Microplastiques et cosmétiques : une pollution sournoise

La cosmétique bio : souvent une longueur d'avance

Sur de nombreux points, les marques pionnières de cosmétique naturelle et bio certifiée ont été parmi les premiers acteurs industriels à attirer l’attention sur des composants cosmétiques dont l’impact négatif est aujourd’hui reconnu par la communauté scientifique internationale.

Ces composants interpellent les législateurs, non seulement dans le domaine de la cosmétique mais aussi dans celui de l’alimentaire ou d’autres produits manufacturés, comme les produits ménagers, les textiles, l’ameublement, les peintures, etc.

Parmi ces composants pour lesquels les marques bio ont été des lanceurs d’alerte (même si à l’époque le terme n’était pas à la mode) figurent les OGM, les pesticides (comme le glyphosate), les perturbateurs endocriniens (dont certains phtalates font partie) ou les filtres solaires organiques.

On doit bien sûr aussi ajouter le refus des tests sur animaux, combat historique de la branche qui a fini par aboutir, avec l’interdiction totale, dans l’Union Européenne, de la fabrication (depuis 2004) puis de la vente (depuis 2013) des produits cosmétiques testés sur animaux.

Demain on découvrira fort probablement que ces marques bio pionnières ont eégalement eu raison, depuis le début, en choisissant d’exclure d’autres ingrédients encore autorisés aujourd’hui par la réglementation.

Le terrible «7e continent»

Depuis plusieurs années maintenant -tout le monde en a entendu parler- la presse s’est faite le relais des ONG de protection de l’environnement qui ont révélé l’existence de cette immense masse de déchets de plastique qui se sont rassemblés en certains endroits des océans, concentrés par les courants marins.

La découverte de ce «continent de plastique» (c’est une image bien sûr, car ce n’est pas une masse unique et toujours compacte) a été faite en 1997 par l’Américain Charles J. Moore, marin et océanographe.

En mars 2018, l’ONG néerlandaise Ocean Cleanup a publié dans la revue Scientific Reports les résultats d’une étude établissant que ce "7e continent" est encore plus grand qu’on le pensait, représentant 3,5 millions de km2.

Cette surface équivaut à 1/3 de l’Europe et à 6 fois la France. Dans les différentes zones océaniques polluées par du plastique, on trouve jusqu’à 750 000 débris par km2.

Dans certaines régions, comme le long des côtes de Californie, on a pu mesurer que la quantité de plastique est 2 fois et demi celle du zooplancton, ces petits organismes vivants qui sont à la base de la chaîne alimentaire marine.

On peut donc imaginer l’impact que cela a sur la faune, mais également sur la flore des océLans. 80% des déchets proviennent de la terre via les fleuves.

D’après une étude de la Ellen MacArthur Foundation (une association caritative britannique), il y avait en 2014 dans les océans une tonne de plastique pour 5 tonnes de poissons. Et au rythme actuel, en 2050 il y aura un peu plus d’une tonne de plastique pour une tonne de poissons !

Ce «7e continent» envahissant les eaux n’est qu’une partie de la réalité de la pollution de la planète par des plastiques non dégradés : les terres aussi sont largement souillées, de facon irrémédiable.

Les conséquences sont énormes, allant d’un effet létal direct sur les animaux qui les ingèrent à un effet environnemental à plus long terme, ces plastiques libérant dans les sols des molécules souvent toxiques qui sont absorbées par les animaux, les plantes et finalement par les êtres humains.

Nombre de gouvernements ont pris conscience de cette catastrophe et de plus en plus de mesures sont prises. Parmi celles que tout le monde connaît, il y a l’interdiction en France, depuis le 1er juillet 2016, de la distribution des sacs de caisse en plastique à usage unique, qu’ils soient gratuits ou payants.

Depuis le 1er janvier 2017, cette interdiction a été étendue aux sacs «fruits et légumes». Seuls des sacs biodégradables et en papier ou réutilisables peuvent être proposés. L’Union EuropéLenne a également engagé plusieurs mesures visant à réduire les rejets de plastique dans l’environnement.

Parmi les plus récentes figure, en date du 24 octobre 2018, le vote du Parlement européen en faveur de l’interdiction prochaine de certains objets en plastique à usage unique largement utilisés au quotidien : cotons-tiges, couverts, assiettes, pailles, mélangeurs de cocktail, touillettes à café, tiges de ballons gonflables…

Ces produits, qui représentent à eux seuls 70 % de la pollution plastique marine, devront désormais être fabriqués avec des matériaux plus durables.

Et le Parlement se préoccupe également des emballages d’aliments en polystyrène et des produits oxobiodégradables, qui ne sont que partiellement biodégradables, donnant au final des microparticules de plastique (de taille inférieure à 5 mm) également très polluantes.

