabrication du produit,

- exempt de tests sur les animaux à l'initiative de l'entreprise ou en son nom, dans la mesure du possible et du pratique.

Végan et greenwashing

Devenu un véritable argument marketing pour certaines marques, le véganisme est en proie à une certaine forme de greenwashing. Vous avez sans doute remarqué sur de nombreux cosmétiques l'allégation «Non testé sur les animaux». Mais cela est tout à fait normal qu'un cosmétique ne le soit pas puisque cela est interdit dans l'Union Européenne depuis 2013... «J'ai toujours un petit sourire lorsque je vois des vernis estampillés végan. Tous les vernis du marché le sont, libre à chaque marque de l'indiquer sur son emballage. Mais, personne n'a jamais utilisé d'ingrédients d'origine animale dans un vernis à ongle» déclare Céline Couteau. 

Pas de règles de formulation...

À regarder de plus près la composition des cosmétiques conventionnels, de nombreux pourraient tout à fait être considérés comme végans d'après la doctoresse : «Faire un cosmétique végan n'est pas très difficile dans la mesure où dans l'inventaire européen, peu de matières premières sont issues du monde animal. Il y a le collagène, qui est issu du monde marin ; il y a les ingrédients issus de la ruche ou du mouton comme la cire, le miel et la lanoline ... Finalement, dans un cosmétique végan, il n'y a pas de règles de formulation. Ce n'est pas réglementé. Alors, des marques développent par exemple leur propre collagène végétal bien qu'on ne sache pas encore très bien ce qui se cache derrière. Elles utilisent essentiellement des huiles et des beurres végétaux, ainsi que des ingrédients de synthèse». 

Des progrès pour le respect des animaux

Des progrès ont été faits dans la formulation des cosmétiques en matière de respect des animaux, ce qui a permis l'apparition des cosmétiques végans. «Avant, l'acide hyaluronique était issu de la crête de coq. Aujourd'hui, il est obtenu par biotechnologie. On utilisait des embryons de poulet comme anti­âge, maintenant cela n'est plus autorisé. Nous utilisions également le sérum de cheval (partie du sang de cheval sans les globules rouges), ce qui a donné le nom à cette forme galénique (le sérum de nos jours ne renferme bien sûr plus de sérum de cheval). Nous utilisions aussi par exemple du placenta humain, ce qui est interdit également. Donc fina­lement, avec les restrictions qui se sont faites progressivement, à part quelques exceptions, la grande majorité des cosmétiques pour­raient être estampillés végans. C'est une question de positionnement de marque et de cible client. Pour ce qui est de l'efficacité du produit, cela dépend de la composition de celui­ci, c'est du cas par cas» conclut la spécialiste.