La tendance du minimalisme en cosmétique

Bien conscients de ces attentes grandissantes, les industriels de la beauté ont pour défi de regagner la confiance des consommateurs, en repensant entièrement les formules existantes, en limitant les transformations et les déchets, en évitant la surenchère des allégations, en privilégiant les cycles courts, les échanges au niveau local et le zéro déchet, sans pour autant oublier l’efficacité et la sensorialité de formules «safe».

En quête d'une cosmétique «less is more»

Le règne de la cosmétique sophistiquée semble révolu.
Désormais, l’heure est à la recherche d’une cosmétique raisonnable, raisonnée, intelligente et minimaliste, prônant non seulement la simplification des formules, leur innocuité mais aussi leur efficacité. Longtemps considérée comme la cosmétique du vide, la cosmétique du SANS (sans parabens, sans silicone, sans phénoxyéthanol…) prend aujourd’hui tout son sens dans cette quête de la minimisation.

Le less is more, littéralement «moins, mais mieux», traduit cette lassitude des consommateurs à opter pour des formules trop pointues, trop complexes, avec finalement peu de transparence. Car le consommateur souhaite avant tout un retour à la simplicité.

Comme le montre une étude Mintel récente, «61 % des consommateurs français sont ou seraient enclins à adopter un mode de vie plus naturel pour améliorer leur santé. Aujourd’hui, 70 % des Françaises ne sont pas toujours certaines de l’impact que peuvent avoir les ingrédients qu’elles utilisent sur leur visage».

Se débarrasser de tout ingrédient suspect et du superflu, telles sont les deux principales motivations de la tendance less is more.

Au-delà de la formule, le less is more s’exprime également au travers de la minimisation des emballages : alléger les contenants ou choisir des matériaux recyclés, recyclables, voire des bioplastiques, diminue l’émission de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie, les ressources, les déchets…

Repenser intégralement la formule

L’heure est à la remise en question des formules conventionnelles. Comme vous le savez, un cosmétique se compose généralement d’un excipient, de principes actifs (1 à 5 % de la formule), d’adjuvants conservateurs (stabilisants, humectants) et d’additifs (parfums, colorants).

Jusqu’à présent, l’excipient, qui représente la très grande majorité du produit, n’avait pas pour vocation de contenir des principes actifs, mais d’être inerte. Aujourd’hui la donne a changé.

Le règne de la cosmétique sophistiquée semble révolu

Une formule SANS

Dans les formules minimalistes, les ingrédients naturels et biologiques les moins transformés doivent être privilégiés, excluant tout ingrédient issu de la chimie de synthèse, de la pétrochimie, et évitant les substances les plus controversées (parabènes, sulfates, silicones, PEG, billes de polyéthylène, parfums avec allergènes,…).

Bien évidemment, cette cosmétique doit s’efforcer de minimiser son impact écologique dans toutes les sphères de sa conception et de son utilisation.

Attention : à partir du 1er juillet 2019, les mentions «Sans…» ou «Free-off…» seront plus que jamais à éviter, suite à l’entrée en application du Document Technique européen sur les allégations et de la nouvelle version de la Recommandation Produits Cosmétiques de l’ARPP.

Une formule particulièrement active

On a souvent reproché à la cosmétique du SANS d’être une cosmétique du vide. Bien évidemment, cela ne suffit pas…

Au-delà de leur innocuité, les formules minimalistes doivent offrir une réelle efficacité pour être crédibles et générer une forte adhésion de la part des consommateurs.

La cosmétique minimaliste est une cosmétique qui respecte l’environnement, avec un maximum d’ingrédients d’origine naturelle, aussi purs que possible, éco-responsables.

Grâce à la richesse des matières premières naturelles, il est possible de créer des gammes vertes tout ou en partie active, où chaque ingrédient vient renforcer l’activité d’un autre et ajuste l’efficacité de la formule. Les soins ainsi obtenus offrent des synergies des plus bénéfiques pour la peau.

Les actifs, issus du règne végétal ou minéral, disposent d’activités variées, traditionnellement reconnues et souvent prouvées scientifiquement, mais aussi d’autres atouts pour combler les attentes des «éco-consommateurs» : sourcing respectueux de la nature, exploitation raisonnée, méthodes d’extraction douces pour l’environnement…

Aujourd’hui, les ingrédients naturels rivalisent de technicité, apportant de véritables solutions en formulation.

