Sur la route de la lavande

Son parfum et ses vertus médicinales étaient déjà connus dans l’Antiquité plus de 2 500 ans avant notre ère.

Les Égyptiens l’utilisaient pour l’embaumement, et les Phéniciens autant que les Romains parfumaient leur linge ou leur bain de ses senteurs.

Bien plus tard, au Moyen-Âge, elle entra dans la pharmacopée comme plante thérapeutique. Elle soulageait par exemple des migraines, des piqûres d’insectes ou de serpents… On croyait également que les mauvaises odeurs propageaient les maladies.

Aussi, les fonctions de la lavande lui donnèrent son nom qui vient du latin «lavare» et signifie laver : l’odeur de la lavande «lavait», elle était supposée éradiquer les maladies en parfumant.

Véritable trousse de secours à elle seule, la lavande gagne ainsi au XVIème siècle l’Amérique du Nord grâce aux premiers colons qui l’emportèrent dans leurs bagages.

Mais, c’est au XIXème siècle que sa culture connut un véritable essor, grâce notamment à la reine Victoria qui se passionna pour son parfum. Toute la société européenne suivit son engouement, la lavande embauma les demeures autant que les mouchoirs des ladies et gentlemen.

Aujourd’hui, son parfum est sur tous les continents jusqu’en Chine, en passant par l’Espagne, l’Italie ou la Bulgarie. Au Brésil où elle a été importée par les Portugais, sa senteur est omniprésente.

On retrouve l’alfazema (lavande en brésilien) dans 40 % de la parfumerie féminine, mais aussi dans la plupart des savons, shampooings et lessives.

Le deuxième jeudi de janvier, lors d’une importante fête religieuse, le «Lavagem do Bonfim», son odeur envahit les rues de Bahia quand les Baianas habillées tout en blanc lavent à grande eau avec quelques gouttes d’huile de lavande, les marches de l’église de Bonfim.

Entre remède et parfum, la lavande recèle bien des merveilles aux quatre coins du monde. Mais en Provence, elle est extrêmement fragile et en danger depuis quelques années.

Préserver ce trésor parfumé est une belle aventure humaine autant qu’un effort de chaque instant.

Plusieurs espèces de lavandes

Lavande (lat. lavare). Genre botanique : Lavandula L.

La lavande appartient à la famille des labiées (ou lamiacées) comme la menthe, le romarin ou le thym. Il en existe plusieurs espèces (Fine, Aspic, Maillette…) dont certaines sont originelles et poussent à l’état sauvage comme la lavande fine.

Toutes sont mellifères, elles permettent donc aux abeilles de fabriquer leur miel.

Elles poussent surtout sur les sols secs et ensoleillés, à partir de 600 m d’altitude et jusqu’à 1 200 m. On reconnaît la lavande (pour la différencier du lavandin) à sa petite tige de 30 à 40 cm environ et à son épi de fleurs éparses.

La lavande fine

La lavande fine est constituée de dizaines de variétés.

Elle est également appelée lavande de population, en référence à toutes les populations qui la composent.

La richesse de ce patrimoine génétique est visible sur un seul champ. À chaque plant sa nuance de bleu, de mauve ou de gris. La lavande fine est cultivée aujourd’hui uniquement en France.

Les lavandes clonales

Les lavandes clonales sont des variétés homogènes dont chaque plant est identique aux autres. Elles ont été obtenues par la sélection d’une seule variété. La lavande Maillette est une des lavandes clonales.

Le lavandin

Le lavandin est une espèce très différente des lavandes car il résulte du croisement de la lavande fine et de la lavande aspic.

Il ne se reproduit que par bouturage et n’existe donc pas à l’état sauvage. Mais étant plus robuste que la lavande, le lavandin peut pousser à basse altitude.

Le lavandin se reconnaît très facilement : contrairement à la tige de la lavande, celle du lavandin est plus haute, environ 80 cm, et se caractérise par deux épillets latéraux, placés en bas.

Les fleurs disposées en épis sont légèrement plus grosses que celles de la lavande.

Plusieurs variétés existent : Lavandin

Grosso, Lavandin Super, Lavandin Abrialis et Lavandin Sumian.