Au rythme actuel, en 2050 il y aura un peu plus d’une tonne de plastique pour une tonne de poissons !

Les plastiques cachés de la cosmétique

Cependant, il n’y a pas que les objets en plastique, leurs déchets et leurs fragments plus ou moins grands qui sont la cause de cette pollution extrêmement difficile à combattre : la cosmétique est également concernée.

Mais pas uniquement, comme on pourrait le penser de prime abord, en raison de la pollution potentielle par des contenants en plastique jetés dans la nature : en fait, leurs formulations contiennent parfois ce que l’on appelle des microbilles de plastique (qualifiées aussi parfois de microplastiques primaires, par opposition aux microplastiques secondaires issus de la dégradation des plastiques en général).

Celles-ci, dont la taille est inférieure au millimètre, sont utilisées dans des produits très variés, allant des dentifrices aux gels douche, en passant par les shampooings, les vernis à ongles, les eyeliners ou les fards à paupières.

Elles sont en général composées de polyéthylène, mais on retrouve aussi du polypropylène, du polyterphtalate d’éthylène, du polymethyl méthacrylate ou encore du nylon. Les plus petites d’entre elles servent à donner de la fluidité au produit, alors que les plus grosses sont utilisées comme particules gommantes.

Non retenues par les systèmes de filtres lors du traitement des eaux usées, elles se retrouvent directement dans les rivières, puis dans les fleuves et enfin dans les mers et les océans.

Selon une étude publiée en juillet 2015 par des chercheurs de l’université anglaise de Plymouth, les citoyens britanniques relâcheraient chaque année dans la nature plusieurs dizaines de tonnes de microplastiques provenant uniquement des gommages corps et visage !

Une étude précédente avait de son côté montré que les habitants des USA seraient quant à eux à l’origine de 263 tonnes de microplastiques d’origine cosmétique polluant la nature.

Les conséquences de cette pollution environnementale sont multiples. En premier lieu, ces microbilles concentrent par adsorption d’autres polluants, comme le DDT, les phtalates, le pyralène, le bisphénol A, le méthylmercure, etc. mais aussi des bactéries et virus qui peuvent contaminer l’environnement.

Sachant qu’elles viennent s’ajouter aux autres plastiques qui polluent les océans et qui peuvent également être transformés en micro-fragments aux mêmes effets. Ensuite, arrivés dans les cours d’eau, les mers et les océans, ces microplastiques sont consommés par la faune aquatique. On les retrouve donc, avec les polluants qu’ils transportent, dans les poissons, crustacés et mollusques que nous mangeons. Ils finissent ainsi par s’accumuler dans notre organisme, que cela soit par ce type d’aliments ou par la contamination directe de l’eau que nous buvons. On en a également retrouvé dans du miel en France et en Allemagne, ainsi que dans du sucre, preuve de leur transport par les eaux résiduelles, via les eaux de pluie et les fleurs et autres plantes.

Heureusement, certaines administrations et autorités prennent actuellement les choses en mains. En juin 2015, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié un rapport recommandant la prudence dans l’utilisation des microplastiques, suggérant une éventuelle interdiction progressive de leur utilisation dans les produits cosmétiques. Aux USA, plusieurs états de l’Union n’ont pas attendu : le 8 octobre 2015, le gouverneur de Californie a signé un décret interdisant la vente, à partir du 1er janvier 2020, des produits cosmétiques contenant des microbilles de plastique. Six autres états américains, dont l’Illinois en premier dès 2014, avaient déjà pris auparavant des mesures dans le même sens. Au mois de juin 2015, c’est un rapport des Nations Unies qui a recommandé l’interdiction des microplastiques dans les cosmétiques.

Le 18 décembre 2015, le Sénat américain franchissait une étape supplémentaire, avec le vote d’un texte interdisant les microbilles de plastique de moins de 5 mm de diamètre dans les produits cosmétiques à rincer (dentifrices inclus), texte devenu loi par une signature du président Obama le 28 décembre. La fabrication des produits en contenant a ainsi été interdite à partir du 1er juillet 2017 et leur commercialisation à partir du 1er juillet 2018. Les produits à rincer qui sont classés comme médicaments non soumis à prescription sont également concernés, mais avec des dates d’application (interdiction de la fabrication et de la commercialisation) décalées d’un an. Ces ingrédients hautement polluants restent néanmoins autorisés, dans ce texte fédéral, dans les produits qui ne se rincent pas (ex. comme combleurs de rides dans du maquillage et des crèmes anti-rides), sauf dans certains états comme mentionné plus haut et dans ceux qui leur ont emboîté le pas depuis, comme l’Ohio et le Michigan.

Arrivés dans les cours d’eau, les mers et les océans, ces microplastiques sont consommés par la faune aquatique