Vers des listes INCI raccourcies

Parmi les pistes que les industriels peuvent explorer pour minimiser les formules, l’utilisation d’ingrédients multifonctionnels permet d’alléger les listes INCI.

À titre d’exemple, on trouve désormais sur le marché des émulsifiants performants à l’efficacité prouvée in vivo et/ou in vitro qui apportent des propriétés actives aux formules : ils agissent par exemple en tant que perfecteur de teint, gardent la peau hydratée ou améliorent la biodisponibilité des actifs pour une meilleure efficacité.

La minimisation des listes INCI est actuellement l’une des priorités des marques qui souhaitent montrer ainsi leur volonté de simplifier leurs formules.

Des formules minimalistes et sensorielles

Obtenir une belle sensorialité dans les cosmétiques minimalistes est une vraie prouesse de formulation. Car si le consommateur est dans une démarche minimaliste, il ne veut pas moins de la qualité et dédaigne les textures ou les galéniques trop brutes…

Il existe des ingrédients nouvelle génération capables de créer des textures bluffantes.

À titre d’exemple, les esters gras d’origine naturelle, riches en lipides naturellement présents dans la peau, contribuent à renforcer le film hydrolipidique et la fonction barrière.

Ce sont aussi de véritables agents de toucher, qui apportent douceur et confort à l’application et modulent le toucher souvent gras des huiles végétales.

Leurs propriétés organoleptiques varient en fonction de la longueur des chaînes carbonées et du degré d’insaturation.

Des produits multifonctionnels et gender-free

Toujours dans cet esprit de minimalisme, la conception de produits multifonctionnels est une solution intéressante, puisqu’ils permettent des rituels de beauté simplifiés et la consommation d’un nombre moins important de produits. À titre d’exemple, des sérums visage et cheveux, des produits lavants polyvalents (shampooing ou gel douche) ou des produits gender-free adaptés aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

Des allégations modérées

Concernant le minimalisme, le premier prérequis est de revenir à l’essentiel et de justifier des allégations simples, couvrant les besoins élémentaires de la peau (nettoyer, hydrater, nourrir et protéger) et des cheveux (nettoyer, démêler, nourrir et protéger).

Alban Muller répond à nos questions

Alban Muller, fournisseur français de matières premières naturelles, s’est activement positionné sur le créneau de la beauté minimaliste.

Alexandra Janneau, Responsable de Communication Scientifique, Virginie Nivelle, Responsable R&D Cosmétique finie, et Fanny Marouani, Responsable de développement projets, ont répondu à nos questions :

Le minimalisme semble être l’une des tendances fortes de la cosmétique.
Dans les demandes de vos clients, ressentez-vous cette volonté d’accéder à des formules plus minimalistes ?

L’actualité réglementaire des produits cosmétiques avec l’augmentation des listes d’ingrédients controversés ou interdits, puis l’éveil des consommateurs sur les produits qu’ils achètent, nous poussent en effet à sélectionner rigoureusement nos ingrédients. La tendance est donc de plus en plus à réduire la liste INCI, ce qui tend à rassurer le consommateur.

Réaliser des formules minimalistes a de nombreux avantages et nous concevons dans la mesure du possible nos formules dans cette démarche car elle permet notamment d’utiliser moins de matières et donc de minimiser l’impact des formules sur l’environnement et sur la peau.

Privilégier le «Less is more», c’est faire mieux avec moins d’ingrédients. C’est aller à l’essentiel en privilégiant deux ou trois actifs à un pourcentage sur lequel ils seront performants. Cela est plus intéressant pour le consommateur que d’avoir un produit avec une liste d’ingrédients interminable dans laquelle les actifs seront à des concentrations infimes et donc sans efficacité.

Cela présente également un intérêt pour l’industriel (moins de matières premières en stock, donc moins de coûts).


Le paradoxe de l'eau
Ingrédient souvent considéré comme excipient trivial, sans atout, comme un simple diluant, l’eau peut valoriser la formule en lui apportant vie, nutriments essentiels, activité… via des hydrolats aromatiques ou des eaux végétales natives issues du fruit.
À titre d’exemple, le fournisseur Gattefossé commercialise les Extraits Originels, des eaux récupérées de l’industrie agro-alimentaire lors de la réalisation de jus de fruits concentrés.
Plusieurs marques ont fait le choix de supprimer l’eau de leurs formules via des formules 100 % anhydres, des formules solides ou des formules poudre.