Le pays de la lavande

Au coeur de la Drôme Provençale, la Vallée de Sainte-Jalle est l’une des terres où se cultive le lavandin. Une pépite préservée, loin de tout, à plusieurs kilomètres des principales villes, Valence, Montélimar et Aix-en-Provence.

C’est ici qu’est établie la coopérative France Lavande. La route est longue pour arriver au village de Sainte-Jalle.

Il faut bien cela pour découvrir ce havre de paix, à l’abri du mistral et si calme que le temps semble suspendu. Là, les champs de lavandin et les vignes s’alternent avec les vergers d’abricotiers.

Une mosaïque de couleurs qu’un peintre aurait pu poser par touches. Ici du vert brun puis un éclat orangé et juste à côté des franges d’un violet intense. On se pose à l’ombre d’un tilleul, les parfums de lavandin et d’abricot vont et viennent au fil de la journée, au loin toute la vallée semble parée de l’or bleu.

La Drôme Provençale est aussi une terre de lavande. Ainsi, au coeur de la vallée de la Roanne, le petit village de Saint Nazaire le Désert.

C’est un petit pays où commencent les montagnes, à partir de 600 mètres d’altitude.

On aime y dire que «le désert n’est pas vide», tant la vie y est dense.

À flanc de montagne, la lavande fine cultivée sur des parcelles d’un mauve tendre parfume délicatement l’air. Elle y est si rare et précieuse qu’on la récolte avec un amour infini.

Au petit matin en été, il faut venir se promener entre les raies bleutées où les senteurs embrassent les montagnes sur les alentours de Saint-Nazaire-le-Désert.

La récolte et la distillation

La récolte démarre quand les fleurs sont pleinement épanouies, entre mi-juillet et mi-août.

Elle débute généralement par la lavande et dure deux semaines ou plus, en fonction de l’altitude, la taille et l’emplacement des parcelles.

Il existe deux façons de récolter la lavande : le vertbroyé et le préfané.

La technique du vert-broyé, pratiquée en zones de plaines ou de plateaux, est davantage réservée au lavandin.

Ses tiges avec sa fleur sont récoltées et hachées, puis distillées le jour même.

Les lavandiculteurs utilisent le préfané pour la lavande.

Cette technique demande plus de main-d’oeuvre : la lavande est coupée et laissée sécher dans les champs durant deux à trois jours avant d’être distillée.

Elle apporte à la lavande une particularité olfactive et développe des facettes plus ambrées et plus coumarinées. Après le préfanage, les brins sont chargés à la main dans l’alambic de la distillerie.

La distillation traditionnelle dure entre 30 et 45 minutes. La lavande distillée sert de combustible pour alimenter la chaudière de la distillerie. Ce procédé de combustion traditionnelle est toujours pratiqué par quelques producteurs.

Pour la distillation moderne, les tiges florales sont coupées et chargées directement dans un caisson. Elles sont transportées jusqu’à la distillerie puis distillées dans ce même caisson qui servira d’alambic.

Des trésors de senteurs

Ne vous fiez pas aux pâles nuances jaune vert des essences de lavande et du lavandin.

Cette fausse simplicité cache des trésors de senteurs. Penchez-vous dessus et sentez…

Vous découvrirez des notes agrestes et fleuries, d’autres plus légèrement fruitées.

Ou encore, des accents boisés camphrés qui rappellent les aiguilles de pin. Il y aura également la rondeur d’une note sucrée balsamique.

On vous expliquera que l’essence de lavande est plus fleurie et caressante que celle du lavandin, plus fusante, plus camphrée : la première a ce petit plus qui lui donne un air féminin et le second, plus direct et plus incisif, dévoile une touche davantage masculine.

Et si on vous dit que ces deux essences ont quelque chose de la bergamote, du géranium, de la menthe, du néroli ou de la fève tonka ? Étonnant non ? Toutes deux partagent des molécules odorantes communes à chacune de ces matières.

Comme une présence invisible, la lavande est un ange gardien qui vrille en silence et accompagne nos gestes de tous les jours.