Quelles sont les nouvelles attentes de vos clients ?

Nous sommes experts dans la formulation de produits naturels et dans l’extraction végétale depuis plus de 40 ans. Les clients se tournent vers nous pour accéder à des produits cosmétiques naturels de haute performance assurant sensorialité et efficacité. Constamment à la recherche d’innovation, nous leur proposons des produits toujours plus innovants avec des textures originales.

Éliminer les matières à controverse et proposer des solutions pour remplacer les matières synthétiques sans impacter la sensorialité des produits sont donc les préoccupations quotidiennes de notre laboratoire.

Comment, selon vous, concilier minimisation des ingrédients et innovations ?

C’est tout l’objet de notre travail en formulation. L’innovation peut justement passer par cette minimisation en sélectionnant rigoureusement les matières premières en recherche avancée. Notre expertise en développement d’ingrédients cosmétiques végétaux nous permet d’avoir accès aux meilleurs actifs et de maîtriser leur composition et leur mode d’action. Ainsi, nous pouvons développer des produits en ajustant au mieux les proportions de chaque ingrédient tout en garantissant une efficacité optimale.

Par exemple, en sélectionnant un émulsionnant qui va avoir comme fonctionnalité d’hydrater la peau, former un film protecteur à sa surface et apporter un toucher soyeux sans utiliser de poudre ou autre agent de texture.
Faire le choix de matières multifonctionnelles pour alléger les formules sans compromis sur l’efficacité et la sensorialité est un défi et c’est en cela que réaliser ce type de formule est innovant. Le minimalisme engage le formulateur à revoir sa conception même de la formulation.

Au lieu de chercher à rajouter plusieurs matières pour atteindre le résultat souhaité, il doit plutôt se demander qu’est-ce que je peux faire pour en enlever et avoir un produit aussi performant.

Privilégier le «Less is more» c’est faire mieux avec moins d’ingrédients

À votre niveau, que proposez-vous pour aller dans ce sens ?

La base des produits cosmétiques renferme des ingrédients de formulation, agents de texture, conservateurs qui n’ont qu’une fonction bien précise dans le produit.

Nous travaillons justement à développer des bases actives qui vont contribuer à l’efficacité du produit et permettre de réduire le nombre d’ingrédients dans la formule. Par exemple, un conservateur peut à la fois être un actif et assurer son rôle de préservation du développement de microorganismes. Un émollient peut assurer une texture sensorielle et renforcer la protection de la barrière cutanée.

Nous proposons donc :
- de n’utiliser que les ingrédients utiles,
- d’utiliser des ingrédients multifonctionnels et polysensoriels,
- d’utiliser des actifs Alban Muller développés selon des procédés éco-responsables.


La water footpr int, kézako ?
Concept créé par le Professeur Arjen Y.Hoekstra, la water footprint consiste à calculer pour chaque produit, bien, ou service utilisé, le volume d’eau nécessaire tout au long de sa production et/ou réalisation. L’idée est de mieux appréhender le lien entre consommation humaine et impact sur les réserves en eau douce. Si l’on n’en est pas encore à calculer l’empreinte en eau de chaque ingrédient cosmétique, surveiller, contrôler et optimiser la consommation d’eau lors des process industriels, est un challenge pour tous.


Les ingrédients multi-fonctionnels que vous proposez sont objectivés.
L’objectivation est-elle, selon vous, l’une des clés pour mieux cadrer les allégations ?

D’une manière générale, les tests d’efficacité sont obligatoires pour soutenir une allégation. Que ce soit pour un ingrédient cosmétique ou bien évidemment pour le produit qu’on retrouve sur l’étalage. Tous nos ingrédients, y compris les ingrédients multi-fonctionnels avec allégation d’efficacité ont donc fait l’objet de tests en ce sens.

On peut lire souvent que les ingrédients multi-fonctionnels sont la solution pour réduire l’INCI. Or, l’INCI de ces ingrédients est souvent à rallonge. Quelles solutions alors ?

Oui, les noms INCI des ingrédients de formulation sont souvent longs. Un ingrédient dit multifonctionnel est par définition un ingrédient qui va remplir plusieurs fonctions. Le plus souvent, il s’agit d’agents de texture essentiels à la galénique du produit. On trouvera dans cette famille les épaississants, les gélifiants, les émollients, etc. Ces ingrédients, souvent d’origine synthétique, n’ont pour la plupart aucune activité biologique sur la peau. L’un des ingrédients les plus décriés de cette catégorie étant la silicone.

L’une des solutions est donc de développer des ingrédients d’origine naturelle qui auront une composition proche de celle de la peau afin d’assurer une biocompatibilité. Nous avons par exemple développé un ingrédient substitut des silicones, à partir d’huile de chardon Marie. Cette huile est riche en oméga 6 qu’on retrouve justement dans les couches supérieures de l’épiderme. Ainsi l’ingrédient issu de cette huile assure une activité de renforcement de la barrière cutanée qui préserve l’hydratation de la peau. Cet ingrédient est multifonctionnel car il assure un toucher particulièrement doux, poudré et sensoriel et permet d’obtenir des textures proches de produits qui contiennent des silicones.

Cet ingrédient n’ayant pas fait l’objet de transformations chimiques multiples a un nom INCI simpliste (Silybum marianum ethyl ester).

Avez-vous, ou allez-vous faire évoluer les recettes type que vous proposez à vos clients ?

C’est notre travail au quotidien. Nous sommes très exigeants lorsque nous réalisons de nouvelles formules au laboratoire envers leur composition. Nous avons établi une liste de matières interdites d’utilisation dans nos nouvelles formules et nous étudions constamment de nouvelles matières premières pour trouver des alternatives aux matières premières synthétiques. 

Vérifiez-vous que les matières premières que vous proposez sont non sensibilisantes ?

Nos ingrédients sont issus d’un savoir-faire de plus de 40 ans. Nos extraits de plantes suivent un procédé de fabrication rigoureux garantissant une protection des principes actifs de toute dégradation. Forts de cette expertise en extraction végétale, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres partenaires de la cosmétique et de la pharmaceutique dans le projet NCS TOX visant à développer la connaissance toxicologique des substances naturelles. Initié par l’union de l’organisme d’UNITIS et de l’association de la Botanical Alliance, dont Alban Muller est le président, ce projet cherche en effet à définir le profil toxicologique des produits naturels et dresser le rapport de sûreté des produits finis.

Développez-vous des ingrédients en tenant compte de leur classement de danger ?

Notre connaissance phytochimique des plantes nous permet de sélectionner les végétaux garantissant une parfaite innocuité. Des tests rigoureux standardisés sont bien sûr effectués pour valider la sécurité de chacun de nos ingrédients. Les travaux dans le cadre du NCS TOX vont également dans ce sens.

Il faut faire le choix de matières multifonctionnelles

Quelles sont vos priorités en termes de transformation des ingrédients ?

Notre principale priorité dans le développement de nouveaux ingrédients est d’assurer la constance de la qualité de nos extraits et la sécurité de nos consommateurs.

La sélection des plantes et des procédés de fabrication comme la Zéodratation, processus écoresponsable spécifique développé par Alban Muller, constituent des étapes cruciales pour garantir l’innocuité qui est ensuite validée par des tests toxicologiques.

En parallèle, des travaux de recherche pour déterminer l’activité cosmétique et donc l’efficacité de l’ingrédient, sont assurés. En effet, la composition en molécules actives de chaque plante détermine son bénéfice potentiel pour la peau.

Enfin, le développement d’un nouvel ingrédient doit obligatoirement respecter l’environnement, c’est-à-dire les principes du développement durable, la préservation de la biodiversité et la réduction des coûts énergétiques des procédés de fabrication.

Conclusion

Comme nous venons de le voir, naturalité, sécurité, efficacité, sensorialité et multifonctionnalité sont les maîtres mots d’une beauté minimaliste. Bien loin d’être une niche, cette cosmétique se traduit aussi par une diminution de l’empreinte écologique et un meilleur respect de l’environnement.

Elle traduit de vraies préoccupations des consommateurs, désireux d’accéder à une beauté plus saine, plus simple et plus vraie. Bref, un retour salvateur à l’essentiel.

Nul doute que cette volonté d’accéder à une telle beauté, avec non seulement peu d’ingrédients, mais aussi des ingrédients bruts de moins en moins transformés, soit l’une des tendances fortes de cette année. N’hésitez pas à miser sur ce créneau pour développer vos ventes.